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Article de presse: Andréas Papandréou, soixante ans de la vie d'un pays

Publié le 22/02/2012

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15 janvier 1996 - L'histoire d'Andréas Papandréou est liée à celle du PASOK, dont il créa l'ancêtre (le PAK) en 1968, pendant la dictature militaire, et qu'il transforma en un instrument puissant de prise du pouvoir. Si ses engagements politiques furent à géométrie variable, sa grandeur restera dans la fidélité à son mouvement et dans la foi avec laquelle il se battit pour lui. Né en 1919 dans l'île de Chio (est de la mer Egée), dans une famille de la haute bourgeoisie, Andréas Papandréou suit des études de droit à l'époque de la dictature de Ioannis Metaxas (1936-1940). Il fait ses premières armes politiques dans un groupe trotskiste. Arrêté, il affirme avoir été sauvagement torturé en prison. Un de ses camarades de l'époque, le philosophe Cornelius Castoriadis, a prétendu à plusieurs reprises, et en public, qu'Andréas avait en réalité cédé devant la menace. Longue crise Après avoir obtenu la permission de partir à l'étranger, il suit des cours aux Etats-Unis. Engagé volontaire dans l'US Navy, il obtiendra bientôt la nationalité américaine. Après la guerre, professeur d'économie, il sera doyen de la faculté des sciences économiques de Berkeley (1956-1959). En 1941, il épouse une Grecque de la diaspora, dont il se sépare quelques années plus tard pour convoler avec une Américaine, Margaret Chadd. Le couple a eu trois garçons et une fille. Pendant vingt ans, Andréas Papandréou ne reviendra au pays que pour faire de brèves visites à sa famille. Une longue et profonde crise est en gestation. Les centristes réussissent à se rassembler dans l'Union du centre de Georges Papandréou, le père d'Andréas. Les élections de 1961 sont contestées, et l'Union du centre déclenche " la lutte irréductible " contre le gouvernement Caramanlis. L'affaire Lambrakis ce député de gauche assassiné par l'extrême droite et qui fut immortalisé à l'écran par Yves Montand dans Z devait sonner le glas de ce gouvernement, et les élections de 1963 et de 1964 furent un triomphe pour l'Union du centre. Andréas Papandréou entre alors en politique. Elu député, il est nommé ministre. L'Union du centre perd le pouvoir après le " coup d'Etat " royal de juillet 1965 et l'apostasie d'un groupe de députés emmenés par M. Mitsotakis. La nouvelle crise qui s'ensuivit devait aboutir au coup d'Etat militaire du 21 avril 1967. Arrêté, Andréas Papandréou sera libéré quelque mois plus tard. De son exil en Suède, il annonce, en février 1968, la création du Mouvement de libération panhellénique (PAK). Après la chute des colonels, en juillet 1974, Andréas Papandréou fonde le Mouvement socialiste panhellénique (Pasok). Nationaliste et populiste, organisé sur le modèle du " centralisme démocratique ", le nouveau parti est totalement soumis à son chef. Son ascension sera fulgurante : 13 % de voix en 1974, 25 % en 1977 et 48 % en 1981. Le premier gouvernement socialiste de l'histoire grecque se met en place pour huit ans. Andréas Papandréou a su canaliser le mécontentement de plusieurs couches sociales, étouffées par le régime des colonels. Jeunes, provinciaux, petit peuple, ouvriers, paysans, chefs et employés de petites et moyennes entreprises, hommes et femmes de gauche ou du centre progressiste ont rapidement été séduits par ce rassemblement de " non-privilégiés ". Ils ont trouvé en lui l'expression de leur révolte contre l'ingérence américaine dans les affaires nationales, contre l' " affairisme " favorisé par la junte, contre les privations de liberté. Le scandale Koskotas Grâce a son habileté, à son utilisation des rappels historiques dans un pays maltraité par l'Histoire au cours des cinquante dernières années, Papandréou assoit son pouvoir. Il promet le " changement " et donne aux Grecs l'impression qu'ils tiennent enfin en lui " un homme capable de parler d'égal à égal " avec les grands de ce monde. Il suit une politique " tous azimuts ", privilégiant ses relations avec les pacifistes, les mouvements de libération, le monde arabe. Il sera l' " ami " de Yasser Arafat, de Mouammar Kadhafi, de Hafez El Assad et de Daniel Ortega, s'attirant régulièrement les foudres des Américains. Il saura aussi arracher des subventions européennes qu'il distribuera largement. L'arrogance du Pasok tout-puissant et la lenteur des réformes commencent à décevoir. Si, en juin 1985, il remporte confortablement les élections avec 45 % des suffrages, les années suivantes vont être dures pour les socialistes. En 1988, Papandréou est hospitalisé pour un rétrécissement de l'aorte. La même année, éclate le scandale provoqué par le banquier escroc Georges Koskotas. Les relations d'Andréas avec l'ancienne hôtesse de l'air Dimitra Liani, " Mimi ", qu'il épousera en juillet 1989, sont largement exploitées par l'opposition. Le Pasok perd les élections du 18 juin 1989, puis celles d'avril 1990. Voilà que Papandréou se voit même contesté au sein du Pasok par un courant " rénovateur ". En mars 1991, appelé à comparaître devant la cour spéciale pour l'affaire Koskotas, Papandréou refuse d'assister à son procès. Soupçonné d'avoir touché des pots-de-vin, il est blanchi huit mois plus tard, et aucune preuve de sa culpabilité n'a pu être établie. Son état de santé reste critique. Lorsque la petite République ex-yougoslave de Macédoine demande son indépendance sous ce nom, Papandréou s'oppose à la ligne, à ses yeux trop conciliante, du gouvernement conservateur. Il contribue à galvaniser, sur la question de ce nom de Macédoine " usurpé " par Skopje, un nationalisme populaire qui, ajouté au mécontentement croissant face à la politique d'austérité, le ramène au pouvoir en octobre 1993. Elu sur des mots d'ordre nationalistes, il interrompt immédiatement les discussions engagées à l'ONU avec la Macédoine. Il exerce, de loin, pendant le premier semestre 1994, la présidence de l'Union européenne. Son hospitalisation, le 20 novembre 1995, pour une pneumonie, accélère la lutte de succession. La prolongation de sa maladie pousse peu à peu ses proches à lui réclamer sa démission, qu'il accepte finalement en janvier. Il conservera toutefois jusqu'à sa mort la présidence d'un parti qui lui doit beaucoup. Même le pire. JOSE-ALAIN FRALON, DIDIER KUNZ Le Monde du 25 juin 1996

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