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Annales, école des

Publié le 13/04/2013

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Annales, école des, école historique qui a systématisé l’histoire sociale et économique, sur la base d’études sérielles et quantitatives.

L’école des Annales se constitue autour d’une revue, les Annales d’histoire économique et sociale, fondée en 1929, par Marc Bloch, médiéviste, et Lucien Febvre, spécialiste de l’histoire du XVIe siècle, tous deux professeurs d’histoire à l’université de Strasbourg. Le projet de la revue est de promouvoir, non sur le plan théorique, mais sur le plan des études concrètes, une histoire pluridisciplinaire en rupture avec l’école positiviste, qui s’est imposée jusqu’alors dans l’université française. Autour de Bloch et Febvre se réunissent des économistes (François Simiand), des politologues (André Siegfried), des géographes (Albert Demangeon), des sociologues (Gabriel le Bras). Après l’élection de Febvre au Collège de France et de Bloch à la Sorbonne, les Annales quittent Strasbourg pour Paris, ce qui permet à leurs promoteurs de tisser peu à peu des réseaux d’influence de plus en plus considérables dans les médias et dans l’université.

L’histoire positiviste est nettement dénoncée par Lucien Febvre à plusieurs reprises, non seulement dans les Annales, mais aussi dans la Revue de synthèse. Cette revue, fondée en 1900 par Henri Berr, a également pour ambition de promouvoir la pluridisciplinarité, tout comme la collection intitulée « L’évolution de l’humanité « qu’il lance à partir de 1920. Febvre dénonce le refus de toute source non écrite qui impose un survol des siècles les plus éloignés ; il dénonce les classifications hermétiques, la « commode bien rangée « où l’on peut retrouver, dans des tiroirs bien séparés, la politique intérieure, la politique extérieure, l’économie, la société — mais dont sont absents les hommes qui, écrasés par les princes et leur entourage brillant, constituent la nation : les paysans, les ouvriers, les commerçants, comme gommés par le mépris des sources écrites pour le peuple.

L’école des Annales se constitue autour de trois œuvres-phares, publiées entre 1936 et 1949 : la Société féodale de Marc Bloch (1936, dans la collection « L’évolution de l’humanité «), le Problème de l’incroyance au XVIe siècle : la religion de Rabelais de Lucien Febvre (1942) et la Méditerranée et le Monde méditerranéen à l’époque de Philippe II (1949), de Fernand Braudel.

Sans doute l’apport le plus décisif est-il celui de Bloch, qui exploite des sources inutilisées jusque là par les historiens du Moyen Âge : l’archéologie rurale, la linguistique, le folklore sont ainsi mis à profit, comme l’histoire monétaire et les études de parcellaire. Sa Société féodale reste, encore aujourd’hui, un point de départ indispensable à toute étude d’histoire médiévale.

L’ouvrage de Febvre, le Problème de l’incroyance au XVIe siècle : la religion de Rabelais, présente une critique radicale des méthodes de l’analyse biographique positiviste : réintroduisant Rabelais dans une logique sociale et culturelle globale, il met en évidence un christianisme très différent de l’image épicurienne, voire athée, qui lui était accordée jusqu’alors. La compréhension des individus, rendue possible par la compréhension de l’époque où ils vivaient, et la démarche inverse, est sans doute l’apport principal de Febvre, qui a ainsi inauguré les études d’histoire culturelle et d’histoire des mentalités, tout en transformant les méthodes et les approches de l’histoire religieuse.

Braudel, enfin, ajoute le concept d’une géo-histoire : sa thèse sur la Méditerranée et le Monde méditerranéen à l’époque de Philippe II s’ouvre par cette étrange phrase, pour un historien : « J’ai passionnément aimé la Méditerranée. « Son analyse repose sur le découpage de l’histoire en trois temps : le temps géographique (celui de l’histoire immobile des montagnes, des plaines, des rivières, des parcours obligés, des sites lentement occupés par l’Homme), le temps social (celui des cycles économiques de prospérité et de crise, celui des systèmes d’exploitation, celui aussi des religions dominantes), et le temps individuel (celui des événements, aux oscillations nerveuses et superficielles).

Après 1945, cette école domine l’université française. Febvre et Braudel, au Collège de France, à la VIe section de l’École pratique des hautes études, au comité de rédaction des Annales, deviennent les pères d’une famille historique qui, de Georges Duby à Pierre Goubert, de Robert Mandrou à Robert Boutruche, de Claude Fohlen à Jean Bouvier, d’Ernest Labrousse à Emmanuel Le Roy Ladurie, a fait de l’histoire française l’une des plus prestigieuses au monde. En fait, jusque dans les années soixante-dix, la quasi-totalité des universitaires français sont issus de l’école des Annales et constituent régulièrement l’ossature des jurys d’agrégation. Elle étend son audience au grand public par l’intermédiaire de la radio (les Lundis de l’Histoire, sur France Culture). En dehors de l’histoire économique et sociale, il semble alors n’y avoir point de salut pour les historiens.

Les années soixante-dix marquent pourtant un tournant pour l’école des Annales ; les trois volumes de Faire de l’Histoire, dirigés par les héritiers de Fernand Braudel, Pierre Nora et Jacques le Goff, ainsi que l’encyclopédie la Nouvelle Histoire, dirigée par ce dernier, montrent, en même temps que le triomphe des Annales, la nécessité de s’ouvrir à de nouveaux domaines : l’histoire antique et l’histoire du temps présent ont laissé les historiens de l’École assez indifférents, l’histoire événementielle et l’histoire politique sont délaissées et une certaine raideur a interdit qu’on critique les « grands ancêtres « : Braudel, Febvre ou Simiand. Aujourd’hui, si l’école des Annales (et une bonne partie de ses réseaux d’influence) reste en place, de nombreuses structures ont reconquis ou conquis face à elle une légitimité scientifique et historique — voire médiatique — forte, que ce soit l’Institut d’histoire du temps présent ou les Écoles françaises d’Athènes et de Rome. L’école des Annales, dont l’émergence a marqué une profonde rupture dans la réflexion historique, est devenue l’une des approches possibles pour « faire de l’Histoire «. (Voir aussi histoire de l'histoire.)

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