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Sciences & Techniques: Le paradoxe de la grossesse

Publié le 22/02/2012

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A l'instar d'une greffe, le foetus devrait être rejeté par sa mère. Mais il tient. Et se développe. Pourquoi ? Neuf mois chez la femme, presque deux ans chez la femelle éléphant, vingt et un jours chez la souris, pour chaque espèce de mammifère, la grossesse est un processus relativement long si on le rapporte à la durée de vie de la mère. Long, bien sûr, mais aussi énigmatique. Pendant tout ce temps, la mère va porter un foetus constitué pour moitié à partir de gènes provenant du père. En toute logique, il devrait très vite être reconnu comme " étranger " par le système immunitaire de la mère et être rejeté au bout de 10 à 14 jours comme une vulgaire greffe. Or, malgré les intenses connexions anatomiques qui se créent entre la mère et l'embryon, ce dernier tient et se développe.

« Variantes Chez les primates, dont l'homme évidemment, on trouve bien des HLA de classe I sur le placenta.

Mais les HLA de classe I dits "classiques ", A et B, qui varient beaucoup d'un individu à l'autre (on dit qu'ils sont polymorphes) et sont les cibles privilégiées ou "majeures " du système immunitaire ne sont pas exprimés.

En revanche, on a montré au cours des dix dernières années, que deuxautres sortes d'antigènes HLA de classe I, variant peu d'un individu à l'autre, apparaissaient au niveau du placenta de la femme : HLA-E dont le rôle est très peu connu, et HLA-G qui suscite beaucoup d'hypothèses (voir plus loin ).

Plus récemment, on a découvert qu'unantigène d'histocompatibilité I " classique ", HLA-C, faiblement polymorphique était aussi présent sur le placenta. Autre particularité, ces antigènes ne sont pas omniprésents sur le placenta.

Chez la femme, on trouve les HLA-G sur les cellules duplacenta qui s'accolent aux cellules utérines – partie appelée cytotrophoblaste ou trophoblaste extravilleux.

Les cellulestrophoblastiques, qui sont directement baignées par le sang maternel et forment le syncitiotrophoblaste, sont totalement négativespour les HLA de classe I (et de classe II, d'ailleurs). On ne retrouve cependant pas cette configuration chez tous les primates.

Chez la femelle babouin, par exemple, l'équivalent de HLA-Gapparaît au niveau du syncitiotrophoblaste. Pour ce qui est des autres espèces, rongeurs, porcins, équidés, les différences sont encore plus notables : dans la majorité d'entreelles, sinon toutes, des équivalents des antigènes HLA A, B, C, humains sont présents sur le placenta.

De plus, ils sont souvent encontact direct avec le système immunitaire maternel. Quoi qu'il en soit, des antigènes d'origine paternelle sont souvent exprimés sur les cellules du placenta et ils peuvent être reconnuscomme étrangers par le système immunitaire de la mère.

Celle-ci réagit en effet contre la présence d'antigènes " étrangers "puisqu'elle produit des anticorps anti-HLA classe I et anti-HLA classe II paternels : 22% des primipares et 90% des multipares en font." Pour tout arranger, précise Gérard Chaouat, pour l'espèce humaine, ces anticorps sont "cytotoxiques" en éprouvette, c'est-à-direqu'ils peuvent tuer les cellules cibles du fœtus .

Chez la souris, au contraire, ils ne le sont pas.

" Comme la grossesse normalement procède jusqu'à son terme, il est bien évident que des mécanismes doivent intervenir pourempêcher la réponse immunitaire maternelle d'être dangereuse pour le bébé.

Quels sont-ils? Pour répondre à cette question, denombreuses études ont été entreprises.

Elles permettent, aujourd'hui, de mieux comprendre le rôle que jouent dans cetteextraordinaire tolérance les régulations locales de la réponse immunitaire de la mère et les productions hormonales.

Mais l'énigmen'est pas encore totalement résolue.

Les hypothèses avancées par Medawar pour expliquer la tolérance de la mère envers son fœtusont toutes été écartées.

Mais, parallèlement, les scientifiques ont exploré une nouvelle piste, celle d'une immunosuppression locale –au niveau du placenta et de l'utérus – qui pourrait bien contribuer de façon essentielle à la survie du conceptus. Pour bien comprendre les mécanismes relativement complexes mis en jeu dans cette immunosuppression locale, il est nécessaire defaire un résumé des épisodes précédents.

Le fœtus, on l'a vu, porte à la surface de ses cellules des molécules considérées commeétrangères par le système immunitaire de la mère.

Ce sont des antigènes d'histocompatibilité d'origine paternelle, appelés antigènesHLA chez l'Homme.

Le placenta, tissu d'origine embryonnaire reliant le fœtus à sa mère et directement en contact avec l'utérus de celle-ci, en exprime aussi certains, avec des variantes selon les espèces. La mère, de son côté, n'est pas vraiment immunodéprimée.

Au contraire, elle forge des armes contre ce corps " étranger ",notamment des anticorps capables de reconnaître les HLA paternels et, pour certains, de détruire les cellules qui en sont porteuses.On dit qu'ils sont cytotoxiques.

Première constatation intrigante : ces anticorps cytotoxiques ne s'attaquent justement pas auplacenta.

De plus, alors que la réponse habituelle du système immunitaire face à un corps " étranger " aboutit à l'activation de cellules" tueuses ", les lymphocytes CTL, spécifiquement dirigées contre l'antigène " étranger ", durant la grossesse, on ne trouve pas de CTLanti-antigènes paternels dans la circulation sanguine .

Enfin, la réponse immunitaire normale implique aussi l'activation d'une autre sorte de globules blancs, les lymphocytes " tueurs naturels " ou NK (de l'anglais Natural Killer).

Ils réagissent dès la mise en place dugreffon et ce, de façon non spécifique.

Cette immunité NK existe bien pendant la grossesse, mais elle est abaissée.

En réalité, on aégalement observé qu'en éprouvette, le placenta résiste aux NK sauf lorsque ceux-ci sont activés par un facteur produit par d'autreslymphocytes, l'interleukine 2, et se transforment en super tueurs, les LAKs. Les scientifiques ont apporté un début d'explication à ces phénomènes étranges.

Le placenta joue un rôle clé dans leur schémaexplicatif.

C'est à son niveau, par exemple, que les anticorps cytotoxiques, sécrétés par le système immunitaire de la mère, secassent les dents, si l'on peut dire.

Ces anticorps ont besoin, pour être activés, et donc lyser les cellules du placenta, d'une moléculeappelée le complément.

Or, la nature a permis au placenta de mettre en place une parade : les cellules de sa couche externe encontact avec le sang maternel expriment deux protéines, le MCP et le DAF, qui empêchent les anticorps cytotoxiques de fixer lecomplément ou qui le détruisent.

En conséquence, ces anticorps ne peuvent plus tuer leurs cellules cibles.

Au contraire, ils vont êtrerégulièrement transportés dans les cellules placentaires pour y disparaître. En fait, la survie du placenta – et donc in fine de l' embryon – dépend, en grande partie de lui-même, de ses propriétés intrinsèques, ainsi que de celles de la déciduale (ou caduque) partie de l'utérus transformée en tissu sécrétoire qui jouxte le placenta. Production locale d'immunosuppresseurs La déciduale libère tout un ensemble de substances – un facteur de croissance embryonnaire, le TGF bêta 2, des prostaglandines,. »

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