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Qu'y a-t-il dans l'art de plus que dans la réalité ?

Publié le 19/09/2011

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Même si nous ne comprenons pas encore ce qu’il y a dans l’art de plus que dans la réalité, nous avons conscience du rôle étrange que joue l’artiste, en particulier face au monde du travail qu’il traverse sans se plier à ses contraintes. L’artiste est celui, nous dit Freud, qui ne reconnaît pas qu’il doit se plier au principe de réalité comme nous le faisons tous, tous les jours, en négociant comme nous le pouvons avec le principe de plaisir. L’artiste est celui qui suit n principe de plaisir, et qui, contrairement à ce qu’il adviendrait pour nous, revient dans ce mouvement qui devrait l’en éloigner à une réalité qu’il niait. C'est-à-dire qu’il exprime par là, mieux que nous ne saurions le faire, notre insatisfaction vis-à-vis de ce monde aux frontières trop étroites, dans lequel nous nous sentons enfermés. Et cette insatisfaction est proprement parler réelle. C’est ainsi que l’artiste retrouve une réalité que nous partageons tous dans le mouvement même par lequel il la fuit.

« nous le faisons tous, tous les jours, en négociant comme nous le pouvons avec le principe de plaisir.

L’artiste estcelui qui suit n principe de plaisir, et qui, contrairement à ce qu’il adviendrait pour nous, revient dans ce mouvementqui devrait l’en éloigner à une réalité qu’il niait.

C'est-à-dire qu’il exprime par là, mieux que nous ne saurions le faire,notre insatisfaction vis-à-vis de ce monde aux frontières trop étroites, dans lequel nous nous sentons enfermés.

Etcette insatisfaction est proprement parler réelle.

C’est ainsi que l’artiste retrouve une réalité que nous partageonstous dans le mouvement même par lequel il la fuit.Nous comprenons donc qu’il y a dans l’art l’expression des limites de notre monde réel, dans lequel nous devonstravailler, nous plier aux contraintes de la réalité et qu’il nous offre la possibilité de les dépasser et de les exprimer.Ce que le monde réel ne nous offrait pas.

Mais cette expression n’est pas la nôtre, elle est celle de l’artiste quiparvient seul à de dépassement, qui parvient seul à retrouver le monde non pas en dépit de ce détour mais grâce àce détour.

Ainsi, s’il y a plus dans l’art que dans la réalité, c’est ce que l’artiste y met en se détournant d’une réalitéqu’il décrète être trop pauvre ; c’est pour lui, d’abord, et par lui, qu’il y a plus dans l’art que dans la réalité. Cette détermination nous mène d’emblée à ceux que, enfermés dans notre souci du principe de réalité, nous jugeonsêtre des artistes maudits.

Ils sont maudits car ils se désintéressent de la possession des richesses et de lacompréhension en termes scientifiques ou efficaces – par exemple économiques ou politiques – de ce monde.L’artiste n’est pas, ne sera jamais comme maître et possesseur de la nature.

Il se crée un monde propre, dans lequelles lois sont celles qu’il édicte dans sa liberté toute-puissante.

Cela se solde par un départ de ce monde pour lesmondes hallucinatoires, les mondes du voyant, que Rimbaud parcourut avant de parcourir les déserts d’Abyssinie.« Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens » (Lettre à Paul Demenydu 15 mai 1871) Il y a dans l’art un courage qu’il n’y a pas dans la réalité, le courage de larguer toutes les amarrespour des mondes inconnus qui peuvent être dangereux et destructeurs.

N’est-ce pas ce que nous dit le poète dansLe Bateau Ivre ?L’art nous donne ce départ hors d’un monde qui ne nous rend pas heureux, qui nous contrait, nous enferme, nouslimite alors que l’artiste a eu le courage de partir et de nous dire de loin ce que nous aurions vu si nous avions euson courage.

Nous sommes restés sur la berge, mais nos avons les échos des voyages dont nous n’avons pas suprendre la décision.

Et ces échos prennent une valeur d’unicité que n’auront jamais les objets interchangeables dece monde.

