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Sciences & Techniques: La Terre [entretien avec Xavier Le Pichon]

Publié le 22/02/2012

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En 1967, Xavier le Pichon utilisait pour la première fois le modèle de la tectonique des plaques pour décrire l'évolution de notre planète. Aujourd'hui professeur au Collège de France et directeur du Laboratoire de géologie de l'Ecole normale supérieure, il dresse le bilan des apports de cette théorie à la compréhension de notre environnement : la Terre. Science & Vie : Tout le monde sait aujourd'hui que nous vivons sur une Terre en constante évolution. Ce n'était pas le cas il y a seulement 30 ans, lorsqu'est apparu le modèle de la tectonique des plaques. Ce fut une vraie révolution… Xavier Le Pichon : La tectonique des plaques a complètement changé notre vision de la planète. Pour les sciences de la Terre, elle est l'équivalent de ce qu'a été la théorie de la relativité en physique. Les idées que nous avions sur les chaînes de montagnes, par exemple, ou sur l'âge des océans, que nous pensions être identique à celui des continents, faisaient que nous ne pouvions rien y comprendre. Nous avions une vision profondément erronée de la Terre.

« gonflement du volcan dû à la remontée du magma.

En revanche, si nous pouvons dire que l'éruption va probablement produire une nuée ardente, nous ne sommes pas capable de prévoir exactement quand elle aura lieu.

En ce qui concerne les séismes, denombreux spécialistes pensent que leur déclenchement est chaotique, donc imprévisible.

Les sismologues sont plutôt pessimistes et,selon certains d'entre eux, nous n'arriverons jamais à prévoir exactement la magnitude d'un séisme, sa localisation et le moment où ilaura lieu.

Les zones à risques sont connues et nous savons qu'un tremblement de terre s'y produira un jour, sans pouvoir préciserquand.

C'est un phénomène éminemment aléatoire. S & V : Alors les tremblements de terre sont une fatalité… X.

L.

P.

: C'est le grand problème de notre époque.

Nous avons construit des villes avant d'avoir eu à subir de grands tremblements de terre.

Nous ne savons pas quelles conséquences aurait un séisme de magnitude huit sur Tokyo.

Notre civilisation est fragile, elle est allée beaucoup plus vite que la maîtrise des risques naturels.

Il nous faudra les subir un jour où l'autre ; à ce moment là, nous devronsrevoir notre copie… Lors du tremblement de terre de Kobe (1995), le Japon a été coupé en deux et les transports interrompuspendant un mois.

Les Japonais ont envisagé de dédoubler leur capitale pour ne pas être dépendants d'unecatastrophe.

Ils ont aussi parlé de dédoubler les voies de communication…Les séismes comme celui deKobe nous ont enseigné quels types de déformation se produisent en surface : nous sommes donccapables de mieux concevoir les structures ou les immeubles capables d'y résister.

Quand les structuressont adaptées, le nombre de victimes est nettement moins élevé. Aujourd'hui, on observe une nette tendance à demander des comptes aux scientifiques parce qu'ils n'ont pas prédit une catastrophe.

C'est un problème que nous rencontrons de plus en plus souvent.

Tout le monde réclame le risque zéro… S & V : Le mouvement des plaques est dû à des courants, dits de convection, qui brassent le manteau sous-jacent.

Eux-mêmes résultent de l'échange d'énergie thermique entre le cœur de la planète et sa périphérie.

Est-ce que l'intérieur de notre Terre est aussibien connu aujourd'hui que l'extérieur ? X.

L.

P.

: Notre vision de l'intérieur de la Terre n'est plus du domaine de la fantaisie, mais devient de plus en plus précise.

Par exemple, la sismologie permet de visualiser dans le manteau les masses en mouvement rapide, c'est-à-dire celles qui sont froides, etcelles qui sont lentes, donc chaudes.

C'est ce qu'on appelle la tomographie sismique.

Les tomographies sont assez détaillées etpermettent de voir les "plumes" – les remontées de magma qui sont à l'origine des points chauds. Sous l'Islande, nous pouvons même les suivre jusqu'au noyau.

Grâce aux satellites, il y a une grande progression dans lacompréhension de la Terre en tant que solide soumis à un champ de pesanteur , le géoïde.

Nous obtenons ainsi des informations très importantes sur la façon dont se répartissent les anomalies de densité à l'intérieur de la terre, qu'il est possible de corréler auxmodèles tomographiques. C'est ainsi que nous avons pu montrer que la convection à l'intérieur de la Terre est chaotique.

Une partie de l'énergie thermique issuede la désintégration radioactive du noyau remonte sous la forme de plumes, tandis qu'une autre partie se propage en rouleaux. En laboratoire, les travaux dans des conditions de haute pression et de haute température nous livrent lespropriétés physiques des roches à l'intérieur de la Terre.

Les progrès de la connaissance du noyau terrestre sont très rapides.

Nous sommes en train de comprendre beaucoup de choses sur ce qui se passe à l'interface noyau/manteau. S & V : La Terre est donc une machine… X.

L.

P. : Elle est bien plus que ça.

Elle a une vie.

Une machine fait toujours la même chose, pas notre planète.

Au début de son histoire, son énergie thermique était 6 fois celle d'aujourd'hui.

La Terre est une sorte de centrale atomique dont le combustible – sonnoyau – n'est pas renouvelé.

Elle se fabrique encore maintenant, c'est un système extrêmement complexe au sein duquel il y a desinteractions entre le climat, l'enveloppe vivante, l' atmosphère , la croûte solide et tout ce qui vient des profondeurs… Il y a 6 milliards d'êtres humains sur Terre, qui sollicitent leur planète en permanence.

Sans une vision de la Terre comme étant unsystème en constante évolution, nous risquons de faire n'importe quoi.

Regardez ce que donne en France la gestion des cours d'eau,ces inondations systématiques qui résultent d'une mauvaise compréhension de la planète.

Nous allons avoir de plus en plus besoin despécialistes en sciences de la Terre, tout simplement parce que notre société doit s'adapter à son environnement .. »

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