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Répondre à un désir, est-ce nécessairement le satisfaire ?

Publié le 27/03/2009

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Répondre à un désir, est-ce nécessairement le satisfaire ?

Le désir correspond en l’homme à une tendance réfléchie susceptible d’orienter sa volonté, son action (« je désire «, « je veux «). Et c’est dans la mesure où il est réfléchi que le désir se distingue du pur instinct animal, tendance dont la fin est la satisfaction immédiate. Car alors que l’homme a la possibilité de différer la satisfaction de son désir, l’animal, submergé dans son présent intramondain, tend à répondre immédiatement à ses besoins sans réflexion médiatisante. L’homme est sujet à la médiation, puisque s’il s’adonnait à consumer sans détour l’objet de son désir, il régresserait au rang de bête, et s’acharnerait sans doute contre autrui dans une lutte permanente, afin d’obtenir l’exclusivité du plaisir de posséder. Le désir, s’il est essence de l’homme en tant qu’il est l’appel incessant du « conatus « (ou tendance fondamentale permettant d’agir), requiert réponse par le biais du réel, lieu de toute satisfaction. Dès lors le désir dans son appel premier, ouvre une brèche entre l’idéal et le réel, puisque son mouvement doit toujours porter vers une certaine efficience au sein de la réalité. L’homme, ainsi arraché par cette tendance de son égoïté pure, doit faire l’épreuve du désir afin de répondre à sa destination (ou au désir du philosophe ?), celle de devenir véritablement homme, celle d’être maître de soi. Et il apparaît que ce terme fondateur de toute dignité peut nécessiter la négation d’une modalité désirante première, la ruse déjouant une logique pulsionnelle inadéquate à la réalité sociale, ou encore le traitement réfléchi des désirs seuls susceptibles de rendre l’homme possesseur de lui-même. Comment toutefois s’assurer que le sujet désirant, perpétuellement soumis à cette force intime, puisse se rendre maître de lui-même en déviant l’idéalité première du désir par sa transformation au sein d’une réalité dans laquelle de plus en plus fourmillent des objets inessentiels de satisfaction du désir ?   Le désir est-il soluble dans le plaisir de la satisfaction ?

« (Phénoménologie de l'esprit , IV).

Le maître désire, puis il ordonne à l'esclave de lui servir comme « sur un plateau » ce dont il veut jouir.

Cette attitude, passive et en rupture (puisque le maître est dans l'attente, non dans unedémarche active vis-à-vis de son désir) avec toute logique du désir instaurant directement le sujet face à l'objet,fourvoie le maître dans une conception unilatérale et bornée.

En contrepartie, il offre à l'esclave, qui travaille pour ledésir d'un autre, la possibilité de se libérer des besoins immédiats, en façonnant l'objet du désir du maître à sonimage.

L'esclave se détache de sa dépendance vis-à-vis de la nature, en la modelant, en y apposant son empreinte.La satisfaction, censée tendre vers autrui, devient ainsi, par le détour de la servitude, l'objet propre de l'esclave quise contemple dans l'autre (la nature) comme dans un miroir, satisfaction réfléchie et digne de porter l'homme versune liberté plus digne.

III.

Régulation du désir par le psychisme (Freud) Le but de la pulsion, dans la pensée freudienne, « est toujours la satisfaction, qui ne peut être obtenue qu'ensupprimant l'état d'excitation à la source de la pulsion » ( Métapsychologie , « pulsions et destin des pulsions »).

Dès lors un retour à la quiétude s'impose.

Le désir avec Freud résulte d'un conflit entre le psychisme et le mondeextérieur : le principe de réalité va donner une forme et une limite au désir, ce qui est également le principe d'uneéducation du désir.

Car un homme qui ne répondrait qu'au principe de plaisir (c'est-à-dire à la satisfaction immédiatede la forme pulsionnelle du ça) serait amené à agir de manière quasi bestial, ou asociale.

