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Suffit-il d'avoir raison ?

Publié le 22/11/2005

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« Avoir raison « signifie être dans le vrai. Dans ce cas, en se fiant à cette acception on peut affirmer qu’avoir raison est une condition suffisante pour connaître. Le sujet n’indique pas la finalité poursuivie. Dans quel contexte pourrait-on dire qu’il suffit d’avoir raison ? Pour bien comprendre ce qui est en question dans l’énoncé, il est nécessaire d’examiner les contextes d’utilisation de cette expression. Face au doute de son interlocuteur, elle est employée pour renforcer notre argumentation dans la mesure où elle exprime notre conviction. Elle sert alors d’attestation interne. Elle peut aussi être utilisée à la deuxième personne du singulier « tu as raison «, autrui reconnaît alors la validité de notre discours, et constitue une attestation externe. L’expression peut également prendre la forme interrogative : ai-je raison d’agir de telle manière ? On constate alors qu’elle est dans une certaine mesure paradoxale.

« extérieure, la possibilité de la communiquer, et de trouver que la créance possède une validité pour la raison dechaque être humain : car dès lors, du moins est-ce une présomption que la raison d'être de l'accord de tous lesjugements, indépendamment de la diversité des sujets entre eux, reposera sur le fondement commun, à savoirl'objet, avec lequel ils s'accorderont par conséquent tous, prouvant ainsi la vérité du jugement.

» ( Critique de la raison pure , Théorie transcendantale de la méthode) En définitive ce qui tranchera entre la conviction et la persuasion ce sera une vérification extérieure de la validité de l'énoncé.

Cependant si une telle vérification estpossible dans le cas d'une vérité scientifique, la connaissance étant alors universelle et nécessaire, qu'en est-il dansle domaine pratique où règne la contingence ? Deuxième partie : Dans quel contexte « avoir raison » peut-il suffire ? Dans le champ de l'action et non plus dans celui de la connaissance théorique, la vérification qu'il s'agit bien d'une conviction et non d'une persuasion n'est pas aisée car l'action est par nature singulière alors que laconnaissance théorique est universelle.

Aristote, dans l'Ethique à Nicomaque , rappelle cette caractéristique : « l'action a rapport aux choses singulières ».

Dans une situation donnée où nous devons prendre un parti, le fait dechoisir une manière d'agir n'est pas facile, nous ne pouvons pas nous référer à un fondement commun, comme dansla connaissance théorique, la singularité pratique s'oppose à l'universalité théorique.

Doit-on alors suspendre notrejugement, dans la mesure où nous ne sommes pas assurés d'être dans le vrai quand nous pensons avoir raison, etdonc ne pas agir, puisque nous savons que nous pouvons être dans l'erreur.

Nous pouvons croire que ce sont desraisons objectives qui nous déterminent à agir de telle manière alors que nos raisons sont subjectives, issues d'unmotif caché, refoulé.

La suspension de jugement est conseillée par les sceptiques, comme Sextus Empiricus.

Leproblème sous-jacent est qu'elle mène à l'irrésolution et donc à l'inaction, seule réponse selon eux où fait que nousvivions dans un univers incertain. L'inaction ou la suspension de jugement n'est pas une solution satisfaisante.

Quelle posture peut-on adopter face à cette part d'incertitude, au fait que notre décision n'est peut-être pas la bonne, que nous croyons seulementavoir raison ? La solution cartésienne est la morale par provision.

Il défend la position selon laquelle il est stérile dese demander si j'ai raison d'agir de telle ou telle manière, il faut s'en tenir à une décision, même si elle est teintéed'incertitude.

Quand il est impossible de discerner le vrai, il faut suivre le probable.

« Imitant en cela les voyageursqui, se trouvant égarés en quelque forêt, ne doivent pas errer en tournoyant, tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, niencore moins s'arrêter en une place, mais marcher toujours le plus droit qu'ils peuvent vers un même côté, et ne lechanger point pour de faibles raisons, encore que ce n'ait peut-être été au commencement que le hasard seul quiles ait déterminés à le choisir : car, par ce moyen, s'ils ne vont justement où ils désirent, ils arriveront au moins à lafin quelque part, où vraisemblablement ils seront mieux que dans le milieu d'une forêt.

Et ainsi, les actions de la viene souffrant souvent aucun délai, c'est une vérité très certaine que lorsqu'il n'est pas en notre pouvoir de discernerles plus vraies opinions, nous devons suivre les plus probables.

» (Descartes, Discours de la méthode ). Avoir raison peut être une condition suffisante de la connaissance pratique parce que le contexte incertain nous contraint à suivre le probable à défaut du certain.

Cependant, un écueil se profile.

La solution cartésienne estune solution provisoire.

Serait-il possible comme dans la connaissance théorique de se référer à une vérificationextérieure, rendant possible une connaissance pratique universelle ? Troisième partie : La connaissance pratique peut-elle accéder à l'universalité rendant insuffisante la créance d'avoir raison, la validation extérieure étant nécessaire ? Le problème du caractère singulier de l'action, et donc par là même de son incertitude, trouve une réponse dans l'expérience pratique.

En effet, celle-ci détermine le caractère approprié de notre action.

Affirmer avoir raisonest conforté dans ce cas par nos expériences passées et ce qu'elles nous ont appris sur le caractère adapté ou nonde nos actions par rapport aux circonstances.

Ainsi Aristote, au sujet des hommes prudents, s'exprime en cestermes dans l'Ethique à Nicomaque : « l'expérience leur a donné une vue exercée qui leur permet de voir correctement les choses.

» La morale par provision de Descartes élevait au rang de condition suffisante le fait d'être persuadé d'avoir raison.

Dans la Lettre Préface aux Principes , sa position a évolué, il caractérise cette morale comme étant : « une morale imparfaite, qu'on peut suivre par provision pendant qu'on n'en sait point encore de meilleure.

» L'exigencesous-jacente vise la recherche d'une régularité dans la sphère pratique à même de nous assurer que notreaffirmation n'est pas seulement de l'ordre de la persuasion mais de la conviction, dont les raisons sont doncobjectives.

Dans une Lettre du 4 août 1645 à Elisabeth, Descartes affirme que le remède à l'incertitude est le droitusage de la raison et que si l'homme se fourvoie c'est parce que sa volonté ne se fie pas à la lumière del'entendement.

« La plus grande félicité de l'homme dépend de ce droit usage de la raison , et par conséquent que l'étude qui sert à l'acquérir est la plus utile occupation qu'on puisse avoir.

» Il serait dès lors intéressant de savoir si l'on peut élever au rang de connaissance universelle les règles pratiques.

Kant affirme la possibilité d'une telle élévation dans les Fondement de la métaphysique des mœurs « Si l'on ajoute qu'à moins de soutenir que le concept de la moralité est absolument faux et sans objet, il faut admettreque la loi morale ait une signification si grande qu'elle ne doit pas seulement valoir pour des hommes, mais pour tous. »

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