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Article de presse: Dialogue de sourds entre Nétanyahou et Arafat

Publié le 17/01/2022

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arafat
9-13 août 1997 - Les discussions israélo-palestiniennes s'étaient interrompues en mars à la suite d'une controverse sur la colonisation israélienne dans les territoires palestiniens. Elles vont reprendre après un nouvel attentat meurtrier à Jérusalem-Ouest. Les deux parties en présence avancent chacune des exigences et des préalables. Les Israéliens demandent de l'Autorité palestinienne de Yasser Arafat qu'elle accomplisse des gestes significatifs contre les groupes qui sont à l'origine des explosions à Tel-Aviv et à Jérusalem-Ouest. Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, juge l'Autorité coupable, au mieux, d'être particulièrement laxiste vis-à-vis des responsables du Djihad islamique et, tout particulièrement, du Mouvement de la résistance islamique, Hamas, au pis, de donner elle-même le feu vert pour ces attentats, et donc de les utiliser pour tenter d'obtenir d'Israël des concessions pour lesquelles la diplomatie serait infructueuse. Ce dernier argument, celui du calcul, ne résiste guère à l'examen. Les attentats ont toujours placé l'Autorité palestinienne en difficulté en renforçant ou en reconstituant l'axe israélo-américain. Chaque fois, ils ont retardé des discussions dont dépend le sort du chef palestinien, alors que ses interlocuteurs israéliens peuvent à tout instant s'accommoder du statu quo. Chaque fois, enfin, les attentats ont également affaibli M. Arafat en bloquant, du fait des bouclages à répétition, une économie chancelante. M. Arafat ne contrôle qu'une très faible partie des territoires palestiniens, et depuis peu de temps. Par ailleurs, le commanditaire présumé des derniers attentats, le Hamas, est un mouvement qui a su s'enraciner dans la société palestinienne au temps de l'Intifada, après avoir un temps bénéficié d'une certaine bienveillance de la part des Israéliens, qui voyaient en lui un rival de l'OLP, alors ennemi numéro un. L'important travail social effectué sur le terrain par ses militants lui a assuré une popularité renforcée par son hostilité aux accords d'Oslo, dès lors qu'il est apparu que ces accords n'avaient qu'une portée très limitée dans la vie quotidienne des Palestiniens, laquelle s'est objectivement détériorée depuis 1993. La sympathie suscitée auprès de certains Palestiniens par l'intransigeance des responsables politiques du Hamas, l'autonomie de son aile militaire, ainsi que son éclatement manifeste entre des groupes de "l'intérieur" et des groupes de "l'extérieur", mais aussi la mauvaise image de l'Autorité palestinienne, synonyme de corruption et de répression politique aveugle, tous ces éléments apportent des éléments de réponse non négligeables aux questions soulevées par l'impuissance apparente de l'Autorité palestinienne face à la répétition des attentats. Ces derniers ont débuté en Israël dès qu'il est apparu que le processus de paix n'allait pas se limiter à une poignée de main sur le gazon de la Maison-Blanche, mais que les deux parties en guerre depuis des décennies s'apprêtaient à envisager des compromis jugés léonins par leurs oppositions respectives. Jusqu'à présent, malgré leur prix exorbitant et celui des mesures de rétorsion, ils n'ont heureusement jamais entraîné de remise en question de ce choix politique par chacune des opinions publiques concernées. C'est d'ailleurs Ezer Weizman, le président israélien lui-même, fidèle en cela à Itzhak Rabin et à Shimon Pérès, qui a rappelé, quelques heures après l'attentat du 30 juillet, la nécessité de poursuivre sur cette voie. Mais tant que le processus de paix n'est pas stabilisé et consolidé, rien n'est joué : les Israéliens ne subiront pas indéfiniment de nouveaux attentats sans mettre en cause son fragile équilibre. Pour les négociateurs palestiniens, le péril réside dans la politique de colonisation, dont le premier ministre israélien se fait le défenseur depuis sa prise de fonctions. En mars, les discussions israélo-palestiniennes ont été interrompues à la suite du lancement du projet de colonie de Har Homa, sur la colline d'Abou Ghneim, dans la partie orientale de Jérusalem, annexée par Israël. Pourquoi l'Autorité palestinienne a-t-elle décidé de faire une question de principe, jusqu'à prendre à témoin les Nations unies, de "quelques bulldozers" et de "quelques logements destinés à de paisibles citoyens", selon l'expression de M. Nétanyahou ? Le symbole de Har Homa Pour les Palestiniens, Har Homa n'est pas une concession politique du premier ministre à ses alliés les plus ultras, c'est un symbole, celui de la tactique adoptée par le gouvernement pour définir à l'avance et à la baisse les rétrocessions territoriales qui devraient logiquement accompagner une paix israélo-palestinienne, sur le modèle du Sinaï rendu à l'Egypte à la suite des accords de Camp David, et selon le principe de la terre contre la paix défini lors de la conférence de Madrid, en 1991. Le développement des colonies existantes, jusque dans l'étroite bande de Gaza, les nouveaux projets, la multiplication des voies de contournement réservées aux colons, l'achèvement, enfin, d'un cordon d' "implantations", selon la terminologie israélienne, autour de Jérusalem, tous ces éléments visent à créer sur le terrain un cadre contraignant pour le statut futur des territoires. Pour M. Nétanyahou, résolument hostile à toute idée d' "Etat", le maillage de colonies et de routes assurera le morcellement de la Cisjordanie et de Gaza en autant de véritables petits "bantoustans" et bloquera l'aspiration nationale des Palestiniens. M. Nétanyahou a beau jeu de souligner que sa politique, dans le fond, ne se distingue que très peu de celle de ses prédécesseurs travaillistes, qui sont à l'origine de la colonisation dans les territoires. Son rival, Ehoud Barak, ne s'est jamais démarqué de cette stratégie, singulièrement à propos du cas Har Homa, à Jérusalem-Est, où la multiplication des colonies pourrait, à terme, séparer la partie palestinienne de la ville de la Cisjordanie. Dans ces conditions, accepter le développement des colonies, pour les Palestiniens, revient à tirer un trait, avant même que les discussions finales ne débutent, si elles débutent un jour, sur ce qui a motivé leur choix pour Oslo. Leur aspiration à une autodétermination est justifiée par un fait national difficilement discutable, mais ce dernier implique une révision douloureuse de l'idéologie et des discours qui irriguent la société politique israélienne depuis trois décennies. Deux responsables sont aujourd'hui face à face, prêts pour un parfait dialogue de sourds. Affaibli et contesté, M. Arafat ne pourra jamais garantir le risque zéro : la lutte contre le terrorisme n'a malheureusement rien d'une science exacte, au Proche-Orient comme partout ailleurs. En revanche, la colonisation est, elle, du seul ressort de la décision de l'Etat hébreu. En Israël s'opposent une minorité déterminée à ne rien céder et une opinion publique encore prête, avant le 30 juillet, à des concessions plus larges que celles envisagées par ses représentants politiques travaillistes ou nationalistes, que ce soit sur les colonies ou sur l'Etat palestinien. GILLES PARIS Le Monde du 11 août 1997

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