Toute nouvelle technique est-elle forcément un progrès ?

La technique est longtemps restée attachée à l'idée de progrès : les thèses positivistes, vulgarisées et simplifiées par le scientisme prévalent alors dans l'analyse du phénomène. Les développements de la production et les améliorations qui en résultent dans les conditions de vie des individus justifient cette idée que le progrès technique est forcément un bien pour l'humanité. La recherche du confort, de la sécurité, que l'humanité a poursuivie durant des millénaires, paraît pouvoir être menée à son terme. La vieille malédiction du travail semble même pouvoir être surmontée puisque la machine est en mesure de suppléer l'homme dans un grand nombre de tâches, parmi les plus avilissantes ou pénibles. Un sociologue comme J. Fourastié voit dans l'avènement du machinisme, une occasion pour l'homme de se « spécialiser dans l'humain «. En effet, en laissant à la machine le soin d'effectuer les besognes mécaniques ou répétitives, il dégage du temps pour cultiver ce qu'il y a de plus spécifique en lui, son esprit. L'avènement d'une « civilisation des loisirs «, qui semble possible à certains, annonce une ère de bonheur, que connaîtra l'humanité et non, seulement, quelques privilégiés. Le loisir généralisé ouvrirait alors une période de liberté et d'épanouissement inconnu jusque là, et dont la réduction, lente mais continue, de la durée du travail depuis un siècle, n'est que la préfiguration.