Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes
Publié le 11/04/2012
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Le droit de propriété n'étant que de convention et d'institution humaine, tout homme peut à son gré disposer de ce qu'il possède: mais il n'en est pas de même des dons essentiels de la Nature, tels que la vie et la liberté, dont il est permis à chacun de jouir et dont il est au moins douteux qu'on ait droit de se dépouiller: en s'ôtant l'une on dégrade son être; en s'ôtant l'autre on l'anéantit autant qu'il est en soi ; et comme nul bien temporel ne peut dédommager de l'une et de l'autre, ce serait offenser à la fois la Nature et la raison que d'y renoncer à quelque prix que ce fût.
«
Problématique
On a donc une opposition cen trale entre ce qui, venan t de la nature, ne
peut être dissocié de l'essence de l'h omme, et ce qui, iss u d e la société et de
la conve ntion, peu t être aliéné sans dommage réel po ur celle-ci .
Cette
opposition perme t de hiérarc hiser des valeurs (nature, société) et rend
possib le u ne do ubl e crit iq ue :
• critiq ue de ceux qui font de la propriété un droit nature l;
• critique d u droit conçu comme codification de rapports de domination
dans le cadre desquels des hommes, per dant leur liberté, perdent l eur qualité
d'hommes; les jugements présents dans le texte sont donc sous-tendus par
une conception-référence de la nature humaine.
Enjeu et portée du texte
La critique du droit comme justification ou apologie d'un rapport de
forces est ici particulièrement nette.
La relativisation
de la propriété (donnée culturelle, conventionnelle)
est assez originale
dans le contexte de la philosophie des Lumières.
Rappelons
par exemple, la controverse Rousseau-Voltaire à ce sujet.
Rousseau,
inspirateur des références philosophiques de la Révolution
française,
ne semble pas cependant avoir totalement triomphé dans la
formulation des droits de l 'homme et du citoyen, déclaration votée le
26 août 1789, dont il faut rappeler qu'elle ne stipule pas pour la propriété
les mêmes limites que pour la liberté (article 4: La liberté consiste à pouvoir
faire ce qui ne nuit pas à autrui; article 17 : La propriété est inviolable) .
C'est Robespierre qui, dans la critique qu'il fera de cette Déclaration des
droits de l'homme, apparaît comme étant dans le droit-fù de la pensée de
Rousseau : «En définissant la liberté, Je premier des biens de l'homme, le
plus sacré des droits qu'il tient de la nature, vous avez dit avec raison qu'elle
avait
pour borne le droit d'autrui; pourquoi n 'avez -vous pas appliqué ce
principe à la propriété, qui est une institution sociale? Comme si les lois
éternelles de la
nature étaient moins inviolables que les conventions des
hommes [ ...
].
» (Robespierre, discours du 24 avril 1793.).
»
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