En subordonnant lasatisfaction aux contraintes de la réalité, le principe de réalité s'oppose à la visée du principe de plaisir, c'est-à-direl'idéale décharge immédiate de la pulsion.

Il y a la nécessité de la satisfaction différée.

Mais comme le ça (lieu despulsions) n'obéit qu'au seul principe de plaisir, l'éducation du plaisir sera rendue possible par le jeu contradictoire destrois instances psychiques (ça, surmoi, moi) : « […] le moi apprend qu'il est indispensable de renoncer à lasatisfaction immédiate, de différer l'acquisition du plaisir, de supporter certaines peines et de renoncer en général àcertaines sources de plaisir.

Le moi ainsi éduqué est devenu raisonnable, il ne se laisse plus dominer par le principede plaisir, mais se conforme au principe de réalité, qui, au fond, également pour but le plaisir, mais un plaisir qui, s'ilest différé et atténué, a l'avantage d'offrir la certitude que procure le contact avec la réalité et la conformité à sesexigences » ( Introduction à la psychanalyse , 1916).

Freud ne rejette pas le désir du côté d'un simple déterminisme biologique, mais il montre que le désir prend en compte le contexte culturel dans lequel il se développe.

Les pulsionspeuvent donc être refoulées sous l'effet de la censure morale.

Toute civilisation façonne des manières de désirer, enrapport avec les usages et interdits par lesquels elle se définit.

L'interdit joue un rôle fondateur dans la formationdes désirs et des mœurs.

Ce n'est que par des voies détournées que pourra se faire la décharge immédiate de lapulsion (voir L'interprétation des rêves, 1900), voies laissant ainsi une moindre place aux formes de frustrationqu'expérimente tout homme.

Conclusion La force du désir réside dans son pouvoir à affecter l'homme, dans son commandement à réagir.

L'épreuve du désirouvre alors plusieurs possibilités, depuis la satisfaction immédiate à la sublimation, en passant par une sélectionrigoureuse entre ce qui est susceptible de me rendre meilleur et ce qui m'abaisse au niveau des désirs terrestreinessentiels.

Des limites s'imposent : on ne peut en rester à vouloir l'impossible comme l'indiquera Descartes, car lavolonté doit s'atteler au niveau de l'entendement ; on doit suivre la voie que nous ouvre nos désirs en considérationde l'autre, toujours là dans mon environnement ; mais aussi on doit, pour celui qui entend se connaître lui-même,avoir une intelligence du désir et de sa possible répercussion sur une vie bonne, vertueuse.

Si la réalité détourne lespulsions individuelles de leurs buts initiaux (sublimation chez Freud), cette réalité elle-même fabrique une diversitéde désirs pas toujours favorables à l'homme.

De fait l'homme du système capitaliste vit sur le mode de posséder unmaximum sans entraves : une belle voiture, une belle femme, une belle maison, le dernier téléphone, etc.

L'argent,lui, est le médiateur permettant d'obtenir ce que l'on désire.

Et il arrive même, dans cette vénération des sociétésoccidentales contemporaines pour l'argent, que l'individu en reste à ne désirer que l'argent pour lui-même, véritabledieu qui dévore tout par son pouvoir (Marx, dernières pages du Manuscrit de 1844 ).

Pour conclure, considérons ceci que le désir, s'il ouvre, comme on l'a vu dans notre introduction, une brèche entre l'idéal et le réel, s'avère être unfacteur de conciliation en faisant du réel le terrain d'effectuation de l'idéalité initiale.

Et cet idéal, qu'il soit désir desagesse, pulsions inconscientes, ou volonté de richesses matérielles, est plastique puisqu'il répond le plus souvent àune situation donnée, à un ensemble déterminant (l'image des désirs véhiculés par la société).

Avoir conscience dece qui nous détermine, n'est-ce pas déjà un grand pas pour se détacher de cet matrice désirante imposée, etretrouver pour soi, en tant qu'individu, une logique propre du désir, subversive face à la volonté généraled'homogénéisation ?. »

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