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SENSIBILITÉ. — SON CARACTÈRE. — LA DISTINGUER DE TOUTES LES AUTRES FACULTÉS, ET MARQUER SA PLACE DANS L'ORDRE DE LEUR DÉVELOPPEMENT.

Publié le 15/06/2011

Extrait du document

D'après les trois acceptions diverses du mot sensibilité, nous aurons à traiter successivement : 1° de la sensibilité physique ou organique, 2° de la sensibilité psychologique , 3° de la sensibilité morale. Nous chercherons dans un quatrième paragraphe le principe de la sensibilité ; enfin dans un cinquième paragraphe nous ajouterons quelques considérations sur le bonheur et le malheur. I. De la propriété qu'ont les nerfs de recevoir l'impression, ou de la sensibilité organique.

1. La sensibilité organique appartient au corps et non pas à l'âme : c'est là son premier caractère qui la distingue nettement des facultés de l'âme. Elle existe dans l'animal ; elle existe même d'une certaine façon dans la plante. Ses phénomènes consistent dans une triple impression faite, 1° sur l'organe proprement dit; 2° dans la longueur du nerf; 3° au centre cérébral. Nous avons déjà remarqué que, si l'impression peut se produire ainsi et se transmettre, c'est grâce à la puissance vitale qui anime le corps organisé. Quand la vie se retire, les chocs, les déchirures opérés dans l'organe, sont sans retentissement; il y a coup, lésion, il n'y a plus impression. 2. Or, la première impression qui détermine les deux autres en vertu des lois de la vie, d'où vient-elle elle-même ? tantôt de l'action d'un corps étranger, tantôt de l'action des organes eux-mêmes. Dans les deux cas, il est évident que l'impression est le résultat inévitable des lois de la nature. De là le second caractère de la sensibilité organique , celui d'être fatale. 3. Il est clair que la sensibilité organique se développe en même temps que la puissance vitale, et avant les facultes de l'âme.

« chacun des deux, le paralysé pourrait avoir connaissance de l'impression en regardant, mais il ne sentirait pas;l'autre verrait et sentirait.5 .

La sensibilité psychologique diffère de la sensibilité morale, en ce que le plaisir et la douleur, le bien-être et lemalaise ont des sources différentes dans l'une et dans l'autre.6.

Le caractère de la sensibilité psychologique est d'être fatale.

On entend par là que le bien-être et le malaise quirésultent en nous des impressions faites sur nos organes, ne dépendent pas de notre volonté '.7.

Mais il faut se garder d'étendre cette dénomination de fatale aux déterminations mêmes de notre volonté qui sontprovoquées par nos sensations.

Il ne dépend pas du gourmand de ne pas trouver aux mets un goût agréable, mais ildépend de lui de ne pas céder à une tentation séduisante.8.

Il est évident que le plaisir et la douleur qui suivent l'impression organique n'ont avec elle aucune ressemblance,et que ces faits si complètement différents l'un de l'autre ne sont unis si étroitement l'un à l'autre par aucune raisonscientifiquement compréhensible; la cause de cette union, si elle existe, nous échappe.

Il faut remonter, pourl'expliquer directement, à la cause première.9.

Il n'en est pas de même du but de cette union, ou du motif pour lequel Dieu l'a établie.

Ce but ou ce motif, qui serattache au plan général de la création, c'est la conservation de l'être organisé.

Le plaisir et la douleur, a-t-on dit,sont les sentinelles du corps.

Les plaisirs des sens sont donc un moyen et non pas un but.

Il est utile d'avoir duplaisir à manger, mais il est insensé de manger pour avoir du plaisir.10.

Enfin, il est évident, sans entrer dans aucun développement à ce sujet, que la sensibilité psychologique estcontemporaine de la perception, et antérieure à l'intelligence, à la sensibilité morale et à l'activité réfléchie. III.

De la faculté d'éprouver des Sentiments, ou de la Sensibilité morale. 1.

Les sentiments ont avec les sensations cette ressemblance unique d'être des manière d'être agréables oudésagréables.2.

Ils en diffèrent par trois caractères essentiels :1° De n'être rapportés à aucun organe.

La faim se rapporte à l'estomac; les saveurs au palais, etc.; mais l'amitié,l'enthousiasme, etc., ne se localisent point dans le corps ;2° D'avoir pour objets ou notre propre fin morale, ou nos semblables, ou Dieu, c'est-à-dire des objets qui netombent point sous nos sens;3° De supposer ces objets déjà plus ou moins connus.

