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Article de presse: Yasser Arafat, catalyseur de la révolution palestinienne

Publié le 17/01/2022

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13 novembre 1974 - Cet ancien réfugié qui a catalysé le nationalisme des Palestiniens et mené de succès en succès l'organisation qu'il dirige a acquis, au fil des années, l'assurance des hommes politiques qui ont su s'imposer. Grand, brun, le teint blême, le regard à la fois aigu et doux, une large bouche ourlée de lèvres gourmandes, toujours entrouvertes sur des dents éclatantes, l'allure débonnaire, le leader de l'OLP n'évoque guère, pour qui le rencontre, le redoutable guérillero que d'aucuns imaginent derrière ses perpétuelles lunettes noires, qui accentuent l'aspect peu engageant d'une barbe de plusieurs jours. Quant à sa tenue d'aspect martial-keffieh noir et blanc des fedayins, tunique Mao kaki, revolver à la hanche, bottines de crêpe,-elle contribue, dit-on dans son entourage, à lui donner une " prestance révolutionnaire ". Né en 1929, le jeune Yasser Arafat milite très tôt: dans sa ville natale, Jérusalem, il prend la tête de manifestations contre le mandat britannique aux côtés d'Abdelkader Husseini, commandant des forces arabes et premier héros de la résistance palestinienne. En 1948, il fait partie de la première vague d'émigrés palestiniens. La famille Arafat est accueillie par un oncle fortuné établi à Gaza. Le jeune Yasser obtient du gouvernement égyptien une bourse d'études supérieures. Les services de renseignements égyptiens ignoraient tout de son passé et ne commencèrent à se méfier que lorsqu'il devint le président de la puissante et bruyante Fédération des étudiants palestiniens, un des rares mouvements qui osa braver l'ordre nassérien par ses prises de position politiques. En 1956, il est diplômé du génie civil. Mais la guerre de Suez éclate. Il s'enrôle dans les brigades de commandos égyptiens qui se livrent à la guérilla urbaine dans la ville de Port-Saïd, investie par les premiers détachements de troupes franco-britanniques. Ecoeuré par ce qu'il considère comme une attitude " capitularde " des dirigeants cairotes, il est alors prié par les autorités d'élire domicile " ailleurs que dans la capitale égyptienne ". Le voici à Koweït pour, en principe, " faire des affaires ". En fait, il organise, à partir de 1959, le premier noyau de l'organisation mère de la résistance, El Fath. Avec Salah Khalaf, alias Abou Ayad, et Khaled Hussan, il bat le rappel de tous les jeunes universitaires palestiniens établis dans les émirats du Golfe. Pour Yasser Arafat et ses amis, le salut ne pouvait venir que de la lutte armée. D'où l'importance que ces intellectuels en herbe qu'étaient les chefs historiques de l'organisation vont attacher à l'action de la branche militaire de cette organisation-Al Assif,-dont les premiers éléments se signaleront en haute Galilée par le sabotage d'une pompe à eau, le 1erjanvier 1965 : c'est le début de l' " action révolutionnaire ". Jusqu'au mois d'avril 1968, on ne saura presque rien du Fath, de ses cadres, de son organisation ultra-secrète, de ses alliances et même de ses options idéologiques. C'est à cette date seulement, près d'un an après la guerre de six jours, que le nom de Yasser Arafat sera rendu public en qualité de porte-parole officiel du mouvement : il s'était déjà imposé dans tous les pays arabes du champ de bataille. Le 4 février 1969, Yasser Arafat est élu président de l'Organisation de libération de la Palestine, à la place d'Ahmed Choukeiri. Une tête politique Il n'a rien de son bruyant prédécesseur. Piètre orateur, il déteste les envolées théâtrales et se montre en toute circonstance discret, pondéré, pragmatique. On le prend un moment pour un guérillero de salon, inoffensif, en quête d'un rôle qui lui permette de sortir de la clandestinité du maquis pour siéger autour d'une table de conférence. Or il se révèle une tête politique à l'occasion de la guerre civile jordano-palestinienne de 1970. Son autorité était alors contestée, et par les organisations palestinienne rivales qui l'accablaient pour ses prises de position attentistes et sa " complaisance " envers les régimes arabes de droite, et par les gouvernements " frères ", qui lui reprochaient de se laisser déborder par les groupuscules extrémistes, à tel point que ceux-ci avaient engagé, malgré lui, l'épreuve de force contre l'armée de Hussein. Pour toute réponse, Yasser Arafat s'est employé à " tirer sa force de sa faiblesse ", selon le dicton arabe. Tout en reconnaissant les abus dont les organisations rivales du Fath s'étaient rendues responsables, il prend quand même fait et cause pour ces dernières, mais s'impose à la fois aux gouvernements arabes comme l'interlocuteur le plus valable, parce que le plus pondéré et le moins démagogue. Il ne se réclame pas, en fait, du marxisme-léninisme : c'est un musulman pratiquant et sobre, qui jeûne tout le mois du ramadan. Dans l'épreuve du " septembre noir " de 1970, il est apparu comme une sorte de catalyseur de tous les courants politiques et idéologiques qui animaient la révolution palestinienne. Son habileté a toujours été de jouer les gouvernements arabes les uns contre les autres, sans jamais s'inféoder à l'un d'eux, au risque de se voir privé pour un temps des subsides indispensables à la guérilla. S'il a su, pour le plus grand profit de la cause de l'OLP, exploiter les contradictions inter-arabes, tout en prêchant, et avec quelle ferveur, " l'unité des rangs face à l'ennemi commun, Israël ", Yasser Arafat n'a jamais accepté de cautionner une action disciplinaire destinée à mettre de l'ordre au sein de la résistance. Cette faiblesse calculée lui fut souvent reprochée; elle l'a en fait aidé à neutraliser un certain nombre de ses détracteurs. En fin de compte, si contesté soit-il par la frange " extrémiste " de la résistance, il s'est révélé progressivement comme le leader le plus qualifié pour défendre la cause des Palestiniens. EDOUARD SAAB Le Monde du 15 novembre 1974

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