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Sciences & Techniques: L'éthologie animale nous renseigne-t-elle sur nos comportements ?

Publié le 22/02/2012

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Chaque espèce, voire chaque individu dans les espèces les plus évoluées, particulièrement la nôtre, doivent être envisagés dans un environnement qui leur est propre, dans un monde qui s'est construit en fonction d'histoires différentes. C'est la condition à respecter pour éviter que l'éthologie tombe dans les pièges de l'anthropocentrisme et de l'idéologie. La rupture animal–homme est-elle si totale que l'étude des comportements animaux ne nous enseignerait rien sur nos comportements humains? Nos connaissances sur le système nerveux humain se sont nourries de découvertes sur le calmar, l'aplysie, les souris mutantes. C'est en travaillant sur le chien que Pavlov a défini le concept de réflexe. Nos médicaments sont d'abord testés sur des animaux de laboratoire. Bref, notre biologie humaine, malgré son indéniable spécificité, a d'immenses points communs avec les autres domaines de la biologie, qu'il s'agisse de génétique moléculaire ou d'équilibre de la biosphère. Personne ne s'en offusque. Mais, dès que l'on aborde l'étude des comportements humains, les passions se réveillent. Tout discours est immédiatement catalogué, suspect.

« par un mâle qui y couvera les œufs : un exemple moins connu que les harems de lionnes. L'anthropocentrisme transparaît aussi dans les descriptions des sociétés d' insectes sur le modèle de sociétés hiérarchiques : la femelle reproductrice, plus grosse que les autres, a été baptisée " reine ".

Maiselle ne gouverne rien.

Et elle est désormais appelée " individu alpha " dans les nouvelles descriptions quis'appuient sur une modélisation de ces sociétés d'insectes selon des algorithmes d'intelligencedistribuée/intelligence en essaim.

Ces modélisations prouvent qu'aucune abeille, fourmi ou termite nepense ou n'organise ni la division sociale de leur groupe, ni l'architecture sophistiquée des nids.

Cesorganisations émergent des interactions entre individus, dont aucun n'a l'intelligence de la complexité de ce qui est collectivement construit.

Ces nouveaux modèles changent notre regard sur les sociétés animales; déjà utilisés en scienceshumaines et sociales, ils ont aussi renouvelé les analyses économiques et sociales, du niveau de l'entreprise à celui des rapportsinternationaux. Le regard de l'Homme sur le comportement animal est donc toujours armé de conceptions, de théories, voire d'idéologies, implicitesou explicites, qui guident ses analyses parfois à son insu.

Historiquement, c'est par la démarche expérimentale que ce regard a tentéde s'affranchir d'un anthropocentrisme qui reste un danger permanent. Le film récent Microcosmos actualise un émerveillement naturaliste menacé d'anthropocentrisme, mais n'illustre aucune approche expérimentale des comportements animaux.

Contrairement aux Souvenirs entomologiques de J.H.Fabre (10 volumes publiés en 1879- 1907), dont ce film s'inspire pourtant.

Ayant par exemple fait naître chez lui une femelle du plus grand papillon d'Europe, le GrandPaon de nuit, une espèce relativement rare, Fabre fut surpris par la quantité de mâles qui tentèrent de la rejoindre.

Il analysaméticuleusement ce qui pouvait les attirer – vue, vibrations, odeurs – jusqu'à constater qu'ils se pressaient sur le papier qui avait étéen contact avec la femelle, tout en ignorant celle-ci, pourtant tout à côté mais sous une cloche de verre.

Les phéromones ne furentdécouvertes qu'ultérieurement, mais ce qui s'appellera plus tard l'éthologie expérimentale était déjà en route. Le comportement défini par les béhavioristes Formulé au début du siècle, le béhaviorisme est une première structuration théorique de l'approche expérimentale du comportement,dans le champ naissant de la psychologie, animale et humaine.

Le Manifeste de Watson propose l'établissement de lois qui expliquent des actes moteurs " objectivement observables " à partir de " stimulus (eux aussi objectivement observables) provenant du milieu ".

C'est le fameux couple stimulus-réponse.

Entre les deux, l'individu est une boîte noire : la conscience , l'introspection et autres fonctions mentales ne sont pas prises en compte, pas plus que les divers processus physiologiques de l'organisme.

Watsonaffirme s'inscrire dans la lignée de Descartes (" L'homme-machine ") et de Pavlov.

De l'animal le plus primitif à l'Homme, l'objet de recherche de la psychologie, si elle veut être " une branche purement objective, expérimentale, des sciences naturelles ", doit être le comportement défini comme " l'activité des êtres et leurs rapports sensori-moteurs avec le milieu ". Le béhaviorisme s'est beaucoup intéressé aux apprentissages, notamment au conditionnement opérant.

Si un stimulus est associé àune récompense, et un autre à une punition, un rat devient capable de choisir entre les deux.

Placé dans une boîte de Skinner , un rat apprend à appuyer sur la pédale qui commande l'introduction de nourriture dans la cage; et ce dispositif reste largement utilisé dansnombre de laboratoires de neurobiologie, pharmacologie, etc.

Ces concepts ont largement été utilisés sur les humains.

Nombre depsychothérapies comportementales (très critiquées par la psychanalyse ) sont directement inspirées du béhaviorisme; le film Orange mécanique en est un exemple.

Et certaines philosophies de vie intègrent plus subtilement de tels concepts pour justifier par exemple l'éloge de la fuite (H.

Laborit) ou un transfert d'agressivité sur nos proches " pour éviter l'ulcère ". L'éthologie s'est ensuite définie par opposition au béhaviorisme, tout en reprenant certains de ses acquis.

Le néo-béhaviorisme aparfois contesté et élargi le cadre strict défini par Watson, en parlant plus de situation que de stimulus, ou en reconnaissant que laboîte noire n'est pas à négliger (notions d'attention ou de motivation).

Mais, auparavant, je voudrais insister sur la prégnance tenacedes concepts et démarches du béhaviorisme. Il reste étonnamment prégnant dès qu'il s'agit de mesurer des observables à l'entrée et à la sortie d'un système, pour évaluer cesystème qui reste une boîte noire.

Il est ainsi largement dominant dans le cognitivisme, ce qui est, à première vue, un paradoxe,puisque les sciences cognitives ont justement pour but de rentrer dans cette boîte noire pour mieux comprendre les mécanismescérébraux des performances comportementales.

Mais l'I.A.

( intelligence artificielle ) y a acquis une place dominante qui impose, encore aujourd'hui, le modèle béhavioriste.

L'ordinateur est programmé pour résoudre un problème, en étant comme une boîte noire.Mais l'ordinateur n'est pas plus un cerveau humain que l'automate n'était un homme au temps de Descartes.

Quant aux problèmes cognitifs animaux, force est de constater qu'ils sont théorisés en termes de raisonnements humains : retour de l'anthropocentrismederrière l'extrême sophistication des modélisations. Comportements innés, évolution, sociobiologie Le béhaviorisme niait farouchement l'inné, par choix théorique de base.

Cette radicalité n'est pas sansexpliquer le succès rapide de toutes les démarches expérimentales qui ont mis en évidence descomportements innés.

Lorenz et Tinbergen (qui ont lancé le terme " éthologie ") ont été les premiers : ils ont montré, en 1938, que l'oie grise continue à faire les mouvements de roulage de son œuf pour leramener au nid, même quand l'expérimentateur a subtilisé l'œuf en cours de route.

L'œuf hors du nid estun stimulus qui déclenche une série de mouvements qui se poursuivent en absence du stimulus.

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