L'amour du bien suppose qu'on a quelque idée du bien, etc.Les sensations au contraire sont antérieures à tout développement de l'intelligence.3.

La sensibilité morale présente trois divisions naturelles d'après ses objets : I.

l'amour de soi; 2° l'amour de sessemblables; 3- l'amour de Dieu.A l'amour de soi se rapportent l'ambition, l'émulation, etc.A l'amour de ses semblables, la sympathie, l'amitié, etc., et leurs contraires qui ne sont que des négations.A l'amour de Dieu, l'adoration directe et les sentiments qui en sont le cortège; et, de plus, toute inclination de notreâme vers les choses impersonnelles, exprimées collectivement par les trois mots de vrai, de bien et de beau.4.

Ces trois espèces de sentiments n'agissent pas toujours séparément, le plus souvent même ils sont mêlés, et lessentiments réels de la vie ne s'expliquent bien qu'en faisant la part de chacun d'eux.5.

Qu'il y ait notamment de l'amour de soi constamment combiné avec les deux autres amours, c'est ce qui est vraile plus souvent.

L'amour de la mère pour son fils est incontestablement la plus désintéressée des affections de laseconde espèce : or, ne s'y mêle-t-il pas le plaisir de la maternité, le plaisir de commander, l'espérance d'un amourréciproque, l'orgueil si naturel des vertus et des talents de l'enfant, quelquefois l'ambition, etc.? Dans l'amour mêmede Dieu, le plus pur de tous, n'y a-t-il pas aussi comme accessoire de l'amour de soi? Et d'une manière générale, enaimant, quel que soit l'objet de notre amour, ne cherchons-nous pas notre bonheur? Il n'est nullement question icide l'égoïsme, qui est l'amour de soi érigé en maxime exclusive, sentiment monstrueux qui, du reste, trouve sonchâtiment en lui-même et manque toujours le but qu'il se propose.

Il ne s'agit que de l'amour de soi légitime etinstinctif, lequel a et doit avoir une part considérable dans tous nos sentiments.6.

Ce point a été généralement admis, plusieurs fois même outré.

Ce qu'on sait moins et qui mérite bien d'être su,c'est qu'un certain amour de Dieu est aussi inhérent à toutes nos affections légitimes que l'amour de soi à nosaffections en général.

Car l'amour, quand il n'a pas Dieu directement pour objet, a pour objet le fini; mais,réfléchissez-y, le fini en quoi mérite-t-il d'être aimé, si ce n'est par sa participation avec les attributs de l'être infini?7.

Aimer le vrai, c'est au fond aimer Dieu; aimer le bien, c'est au fond aimer Dieu; aimer le beau, c'est au fond aimerDieu.

La science, la vertu, l'art et la poésie qui s'alimentent par ces trois amours, sont, au point de vue religieux,trois modes d'adoration.

Sans doute, l'homme, par sa faiblesse, oublie souvent que l'infini est le complément absoludu fini, et ne sait plus remonter à ces sources sublimes; mais cette imperfection ne change rien à la réalité, et toutsavant, tout homme de bien, tout poète, chacun, à sa manière, poursuit de son amour la réalité surhumaine,éternelle, divine.8.

Nos autres affections légitimes cachent aussi le sentiment religieux.

Qu'est-ce que désirer sa propre perfection,sinon au fond sa ressemblance avec Dieu? Qu'est-ce que désirer son bonheur, sinon au fond sa participation à Dieu,et le rapprochement de notre nature à la sienne, dont il semble qu'un mouvement excentrique nous a séparés ' ? Etdans nos affections amicales et sociales, qu'aimons-nous en définitive? Des attributs dont le premier type est enDieu.

Dieu est le type souverain de la mère, de l'épouse, de l'ami, de la patrie, de la gloire, etc.

Il était avant ceschoses, et ces choses n'ont sur nos coeurs un empire délicieux, que parce qu'elles viennent de lui et qu'ellesreflètent sa nature.9.

De là deux conséquences.

L'amour de Dieu est le vrai principe de tous nos sentiments; dans l'homme le plusdépravé il se trouve encore à quelque degré, si dans cet homme il reste quelque affection légitime.

Et d'un autre. »

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