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Abdurrahman Wahid, quatrième président de l'Indonésie

Publié le 17/01/2022

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20 octobre 1999 Le suspense aura duré jusqu'au bout. Et c'est finalement avec une majorité assez nette de 373 voix (contre 313 à Megawati Sukarnoputri) qu'Abdurrahman Wahid, alias Gus Dur, a été élu quatrième président de la république d'Indonésie. Le duel entre ces anciens complices, tous deux populaires, attachés aux libertés et modérés, constitue probablement une victoire contre l'autoritarisme pratiqué pendant plus de trente ans par le régime du général-président Suharto. Megawati s'est d'ailleurs précipitée vers Gus Dur, dès le résultat du scrutin, pour le féliciter. Certes, le nouveau président devra s'entendre avec l'armée, qui demeure au centre de la vie publique. Il faudra également voir comment les partisans de Megawati vont digérer leur déception, car ils étaient persuadés de gagner la présidence après leur victoire aux législatives, il y a près de cinq mois. Emotion, confusion, calculs et manoeuvres : l'élection s'était préparée, la nuit précédente, dans les larmes ou les soupirs de soulagement et s'était accompagnée de plusieurs rebondissements. Megawati Sukarnoputri, principale candidate à la présidence, avait pleuré tout en acceptant, comme les autres membres de l'Assemblée consultative du peuple (MPR), que le Timor-Oriental quitte la république. Les députés de son parti, le PDI-P, avaient explosé de joie en apprenant, après un long décompte, le rejet par 355 voix contre 322 du discours de fin de mandat du président Jusuf Habibie, qui avait succédé en mai 1998 à Suharto. PÉTARD MOUILLÉ Mercredi, peu avant l'aube, une fois annoncé le retrait de la candidature de B. J. Habibie à la présidence, une bombe politique a pris de court tout le monde : le Golkar gouvernemental a fait savoir que son président Akbar Tandjung rentrait dans la course présidentielle avec, comme colistier pour la vice-présidence, le général Wiranto, commandant en chef des forces armées, qui avait refusé lundi d'être le colistier de M. Habibie. En d'autres termes, ceux qui sont perçus comme les héritiers de l'ancien président Suharto resserraient les rangs pour barrer la route à la populaire fille de feu Sukarno, dont le PDI-P était arrivé largement en tête, avec 34 % des suffrages, lors des législatives du 7 juin. En début de matinée, on s'attendait donc à des manifestations de colère à Djakarta où des dizaines de milliers de militants du PDI-P sont arrivés. Mais la bombe s'est révélée un pétard mouillé : Akbar Tandjung a vite renoncé à cette entreprise et trois candidats se sont officiellement enregistrés : Megawati et Gus Dur, ce qui était prévu, et, à la surprise générale, Yusril Ihza Mehendra, dirigeant du Parti du croissant et de l'étoile, formation musulmane conservatrice qui compte 13 élus sur les 462 du 7 juin. Mais ce dernier, ultime surprise, devait retirer sa candidature à l'ouverture de la séance. Au sein du MPR, qui regroupe cinq cents députés (dont 38 militaires de droit) et deux cents autres délégués, Megawati et Gus Dur se sont donc opposés. Gus Dur, musulman très tolérant, a dû faire le plein des quelque deux cents voix dont disposent quatre partis d'obédience musulmane qui le soutiennent. Megawati, de son côté, s'est s'appuyée sur les quelque deux cents députés et membres du PDI-P présents dans la salle. La différence a été faite par les quelque 200 contrôlées par le Golkar et celles de la faction militaire. Les deux candidats étaient acceptables aux yeux des militaires, qui votent généralement en bloc. Quant au Golkar, il était assez également partagé entre ceux qui sont favorables à une coalition avec le PDI-P et ceux qui s'opposent à Megawati. Il semble que la différence en faveur de Gus Dur soit venue de ce camp-là et que les réserves de certains musulmans à l'égard du PDI-P aient joué contre Megawati. Le scrutin a été secret et des rumeurs invérifiables d'achats de votes, qui ont circulé mardi, ont contribué à aigrir un moment une atmosphère beaucoup plus détendue et urbaine pendant le décompte du vote. Enfin, le score serré de la censure de B. J. Habibie, alors que l'exposé de fin de mandat du président sortant avait été très critiqué, avait surpris. La possibilité de l'élection de Megawati a toutefois, dès mardi, encouragé une remontée de 12 % de la roupie et de 6 % de la bourse. Dans les rues de Djakarta, le vif intérêt suscité par le scrutin présidentiel a été souligné par la multiplication des manifestations. Le PDI-P a continué de réunir ses militants au pied de l'hôtel Indonésia, sur un rond-point pourtant interdit de rassemblement lundi par la police. L'explosion d'une bombe y a fait trois blessés, dont un sérieusement, mercredi, alors que les partisans de Megawati commençaient à s'y retrouver. La veille, des centaines de musulmans ont défilé plus près du siège de Parlement contre le leader du PDI-P. Au siège de la Bourse, un millier d'employés manifestaient, au même moment, contre Habibie. Jusqu'à mercredi en milieu de journée, alors que le vote s'amorçait au Parlement, ces manifestations s'étaient déroulées dans le calme et les quelque quarante mille membres des forces de l'ordre rassemblés à Djakarta n'étaient pas intervenus. JEAN-CLAUDE POMONTI Le Monde du 21 octobre 1999

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