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Y a-t-il un bon usage du doute ?

Publié le 11/03/2004

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Montaigne avait visité l'Allemagne, l'Italie, mais avait surtout dans sa « librairie » voyagé parmi des systèmes philosophiques innombrables et tous différents. Pascal reprend les thèmes de Pyrrhon et de Montaigne : « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà. » (b)   La régression à l'infini. Une vérité ne peut pas être acceptée sans preuves comme telle car il n'existe pas un signe du vrai « comparable à la marque imprimée sur le corps des esclaves et qui permet de les reconnaître quand ils sont en fuite. » Mais si je propose une preuve pour une affirmation, le sceptique me dira « Prouve ta preuve ». ainsi la preuve qu'on apporte pour garantir l'affirmation a besoin d'une autre preuve et celle-ci d'une autre à l'infini. Pour connaître la moindre chose je suis d'autre part contraint de remonter à l'infini, c'est-à-dire de mettre ce donné en rapport avec une infinité d'autres faits. Car chaque chose est relative à toutes les autres et pour connaître le moindre objet il faudrait connaître son rapport avec tout l'univers. Nous ne connaissons le tout de rien, ce qui revient à ne connaître rien du tout. (c)  La nécessité d'accepter des postulats invérifiables.

« Le sophiste Protagoras , écrit Diogène Laerce « fut le premier qui déclara que sur toute chose on pouvait faire deux discours exactement contraires, et il usa de cette méthode ». Selon Protagoras , « l'homme est la mesure de toute chose : de celles qui sont en tant qu'elles sont, de celles qui ne sont pas en tant qu'elles ne sont pas » Comment doit-on comprendre cette affirmation ? Non pas, semble-t-il, par référence à un sujet humain universel, semblable en un sens au sujetcartésien ou kantien, mais dans le sens individuel du mot homme, « ce qui revient à dire que ce qui paraît à chacun est la réalité même » (Aristote , « Métaphysique », k,6) ou encore que « telles m'apparaissent à moi les choses en chaque cas, telles elles existent pour moi ; telles elles t'apparaissent à toi, telles pour toi elles existent » (Platon , « Théétète », 152,a). Peut-on soutenir une telle thèse, qui revient à dire que tout est vrai ? Affirmer l'égale vérité des opinionsindividuelles portant sur un même objet et ce malgré leur diversité, revient à poser que « la même chose peut, à la fois, être et n'être pas » (Aristote ).

C'est donc contredire le fondement même de toute pensée logique : le principe de non-contradiction., selon lequel « il est impossible que le même attribut appartienne et n'appartienne pas en même temps, au même sujet et sous le même rapport ».

Or, un tel principe en ce qu'il est premier est inconditionné et donc non démontrable.

En effet, d'une part, s'il était démontrable, il dépendrait d'un autre principe,mais un tel principe supposerait implicitement le rejet du principe contraire et se fonderait alors sur laconséquence qu'il était sensé démontrer ; on se livrerait donc à une pétition de principe ; et d'autre part, réclamerla démonstration de toute chose, et donc de ce principe aussi, c'est faire preuve d'une « grossière ignorance », puisqu'alors « on irait à l'infini, de telle sorte que, même ainsi, il n'y aurait pas démonstration ».

C'est dire qu' « il est absolument impossible de tout démontrer », et c ‘est dire aussi qu'on ne peut opposer, à ceux qui nient le principe de contradiction, une démonstration qui le fonderait, au sens fort du terme. Mais si une telle démonstration est exclue, on peut cependant « établir par réfutation l'impossibilité que la même chose soit et ne soit pas, pourvu que l'adversaire dise seulement quelque chose ».

Le point de départ, c'est donc le langage, en tant qu'il est porteur d'une signification déterminée pour celui qui parle et pour son interlocuteur.Or, précisément, affirmer l'identique vérité de propositions contradictoires, c'est renoncer au langage.

Si dire« ceci est blanc », alors « blanc » ne signifie plus rien de déterminé.

Le négateur du principe de contradiction semble parler, mais e fait il « ne dit pas ce qu'il dit » et de ce fait ruine « tout échange de pensée entre les hommes, et, en vérité, avec soi-même ».

En niant ce principe, il nie corrélativement sa propre négation ; il rend identiques non pas seulement les opposés, mais toutes choses, et les sons qu'ilémet, n'ayant plus de sens définis, ne sont que des bruits.

« Un tel homme, en tant que tel, est dès lors semblable à un végétal. " Si la négation du principe de contradiction ruine la possibilité de toute communication par le langage, elle détruit aussi corrélativement la stabilité deschoses, des êtres singuliers.

Si le blanc est aussi non-blanc, l'homme non-homme, alors il n'existe plus aucune différence entre les êtres ; touteschoses sot confondues et « par suite rien n'existe réellement ».

Aucune chose n'est ce qu'elle est, puisque rien ne possède une nature définie, et « de toute façon, le mot être est à éliminer » (Platon ). La réfutation des philosophes qui, comme Protagoras , nient le principe de contradiction a donc permis la mise en évidence du substrat requis par l'idée de vérité.

C elle-ci suppose qu'il existe des êtres possédant une nature définie ; et c'est cette stabilité ontologique qui fonde en définitive leprincipe de contradiction dans la sphère de la pensée.

