Sciences & Techniques: Les premières années du radium

« Dès la fin de 1901, les premières tentatives thérapeutiques au radium ont lieu à l'hôpital Saint-Louis, sous l'égide du docteur Danlos.

Ilutilise des sources préparées par le couple Curie.

De son côté, Pierre Curie s'associe aux dermatologues Ch.

Bouchard et V.Balthazard pour étudier l'action physiologique du radon sur des souris et des cobayes.

Ces travaux suscitent alors un grand nombred'études et d'applications, tant en France qu'à l'étranger.

Ils constituent le point de départ de la radiumthérapie , qui sera rebaptisée curiethérapie après la mort de Pierre Curie. Séduits par un tel outil, les médecins vont tenter d'appliquer ses propriétés à leurs patients.

Les rayonnements ne leur sont d'ailleurspas étrangers : ils manipulent régulièrement les rayons X depuis déjà quelques années. La curiethérapie Les recherches amorcées dans le domaine médical se poursuivent de plus belle.

En France, H.

Dominici,L.

Wickham et P.

Degrais, créent à cette époque le Laboratoire biologique du radium de Paris.

Facilementaccessibles, ce sont d'abord les affections cutanées, comme le lupus, et les maladies vénériennes quibénéficient de la curiethérapie.

D'expérience en expérience, les applications médicales du radiums'élargissent.

Mais les plus importantes se focalisent autour d'une maladie qui fait beaucoup parler d'elle :le cancer .

Une étape importante est notamment franchie lorsqu'on se rend compte que les cellules à multiplication rapide, telles que les cellules cancéreuses, sont plus sensibles aux rayonnements que les cellules normales (loi de J.

Bergonié et L.

Tribondeau, 1906).

En ajustant les doses, on peut donc espérer soigner les cancers, àcommencer par certains cancers de la peau.

On utilise soit du radon, soit directement du radium déposé dans ce que l'on appelle desapplicateurs.

Puis la radioactivité s'attaque aux tumeurs plus profondes; leur traitement est amélioré un peu plus tard par Claudius Regaud.

Il a l'idée, pour laisser agir un certain temps la source de rayonnement au plus près du tissu malade, d'employer des aiguillescontenant du radon.

Un système que l'on ne pouvait pas employer avec les rayons X.

Le radium nécessaire est gracieusement fournipar l'industriel Armet de Lisle. A la même époque, on s'aperçoit qu'une source radioactive émet en fait plusieurs types de rayons : alpha, bêta et gamma, dont lescomportements ne sont pas les mêmes sur l'organisme.

Les premiers, très peu pénétrants, " brûlent " énormément, alors que lesrayons gamma sont reconnus capables de traverser les tissus normaux avec une absorption faible, sans déterminer de lésion grave.

Ils'agit donc de filtrer ces rayons.

C'est H.

Dominici qui, le premier, en 1907, commence à utiliser des écrans (par exemple du plomb del'ordre de 0,5 mm d'épaisseur), de manière à ne laisser passer que les rayons gamma.

Il suffit alors d'augmenter la durée d'expositionpour compenser la perte d'intensité due à la présence des écrans interposés.

De leur côté, L.

Wickham et P.

Degrais mettent au pointla technique du " feu croisé " : en dirigeant deux irradiations selon des angles différents, ils exposent le tissu malade deux fois plusque les tissus sains avoisinants.

Les résultats spectaculaires obtenus par les médecins enthousiasment le public, dont la foi en lamédecine ne fait que grandir depuis la découverte du vaccin antirabique.

Voir disparaître une tumeur cutanée en quelques séances derayons ne laisse pas de doutes quant à l'efficacité de ce nouveau remède. La radioactivité révèle une autre vertu.

Un jeune physicien polonais, J.

Danysz, venu à Paris pour travailler avec Marie Curie, montreque le radium peut détruire les microbes ou tout au moins retarder leur développement.

C'est à partir de ces observations, reprisesdans d'autres pays, que la technique de la stérilisation par les rayonnements ionisants verra le jour un peu plus tard. Bénéfique, à faible dose? Vers 1904, on découvre que la radioactivité est omniprésente dans la nature.

Ce qui pousse Pierre Curie, en collaboration avec AlbertLaborde, à s'intéresser au gaz radon qui émane des eaux minérales.

C'est le début d'une série d'études systématiques portant sur denombreuses eaux de sources thermales, françaises et étrangères.

La présence de ce radon s'explique par le passage des eaux àtravers des roches uranifères.

Dans la ferveur suscitée par la radioactivité curative, on pense un moment que le bienfait procuré par ceseaux minérales proviendrait, en partie, de la radioactivité qu'elles contiennent.

Si la question est posée prudemment, l'argumentcommercial n'échappe pas aux fournisseurs : ils s'empressent d'annoncer triomphalement la teneur en éléments radioactifs sur lesétiquettes de leurs bouteilles.

On ne montrera que plus tard qu'il n'y a aucun rapport entre les vertus des eaux minérales et leurcontenu en radioactivité.

Il n'y a pas encore si longtemps, dans les années cinquante, on trouvait de telles indications sur certainesbouteilles autrichiennes. Création de l'Institut du radium 1906, Pierre Curie vient de disparaître.

Ses préoccupations médicales sont alors reprises par Marie Curie.

Notons que, contrairementà une idée générale, aucun des deux Curie n'est médecin.

La jeune femme prend sa nouvelle mission à cœur : elle n'hésite pas à selancer dans de nombreuses démarches auprès de l'Institut Pasteur, dirigé alors par le Dr Émile Roux, et de l'Académie de Paris dontle recteur est Louis Liard.

Il s'agit de décider les deux institutions à créer à fonds commun, sur un terrain appartenant à l'Université, uninstitut de recherches.

Celui-ci comprendra deux laboratoires, l'un de physique et chimie - dépendant de la faculté des sciences etdirigé par elle-même - et l'autre de biologie.

C'est l'Institut Pasteur qui administrera ce dernier, sous la responsabilité du Dr ClaudiusRegaud.

Marie Curie obtient enfin l'accord en 1909.

Comme lieu de recherche, l'Institut du radium doit matérialiser la collaboration. »