Devoir de Philosophie

Qui nous dicte nos devoirs?

Publié le 05/10/2018

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3° Une réponse, ici encore, vient d’abord à l’esprit : c’est parce que j’ai été formé, éduqué de la sorte, parce que la société qui m’entoure et qui m’instruit m’a inculqué ce que dans d’autres circonstances j’appellerais des préjugés; il m’est bien arrivé par exemple d’admirer un être humain, une œuvre d’art, un livre, parce que je n’avais cessé de les entendre admirer autour de moi, jusqu’au jour où j’ai décidé de rejeter ces idées reçues pour former librement mon jugement. Je puis considérer que l’honneur est un préjugé de caste qui n’a de force que dans certains milieux traditionnalistes. Je puis me demander comment je jugerais Y Iliade, la Joconde, ou la Neuvième Symphonie si ces œuvres ne m’étaient pas parvenues entourées d’un cortège d’admirateurs. Descartes avait pris pour règle de « retenir constamment la religion en laquelle Dieu [lui] avait fait la grâce de [1’] instruire dès [son] enfance »; et Voltaire fait bien dire à Zaïre :

 

« J’eusse été près du Gange esclave des faux dieux,

 

Chrétienne dans Paris, musulmane en ces lieux ».

 

Un moraliste a même pu dire que la morale est « le préjugé du bien ».

 

Il est bien vrai que la philosophie nous enseigne, comme dit aussi Descartes, à k ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la [connaisse] évidemment être telle », mais ce que je connais évidemment être vrai, ce sont les vérités démontrables, rationnelles ; elles seules survivront à l’épreuve du doute; mais non ces croyances, si fortes soient-elles, qui par définition sont acceptées par moi sans pouvoir être justifiées.

 

4° Tenons-nous en à ce qui concerne le présent sujet, c’est-à-dire aux vérités morales, et plus précisément à ces propositions qui énoncent notre « devoir ». Sont-elles de simples « préjugés de l’éducation? ».

 

Agir par devoir, c’est agir sans y avoir intérêt, sans y être poussé par aucune inclination personnelle. Un marchand qui ne trompe pas sur la valeur de sa marchandise pour garder sa clientèle, un philanthrope qui fait la charité parce qu’il souffre de voir des malheureux autour de lui — ce sont des exemples de Kant — n’agissent pas par devoir. Celui qui agit par devoir n’a qu’une raison de le faire, c’est qu’ il le faut, autrement dit c’est parce qu’il estime que c’est une loi, c’est-à-dire une règle qui vaut pour tout homme, universellement. Penser qu’une règle est valable universellement, c’est précisément refuser de la tenir pour un préjugé, un préjugé étant une opinion reçue par tel ou tel selon les hasards de sa naissance et de son éducation.

« C -Analyse du concept: Un devoir est un énoncé à l'impératif; il peut s'agir de l'impé­ ratif grammatical proprement dit (« Rends à chacun ce qui lui est dû »), mais aussi d'autres formes équivalentes, par exemple le futur (« Tes père et mère honoreras ») ou l'infinitif, souvent précédé d'un verbe d'obligation, « Tu dois» (ou : « on doit» ...

), «II faut» ...

II s'exprime dans la forme d'un précepte, d'une règle, d'une maxime ou d'une loi (morale).

C'est donc l'énoncé d'un commandement, et d'un commande­ ment inconditionnel; c'est pourquoi KANT l'appelle l'« impératif catégorique », par opposition à l'impératif hypothétique ou conditionné (« Pour \-ivre heureux, vivons cachés »).

C'est par là même un commandement non sanctionné, c'est­ à-dire qu'aucune sanction n'est infligée à celui qui n'obéit pas.

Cette condition n'est pas toujours bien comprise; certains estiment que celui qui manque à ses devoirs est « puni » par la mauvaise conscience ou le remords; or s'il fallait concevoir les choses ainsi, on aurait affaire à un impératif non pas catégorique, mais hypothétique, l'homme ferait son devoir pour éviter la sanction.

Du concept de devoir, ou d'impératif catégorique (de comman­ dement inconditionné), il faut rapprocher celui d'obligation qui en est à peu près l'équivalent, à ceci près que le concept de devoir évoque l'idée d'une dette et celui d'obligation l'idée d'un contrat (qui lie les deux parties).

D'ailleurs, pour former à l'état pur le concept de devoir, il faut faire disparaître aussi bien l'idée de dette que celle de contrat.

Devoir s'oppose à contrainte.

La contrainte est une force physique qui impose ou interdit matériellement une action, le devoir est une prescription ou une interdiction auxei.uelles nous sommes toujours matériellement libres de désobéir.

Devoir s'oppose aussi à inclination.

L'inclination se distingue de la contrainte en ceci qu'il nous est toujours possible de lui résister, ce qui est impossible dans le cas de la contrainte.

Le devoir, par définition, n'ex.iste que pour un être libre; le mot n'a donc aucun sens dans un monde régi par le déterminisme.

Nous rencontrons ici le problème célèbre et bien difficile de l'accord entre le déterminisme exigé par la science et la liberté exigée par la morale; mais ce problème ne concerne pas le sujet que nous avons à traiter ici.

II - ELABORATION A -Forme de l'énoncé.

Énoncé proposant une question cc ouverte »; nous aurons à examiner les diverses réponses possibles.

Puisqu'il est question du devoir, qui est un commandement, le mot. »

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