C 'est donc l'être qui est mesure et condition du vrai, et non l'opinion singulière.

« Ce n'est pas parce que nous pensons d'une manière vraie que tu es blanc que tu es blanc, mais c'est parce que tu es blanc qu'en disant que tu l'es nous disons lavérité » (Aristote ). Puisque, s'il est vrai que tout est vrai, le contraire de cette affirmation ne saurait être faux, le relativisme trouve sa vérité dans le scepticisme.

Direque tout est vrai, c'est dire tout aussi bien que tout est incertain et que rien ne peut être dit vrai. Il apparaît que le scepticisme comme le relativisme est une position intenable.

Dès qu'il se dit il se contredit. Que faut-il penser du scepticisme ? A l'exemple de ceux qui « prouvaient le mouvement en marchant » nous pourrions alléguer le fait que la science moderne a réfuté le scepticisme en affirmant des « vérités » qui font aujourd'hui l'accord de tous les esprits compétents.

Mais plus fondamentalement on peut remarquer que le scepticisme se contredit en s'énonçant : car il se donne pour la vraie théorie de la connaissance.

Poser comme vérité que la véritéest inaccessible, c'est au moins reconnaître une vérité et par là démentir sa propre thèse.

Toute pensée qui s'énonce vise une vérité, se reconnaît faite pourla Vérité, et tend à poser implicitement sa propre valeur. D'un bon usage du doute en vue de la découverte de la vérité: l'exemple cartésien. "Je pense donc je suis".

C ette phrase apparaît au début de la quatrième partie du « Discours de la méthode », quiprésente rapidement la métaphysique de Descartes.

On a donc tort de dire « Cogito ergo sum », puisque ce texte est lepremier ouvrage philosophique important écrit en français. Pour bien comprendre cette citation, il est nécessaire de restituer le contexte dans lequel elle s'insère.

Le « Discours dela méthode » présente l'autobiographie intellectuelle de Descartes, qui se fait le porte-parole de sa génération.Descartes y décrit une véritable crise de l'éducation, laquelle ne tient pas ses promesses ; faire « acquérir uneconnaissance claire & assurée de tout ce qui est utile à la vie ». En fait, Descartes est le contemporain & le promoteur d'une véritable révolution scientifique, inaugurée par Galilée, quiremet en cause tous les fondements du savoir et fait de la Terre, jusqu'ici considérée comme le centre d'un univers fini,une planète comme les autres.

L'homme est désormais jeté dans un univers infini, sans repère fixe dans la nature, enproie au doute sur sa place et sa fonction dans un univers livré aux lois de la mécanique.

Or, Descartes va entreprendreà la fois de justifier la science nouvelle et révolutionnaire qu'il pratique, et de redéfinir la place de l'homme dans lemonde. Pour accomplir cette tâche, il faut d'abord prendre la mesure des erreurs du passé, des erreurs enracinées en soi-même.En clair, il faut remettre en cause le pseudo savoir dont on a hérité et commencer par le doute : « Je déracinais cependant de mon esprit toutes les erreurs qui avaient pu s'y glisser auparavant.

Non que j'imitasse en cela les sceptiques, qui ne doutent que pour douter ; car, au contraire, tout mon dessein ne tendait qu'à m'assurer, et à rejeter la terre mouvante & le sable,pour trouver le roc & l'argile.

» (« Discours de la méthode », 3ième partie). Ce qu'on appelle métaphysique est justement la discipline qui recherche les fondements du savoir & des choses, qui tente de trouver « les premiersprincipes & les premières causes ».

Descartes, dans ce temps d'incertitude et de soupçon généralisé, cherche la vérité, quelque chose dont on ne puisse enaucun cas douter, qui résiste à l'examen le plus impitoyable.

Cherchant quelque chose d''absolument certain, il va commencer par rejeter comme faux toutce qui peut paraître douteux. « Parce qu'alors je désirais vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensais qu'il fallait [...] que je rejetasse comme absolument faux tout ce en quoije pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s'il ne resterait point après cela quelque chose [...] qui fut entièrement indubitable.

» Le doute de Descartes est provisoire et a pour but de trouver une certitude entière & irrécusable. Or il est sûr que les sens nous trompent parfois.

Les illusions d'optique en témoignent assez.

Je dois donc rejeter comme faux & illusoire tout ce que lessens me fournissent.

Le principe est aussi facile à comprendre que difficile à admettre, car comment saurais-je alors que le monde existe, que les autresm'entourent, que j'ai un corps ? En toute rigueur, je dois temporairement considérer tout cela comme faux. A ceux qui prétendent que cette attitude est pure folie, Descartes réplique par l'argument du rêve.

Pendant que je rêve, je suis persuadé que ce que je voiset sens est vrai & réel, et pourtant ce n'est qu'illusion.

Le sentiment que j'ai pendant la veille que tout ce qui m'entoure est vrai & réel n'est donc pas unepreuve suffisante de la réalité du monde, puisque ce sentiment est tout aussi fort durant mes rêves.

Par suite je dois, si je cherche la vérité : « feindre quetoutes les choses qui m'étaient jamais entrées en l'esprit n'étaient non plus vraies que l'illusion des songes ». Mais le doute de Descartes va bien plus loin dans la mesure où il rejette aussi les évidences intellectuelles, les vérités mathématiques.

« Je rejetai comme. »

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