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Y A-T-IL UNE VERTU DE LA RICHESSE ?

Publié le 05/12/2010

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Nous avons coutume de considérer la richesse comme la possession d'une quantité importante de biens d'une grande valeur, en nature comme en argent, d'en faire le synonyme du luxe, de l'ostentatoire, de l'abondance. Par conséquent, la vertu, que nous définissons souvent comme une valeur morale intrinsèque à notre conception de la sagesse et de la raison, et dans laquelle nous plaçons la générosité, la tempérance, le courage, la justice ou l'humilité, nous apparaît comme l'exact opposé de la richesse. La vertu, force morale avec laquelle l'être humain tend au bien, ne peut se trouver dans la richesse, qui tend bien trop souvent à l'assouvissement des désirs, au vice, à une conduite déraisonnable et à des actes qui ne sont pas toujours pensés à leur juste mesure. 

 

« Quoiqu'il en soit, cela s'oppose totalement à la vertu qui va toujours dans le sens de la médiété, de la juste mesure:l'idéologie de consommation doit nécessairement inculquer le sens de l'excès et l'habiller de vertu – le bonheur estderrière l'acte de consommation -, déguisant le «toujours plus» en bien et faisant perdre à la simplicité toutesignification.

Le consommateur profite et il est bon qu'il cherche en permanence à profiter car il contribue aux profitsde ceux qui lui offre tous ces produits.

La richesse, en tant que synonyme et cause de la consommation, maquille lavertu, la transforme et la dénigre. Mais en quoi la vertu s'oppose-t-elle véritablement à la richesse ? Source de bonheur et de satisfaction au mêmetitre qu'elle, la vertu n'est pas matérielle et on ne peut donc lui donner de prix, au sens financier du terme.

La vertuest une qualité, à l'opposé du vice qui est synonyme de défaut.

Aristote, dans son Ethique à Nicomaque, définit lavertu comme la faculté d'exécuter de belles actions: elle sous-entend donc un effort de notre volonté qui nouspousse à agir moralement et à aborder le bonheur d'une manière plus personnelle.

La richesse, au contraire, supposeune facilité d'accès à la satisfaction par le biais de produits donnés.

Pour Aristote, désirer excellence de la vertu, cen'est pas de s'imposer une contrainte surhumaine comme celle d'un devoir formel, mais actualiser un principe actifqui est présent en nous: ainsi, aucune vertu n'est naturelle, chacun est juste plus ou moins disposé à les acquérir.Pour ce faire, il suppose une juste mesure entre l'excès et le défaut, là justement où la richesse pèche le plussouvent: soit elle vire à la recherche éperdue du profit, soit à l'avarice.

L'homme vertueux, c'est celui qui éprouveles émotions dans une juste mesure; la vertu, ce n'est pas le luxe, l'étalage du superflu, ni la pauvreté, maisl'économie, la tempérance, la droiture qui ne tombe pas dans l'opportunisme, prête à gagner toujours plus au gré desoccasions; la vertu, c'est la prudence aussi, qui ne se lance pas dans des spéculations effrénées qui ne peuvent, aufinal, qu'être dangereuses.

C'est d'ailleurs cela que Balzac tente de nous montrer dans César Birotteau: la vertu n'a pas sa place dans lecapitalisme.

César, à vouloir être probe tout en essayant de se hisser plus haut dans l'échelle sociale, finit par setrouver en faillite à cause d'un bal et de mauvaises spéculations.

Il s'est laissé dupé, a accepté de se lancer dansdes affaires peu sûres sur des terrains et, ayant affaire à un voleur, il ne peut qu'être sacrifié.

À la différence queBalzac nous montre le triomphe de la vertu sur la richesse: César ne sombre pas immédiatement, il est ferme dansl'adversité, et finit par être estimé des gens de la Bourse et de ses juges.

Contrairement à ce qu'on pourrait croire,les gens finissent par le respecter non plus à cause de sa richesse – qu'il avait laissée voir au cours du bal qu'i l'a,en partie, ruiné – mais à cause de sa probité, et par conséquent, de sa vertu. De plus, Aristote nous apprend que la vertu est le bien suprême, et qu'elle ne pourrait être recherchée pour uneautre fin qu'elle-même, car elle est perfection du moi.

La richesse, elle, ne nous apporte rien dans son essencemême: elle n'est qu'un moyen en vue d'autre chose: le bonheur, la culture, l'art, l'éducation....

Ainsi, nos valeursmorales sont enveloppées dans un idéal commun, elles supposent un don de soi se situant à l'opposé de la valeuréconomique qui est la préférence avouée en faveur du gain, du profit et de l'argent, qui n'est que ramassis derichesse dans le but de satisfaire des désirs personnels et donc de satisfaire notre ego.

La vertu est une fin, larichesse un moyen: par essence, elles sont donc différentes.

La vertu ne regarde pas du côté des faits et de leurcomplexité, mais du côté de l'agent et de ses dispositions: pour cela, Aristote donne l'exemple de l'amitié vertueuseet de l'amitié utile.

En effet, l'amitié vertueuse cherchera à s'attacher à la personne, sans rien essayer d'y gagner,tandis que l'amitié utile cherchera dans l'amitié un agrément ou un service.

La richesse est un moyen d'arriver à lasatisfaction de nos désirs – ou de nos besoins, suivant notre degré de richesse.

Si nous sommes déjà riches, nosbesoins sont déjà satisfaits et nous n'avons que des désirs que nous maquillons en besoins pour ne as culpabiliser –tandis que la vertu est la satisfaction des désirs. Ainsi, nous voyons donc que malgré la pluralité des définitions de la vertu et de la richesse, elles restentincompatibles de nature.

Si la richesse est un prix, la vertu est une valeur.

L'un suppose le matériel, l'autre lamorale.

Mais il n'existe pas que des richesses matérielles ou des vertus morales: ainsi, les notions de richessenaturelle, ou de richesse intellectuelle ne nous sont pas étrangères, et induisent la nécessité de penser la richesseautrement: en effet, la richesse morale pourrait-elle être une vertu ? Si la richesse permet l'accès à la culture, il existe aussi une richesse culturelle: l'homme a besoin de s'entourer debeauté, de spiritualité d'esthétique, et nous le voyons à la quantité infinie de sculptures, de peintures, de livres quifleurissent dans chaque civilisation, sur chaque continent.

Et cette culture est sans cesse intégrée dans leprocessus de consommation: les livres s'achètent, les tableaux se reproduisent...

Mais c'est un acte deconsommation intelligent, qui vise à développer notre moi.

Ainsi, chez Hegel, l'acte de consommation est unetransformation qui peut s'exercer par la connaissance, par la création d'institutions, par la réalisation d'oeuvres d'artou de culture, par la parole ou la rencontre avec l'autre.

Mais seule la richesse, ou du moins la possession d'uncertain statut social et d'un certain niveau de vie, permet cette transformation: la culture a un prix, elle n'est pasforcément gratuite.

Elle a aussi une valeur morale, car elle nous donne une connaissance du monde, et par-là nousapprend à mieux nous connaître nous même, à nous comprendre et par conséquent, nous fait acquérir une certaine. »

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