Devoir de Philosophie

Y a-t-il des actes indifférents ?

Publié le 06/01/2006

Extrait du document

Cependant, ne  pas pouvoir se déterminer pour choisir un acte plutôt qu'un autre n'est-il pas le plus bas degré de la liberté ? Descartes nomme liberté d'indifférence l'état de la volonté lorsque sa perception du vrai et du bien ne la pousse ni à un choix ni à un autre. Il remarque alors que cette indétermination peut être comprise par certains comme le libre arbitre, c'est-à-dire précisément le fait de pouvoir choisir sans y être contraint : la liberté consiste dans le fait que même si nous avons des raisons de faire un choix, nous aurions pu faire le choix inverse. Mais selon Descartes, lorsque la liberté choisit sans raison, dans l'indifférence, par indétermination, il ne s'agit que du plus bas degré de la liberté. La véritable liberté consiste dans le fait de choisir un acte non pas parce qu'il est indifférent, mais d'agir selon un jugement guidé par la vérité et le bien, qui donne une valeur à l'acte et le fait sortir de son indifférence. Il existe donc des actes indifférents, mais qui ne sont pas, comme pour les sceptiques, les seuls actes possibles étant donnée la suspension de notre jugement. Ils sont au contraire les actes qui ont le moins d'intérêt, qui nous donnent le moins l'occasion d'exercer notre volonté et notre liberté.               3° Il n'y a d'actes indifférents que pour celui qui refuse sa liberté Nous avons vu que les actes indifférents existaient comme actes où notre liberté n'exerce que sa capacité minimale de libre-arbitre. Mais ne peut-on affirmer que puisque nous choisissons toujours, même entre deux actes qui nous semblent indifférents, cela signifie que nous avons toujours une raison de faire tel choix, et qu'il n'existe donc aucun acte véritablement indifférent ? Dans la perspective existentialiste de Sartre, l'homme est défini par sa liberté, qui est liberté de se définir lui-même et de choisir ce qu'il veut être en choisissant ses actes : être responsables de nous-mêmes, c'est être responsables de nos choix, qui sont toujours porteurs de ce que l'on est, et qui, en retour, nous définissent.

Notre pouvoir d’agir est généralement compris dans son lien avec la liberté de choix, qui détermine la valeur de l’acte à accomplir : lorsque nous délibérons sur plusieurs actes possibles, nous envisageons les conséquences de chacun de ces actes, nous nous interrogeons sur leur valeur, sur les raisons que nous avons de les choisir, afin de déterminer notre décision. Or, la notion d’acte indifférent renvoie au contraire à un acte neutre, pour lequel nous n’aurions aucune préférence déterminée, qui ne possèderait aucune valeur en soi. Si de tels actes existent, c’est que notre liberté peut être placée dans une situation d’indétermination, où rien ne peut l’amener à choisir entre plusieurs actes. Se demander s’il existe des actes indifférents amène donc à se demander si la nature de notre liberté peut nous amener à en concevoir : l’essence de la liberté peut-elle consister dans le fait de pouvoir choisir indifféremment un acte ou un autre, et donc de ne pas être contraint par une valeur des actes qui nous serait imposée de l’extérieur ? La notion d’acte indifférent n’est-elle pas plutôt impensable, si l’on conçoit au contraire que notre liberté consiste à déterminer la valeur des actes et à choisir au vue de leur signification et de leurs conséquences ? Comment de plus penser l’existence d’actes indifférents en termes de morale et de responsabilité de nos actions ? Nous verrons dans un premier temps que nous pouvons penser la notion d’acte indifférent à partir du doute sceptique vis-à-vis de nos jugements et des valeurs, avant de poser les actes indifférents comme le plus petit degré de notre liberté. Nous verrons alors que la notion d’acte indifférent est contradictoire avec l’essence de notre liberté qui consiste à nous définir par nos choix.

« valeurs ne sont qu'illusion ou mystification pour qui ou pour quoi agir ? L'expérience de la guerre et de ses atrocités, la découverte du totalitarisme, la présence dans le monde dit « libre »de formes ouvertes ou dissimulées d'exploitation de l'homme — du prolétaire aussi bien que du colonisé —, révèlentla présence massive et incontournable du mal.

La bonne conscience, la fuite dans l'anonymat du « on » n'est pluspossible à moins de se ranger dans la catégorie des « salauds », ces « gros pleins d'être » qui feignent de trouverl'existence naturelle et qui continuent à vaquer à leurs affaires et à leurs amours.

Certains choisissent — à titreindividuel — de faire le bien : accomplir scrupuleusement leur devoir de père, de citoyen, voire secourir un voisindans la détresse, mais cela n'empêche aucunement la mauvaise foi.