L’art a en lui une valeur que n’aura jamais la réalité, cette valeur que lui donne un geste unique,incomparable, inimitable.

Quand bien même nous pourrions obtenir des copies fidèles, nous ne les regarderons jamaiscomme nous regarderions l’original.

Avouons que les copies de Peter Bruegel le Jeune ne nous ont pas autant parléque les originaux de son père... Or n’oublions pas que le résultat de ce départ est que l’artiste jouit d’une liberté dont nous ne disposerons jamais dece côté-ci du monde.

Et s’il y a dans le monde de l’art une telle liberté, c’’est sans doute parce que l’intérêt pourl’utile est écarté, au profit du seul souci du beau.

Nous voyons opour le moment qu’il y a dans l’art non pas le plusque dans la réalité, mais autre chose.

En particulier, il y a cet éloignement de la thématique de l’utile. Relisons ce que dit Kant dans la Critique de la faculté de juger :« Il y a des choses en lesquelles on remarque une forme finale, sans y reconnaître un fin ; par exemple les ustensilesen pierre qu’on retire souvent des anciennes tombes et qui ont une ouverture comme pour un manche.

La forme deces ustensiles indique clairement une finalité, dont on ne connaît pas a fin ; on ne les dit cependant pas beaux.

[...]il n’y a aucune satisfaction à leur vue. Le seul fait que ces objets, dont on ignore la fin, portent en eux la trace d’une finalité les arrache au règne del’esthétique.

Ils ne peuvent être beaux.

Il y a donc, dans l’art, une libération face à l’utile qui nous obsède et nousassiège en ce monde.

Mais ce monde est-il la réalité ? La question qui nous est posée nous enferme peut-être pasdans ce monde.

Peut-être faut-il nuancer notre rapport à la réalité, et à travers elle notre rapport à l’utile. Nous sommes restés tributaires d’une thématique dans laquelle la réalité était définie comme le règne de l’efficace,de l’utile.

Et à cet égard, il y a bien une opposition entre l’art et la réalité qui permet de dire ce que nous perdons etce que nous gagnons à passer dans le domaine esthétique.

Mais l’art nous dit surtout ce que la réalité ne nous dirajamais d’elle-même, à savoir qu’elle ne se réduit pas à l’utile.

C’est ce que pose Heidegger lorsqu’il pense au tableaude Van Gogh représentant des souliers de paysans.

Là où nous ne voyons dans l’objet familier que a paire dechaussures qui s’épuisent dans leur utilité, Van Gogh nous donne à voir ces mêmes souliers portant en eux tout lavie du paysan, tout son labeur, sa fatigue, ses attentes, la patience de ses pas.Ainsi ne faut-il pas tant dire qu’il y a plus dans l’art que dans la réalité.

Il paraîtrait plus juste de formuler leursrapports comme état sous le regard de l’artiste, tels que l’art révèle ce que la réalité n’a pas pour vocation dedonner d’elle-même.

Il y a dans la réalité, ce que nous nommons réalité, une obsession de l’utile qui nous met àdistance de la réalité profonde des choses, et l’artiste nous permet, dans la formulation que donne son art, deretrouver cette complétude du monde.

Cette fois, nous avons rompu avec la thématique de l’art comme nousramenant dans les seules apparences ; c’est cet aspect qu’il nous faut creuser. Il faut se demander ce qu’il y a dans l’art de plus que dans la réalité en sortant de la perspective selon laquelled’une part l’art est le règne de l’apparence et d’autre part l’apparence s’oppose à la réalité.

Une disjonction entrel’apparence et l’essence montre une incompréhension de ces notions.

Toute essence, pur que nous puissions avoiraccès à elle doit apparaître.

Qu’est-ce au fond que l’apparence, nous demande Hegel, sinon la manifestation del’essence ?Ainsi rien ne convient mieux à l’art que cette notion de manifeste.

Il y a dans l’art une manifestation de ce qu’est lemonde et de ce qu’est l’homme, une déclaration de ces essences, qui ne peuvent rester tacites.

Il y a dans l’art un. »

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