Les hommes ne sont pas placés côte à côtecomme des petits pois dans une boîte : ils entretiennent entre eux des relations étroites, même si elles sontmasquées par l'idéologie individualiste, même si elles sont exposées à une réification.Sartre reprend ici les analyses du marxisme qui sont focalisées sur la pleine conscience des réseaux multiples dedétermination constitutifs de la trame sociale de l'existence.

Toutefois le marxisme privilégie l'action et la prise deconscience collectives : je ne peux modifier la situation de l'homme dans le monde pour rendre chacun maître de sonexistence que si je m'engage consciemment dans une action collective (la révolution) qui transformera les bases dela société, par exemple en supprimant la propriété privée des moyens de production.

En définitive, je devrais pourréaliser cette fin, utiliser tous les moyens à ma portée, y compris le mensonge et la violence.

Ici éclate le paradoxede la morale que l'oeuvre littéraire de Sartre, (théâtre, romans, essais) s'attache à exprimer : ou bien je vais traiter(selon l'expression kantienne) quelques-uns de mes proches comme des fins et je vais garder les « mains pures »,mais je me condamne à accepter tout ce qui ne dépend pas de moi ; ou bien je vais m'engager dans un partistrictement révolutionnaire et par-là même je me condamne à traiter tous les hommes en moyens pour une fin (lasociété sans classe, réconciliée) dont je ne verrai jamais la réalisation effective, et ce faisant j'aurai les « mainssales ». « Celui qui prend conscience en lui de cette contradiction explosive — entre ce qu'il est pour lui-même et ce qu'ilest aux yeux d'autrui — celui-là connaît la vraie solitude, celle du monstre raté par la Nature et la société ; il vitjusqu'à l'extrême, jusqu'à l'impossible, cette solitude latente, larvée qui est la nôtre et que nous tentons de passersous silence ».C'est dans les situations extrêmes lorsqu'aucun modèle ne vient orienter notre choix que l'homme feraauthentiquement acte de liberté.

Sartre revient à plusieurs reprises dans son oeuvre sur l'exemple de la Résistance.Les résistants, lorsqu'ils étaient pris n'avaient le choix qu'entre le silence (l'héroïsme) et la dénonciation (l'abjection): entre les deux extrêmes de la condition humaine au-delà desquels il n'y a plus rien.

Mais l'existence humaine doit àtout instant être rachetée, sauvée, justifiée contre toutes les tentations de l'existence «brute », naturelle, qualifiée(aussi bien dans « l'Être et le Néant » que dans « Les Mouches ») d'« obscène », « fade » et « visqueuse », quiprocède par classification, distinctions bien tranchées du bien et du mal, du permis et du défendu.L'existence humaine n'a de sens et de valeur que pour autant qu'elle accepte ou du moins qu'elle tente deréconcilier, dans une action particulière, les deux termes de la dichotomie.

« Ou bien, la morale est une faribole ouc'est une totalité concrète qui réalise la synthèse du Bien et du Mal...

la séparation abstraite exprime simplementl'aliénation de l'homme.

Reste que cette synthèse dans la situation historique n'est pas réalisable.

Aussi toute moralequi ne se donne pas explicitement comme impossible aujourd'hui, contribue à la mystification et à l'aliénation deshommes.Le « problème moral » naît de ce que la morale est pour nous en même temps inévitable et impossible.

L'action doitse donner des normes éthiques dans ce climat d'indépassable impossibilité.

» (Saint-Genet, comédien et martyr).Au travers de ces analyses, se dessine en filigrane l'inspiration éthique qui anime cette philosophie : la liberté estl'unique source de la grandeur humaine, mais c'est en prenant parti dans les luttes et les combats de son époqueque le philosophe peut « finalement rejoindre l'éternel et c'est la tâche de l'écrivain que de faire entrevoir les valeursd'éternité qui sont impliquées dans les débats sociaux et politiques ».

(Présentation des « Temps Modernes») . Conclusion La notion d'acte indifférent peut tout d'abord sembler justifiée si l'on pense que nous n'avons pas lapossibilité de déterminer nos choix à partir de jugements certains, basés sur la vérité ou des valeurs moralesfondées en elles-mêmes : l'indifférence de nos actes revient alors à refuser d'être contraints de l'extérieur par ledogmatisme.

Cependant, nous pouvons affirmer à l'inverse qu'un acte indifférent n'est pas une absence decontrainte, mais le degré minimal de la liberté, où notre volonté s'exprime le moins puisqu'elle n'a aucune raison,aucune valeur à mettre en avant pour s'approprier son choix.

On peut alors penser que si l'existence humaine sedéfinit par la liberté et qu'un homme est ce qu'il est par ses actes, il n'y a pas d'actes indifférents possibles pourcelui qui souhaite choisir ce qu'il est par les raisons et les valeurs qui guident ses choix .. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles