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Article de presse: Indira Gandhi : une vie entière en politique

Publié le 17/01/2022

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31 octobre 1984 - Plus sans doute qu'aucun autre de ses contemporains parmi les dirigeants des grands pays, Indira Gandhi était littéralement " née en politique ". Et c'est " en politique " que s'est déroulée de bout en bout son existence, au détriment de toute autre préoccupation et au point de transformer sa vie familiale elle-même en affaire politique. La petite fille née le 19 novembre 1917 à Allahabad se souviendra toujours des descentes de police qu'attiraient au domicile de Nehru les activités politiques de son père Jawaharlal, jeune avocat déjà fort connu. Elle est tout naturellement entraînée dans le sillage de ce dernier qui, très tôt, l'associe à ses engagements. Toujours sous l'inspiration de Nehru, qui, en dépit de son nationalisme, garde ses distances à l'égard du traditionalisme hindou, c'est en Grande-Bretagne, à Oxford, qu'elle achève ses études universitaires. C'est là aussi qu'elle précise son engagement politique en adhérant au parti travailliste. Ce séjour britannique est également marqué par une rencontre sentimentale avec un jeune étudiant indien, Feroze Gandhi (aucune parenté avec le Mahatma), qu'elle épouse en 1941. La lune de miel est brève, car Indira Gandhi, de retour en Inde, fait son premier séjour en prison-treize mois-en raison de ses activités politiques. C'est de ce mariage que naissent deux fils, Rajiv et Sanjay, que leur mère associera tour à tour de très près-mais en commençant par le cadet dont l'aîné ne fera plus tard que prendre la succession-à ses activités de militante puis de chef de gouvernement. Indira Gandhi à cet égard est beaucoup plus mère qu'épouse. Quand son mari disparaît, victime en 1960 d'une crise cardiaque, elle est déjà séparée de lui depuis plusieurs années, car elle vit désormais non plus au domicile familial mais à la résidence du premier ministre, son père-qui a fait d'elle sa plus proche collaboratrice. Apprentissage tous azimuts: la jeune femme est, de fait, associée à toutes les activités d'un chef de gouvernement, intérieures comme extérieures. Elle est aux côtés de Nehru en 1955 à la conférence de Bandoung. Quand Nehru meurt en 1964, Indira est déjà présidente du Parti du Congrès, présidence à laquelle elle a été élue en 1959. Mais commence pour elle une longue lutte, qui l'oppose aux hommes qui tiennent malgré tout en main l'appareil de la formation majoritaire et sont peu disposés à se laisser diriger par cette jeune femme encore dans la quarantaine. Une redoutable tacticienne C'est dans ce contexte qu'elle se révèle une redoutable tacticienne, ne reculant devant aucun risque pour l'emporter sur ses adversaires. Quand Shastri, qui avait pris la succession de Nehru, meurt à son tour en 1966, elle pose d'emblée sa candidature à la présidence du groupe parlementaire du Congrès, c'est-à-dire en fait au poste de premier ministre. Elle argue de la " légitimité " que lui confère une vie passée aux côtés des fondateurs de l'Inde indépendante, de Gandhi à Nehru, et qui la désigne pour devenir, à l'instar de son père, le " premier serviteur de l'Etat ". Elle l'emporte par 355 voix contre 169 à Morarji Desai, à qui cependant sera réservé un peu plus tard-par souci de compromis-un titre de vice-premier ministre. L'épreuve de force est cependant inévitable et elle s'engage en 1968 lorsque l'appareil du Congrès dénonce sa " dictature " et l' " expulse " du parti. Indira Gandhi sort victorieuse de la bataille, crée sa propre formation, le Congrès, devant laquelle l'ancien Congrès dirigé par Morarji Desai n'est que minoritaire. 1971 : Indira Gandhi mène campagne sur le thème " Halte à la pauvreté ". C'est à partir de cette époque que la vie politique indienne commence véritablement à être centrée sur sa personne, et la victoire qu'emporte le Congrès est d'abord la sienne. Les grands milieux d'affaires eux-mêmes, que ses orientations progressistes pourraient inquiéter, jugent prudent de lui accorder leur soutien. La même année, la guerre civile au Pakistan oriental la détourne des projets intérieurs pour " porter assistance, dit-elle, au vaillant peuple du Bangladesh ". Très vite, cependant, le front intérieur reprend la priorité. Les troubles endémiques de l'Inde agitent différents Etats. Certes le régime enregistre des succès-à commencer par l'accès à l'arme nucléaire,-mais la position électorale du Congrès se détériore. Indira Gandhi traverse l'une de ses épreuves les plus difficiles avec l'annulation de sa propre élection en 1975 dans l'Etat d'Uttar-Pradesh. On parle d'un " Watergate indien ". Mais jamais plus que lorsqu'elle se trouve confrontée à la pire adversité, Indira Gandhi n'est convaincue de la justesse et de la légitimité de sa mission. Elle n'hésite pas devant ce que ses ennemis considéreront comme un coup de force. La loi électorale est rétroactivement modifiée. A ceux qui exigent sa démission, elle réplique en décrétant, le 26 juin 1975, l'état d'urgence. L'échec de 1977... Mme Gandhi ne parviendra, en effet, jamais à convaincre tout à fait l'opinion du bien-fondé des mesures d'exception prises alors (censure de la presse, arrestations de milliers d'opposants, dont les principaux dirigeants de mouvements politiques, interdiction de groupes politico-religieux d'extrême gauche et d'extrême droite, mise au pas de la justice, etc.) et de la thèse du " complot contre la nation " invoquée pour justifier le coup de force. Elle dément cependant vouloir instaurer un régime de parti unique ou personnel, entreprend une " remise en ordre " du pays et annonce simultanément un programme en faveur des défavorisés. La loyauté de l'armée sera alors essentielle pour le pouvoir politique. " La plus grande démocratie du monde " n'en est pas moins suspendue et le régime va continuer-par des mesures autoritaires suspendant les libertés fondamentales-à se durcir. Mais Mme Gandhi se défendra à de nombreuses reprises de chercher à devenir-et encore moins d'être-un " dictateur ". Mais il lui est rapidement prêté l'intention (dès décembre 1975) de caresser le désir de préparer son fils cadet, Sanjay, à assumer, le moment venu, la relève du pouvoir et de poursuivre la " dynastie " des Nehru. Sanjay Gandhi débute effectivement une carrière politique en entrant au Parti du Congrès et son ascension commence dans l'antichambre du pouvoir. Mme Gandhi va, d'autre part, se tailler une Constitution sur mesure, en amendant assez largement la Loi fondamentale nationale, qui implique un renforcement des prérogatives du premier ministre et limite les pouvoirs du président de la République, pourtant toujours désigné parmi les fidèles du chef du gouvernement. La réforme est adoptée par un Parlement où le Congrès dispose de la majorité requise des deux tiers. Les protestations des formations de gauche et modérées qui ont boycotté les débats et des intellectuels n'y feront rien. Mais amorcer des réformes, en s'appuyant sur la même base politique que par le passé, libérer les paysans du servage et distribuer des terres aux paysans, se révèle une tâche beaucoup plus ingrate que retoucher la Constitution. En outre, et surtout, des " excès " vont être commis sous l'état d'urgence, la stérilisation des pauvres, par exemple, pour enrayer la poussée démographique, qui porteront gravement préjudice à certains dirigeants-comme Sanjay notamment-et contribueront à la défaite de Mme Gandhi aux élections générales de mars 1977. Cette défaite représente bien sûr un échec personnel cuisant pour Mme Gandhi, à laquelle succède Morarji Desai, âgé de quatre-vingts ans. Pour la première fois la droite arrive en force au pouvoir. Et cette situation semble embarrasser Moscou, Pékin se félicitant, en revanche, du rapprochement amorcé un peu plus tard par New-Delhi avec Washington.... ... et la revanche Indira Gandhi cependant n'abandonnera pas la partie et manifestera rapidement sa volonté de revanche. Son retour sur la scène politique ne se fera toutefois pas sans heurts avec les responsables du Congrès qui ne lui pardonnent pas le dérapage de l'état d'urgence. Elle aura sérieusement maille à partir avec ceux-ci avant de prendre finalement le dessus en janvier 1978, en s'imposant, manu militari, à la tête de la grande formation nationale. Assez maladroitement, les nouveaux dirigeants de l'Inde vont, en octobre 1977, arrêter celle qui a gouverné le pays pendant onze ans pour la traduire devant la justice. Mais ils s'apercevront rapidement que cela ne peut que favoriser la rentrée politique de Mme Gandhi et ils la font relâcher, estimant sans doute qu'elle est moins encombrante en liberté qu'en prison. Elle n'aura aucun mal a se poser en chef de l'opposition parlementaire une fois élue, en novembre 1978-dans une consultation partielle-dans l'Etat du Karnataka. Et cela apparaîtra comme la première étape d'une longue marche vers un retour aux " affaires ". Quelques jours plus tard, elle est rejetée par ses pairs parlementaires et jugée coupable " d'abus de privilèges et d'outrage à la Chambre " et expulsée du Parlement. Est-ce un " combat d'arrière-garde désespéré " mené par une femme qui fait preuve d'une " véritable paranoïa ", comme l'écrivent certains journaux indiens? On verra, lorsque, en juin 1979, la nouvelle coalition au pouvoir traversera une crise, que Mme Gandhi est à nouveau sur l'échiquier politique une force avec laquelle il faut compter. Charan Singh, représentant principalement les intérêts des agriculteurs du nord-ouest de l'Inde, formera un éphémère gouvernement, qui dépendra en fait de l'appui du Congrès d'Indira Gandhi. Début janvier 1980, le Congrès Indira remporte une victoire éclatante aux élections législatives et chasse du pouvoir la coalition du Janata, effaçant ainsi le déshonneur causé par sa défaite de 1977. Ayant tiré les leçons de l'expérience malencontreuse de l'état d'urgence, Mme Gandhi va cette fois garder la mesure et ne pas trop malmener les libertés démocratiques. Mais, à la faveur des crises multiples que connaîtra l'Inde au cours des quatre dernières années (Assam, Pendjab, Cachemire, Andhra-Pradesh, notamment), le pouvoir va à nouveau se raffermir et user de méthodes extrêmes (intervention de l'armée au Pendjab pour écraser la rébellion des extrémistes religieux sikhs, limogeage de chefs de gouvernement au Sikkim, au Cachemire et en Andhra-Pradesh). Le sacrilège constitué par l'intervention de l'armée dans le Temple d'or d'Amritsar aura été fatal à la fille de Nehru. Elle s'apprêtait à redemander une fois encore au peuple indien le renouvellement de son mandat. Pour poursuivre une oeuvre inachevée ? L'Inde, sous ses gouvernements, était restée attachée à la politique de non-alignement, mais cette politique n'empêchait pas une certaine complaisance à l'égard de l'URSS, et notamment de son intervention en Afghanistan. La mort accidentelle de son fils cadet Sanjay, en juin 1980, avait été une terrible épreuve pour le premier ministre. Il ne devait pas pour autant être mis un terme aux rumeurs sur la " succession ", puisque l'autre fils de Mme Gandhi, Rajiv, un pilote à la compagnie aérienne nationale, fut à son tour appelé dans le sérail à faire ses premières armes politiques. ALAIN JACOB, GERARD VIRATELLE Le Monde du 1er novembre 1984

« Mais jamais plus que lorsqu'elle se trouve confrontée à la pire adversité, Indira Gandhi n'est convaincue de la justesse et de lalégitimité de sa mission.

Elle n'hésite pas devant ce que ses ennemis considéreront comme un coup de force.

La loi électorale estrétroactivement modifiée.

A ceux qui exigent sa démission, elle réplique en décrétant, le 26 juin 1975, l'état d'urgence. L'échec de 1977... Mme Gandhi ne parviendra, en effet, jamais à convaincre tout à fait l'opinion du bien-fondé des mesures d'exception prisesalors (censure de la presse, arrestations de milliers d'opposants, dont les principaux dirigeants de mouvements politiques,interdiction de groupes politico-religieux d'extrême gauche et d'extrême droite, mise au pas de la justice, etc.) et de la thèse du" complot contre la nation " invoquée pour justifier le coup de force.

Elle dément cependant vouloir instaurer un régime de partiunique ou personnel, entreprend une " remise en ordre " du pays et annonce simultanément un programme en faveur desdéfavorisés. La loyauté de l'armée sera alors essentielle pour le pouvoir politique.

" La plus grande démocratie du monde " n'en est pasmoins suspendue et le régime va continuer-par des mesures autoritaires suspendant les libertés fondamentales-à se durcir.

MaisMme Gandhi se défendra à de nombreuses reprises de chercher à devenir-et encore moins d'être-un " dictateur ".

Mais il lui estrapidement prêté l'intention (dès décembre 1975) de caresser le désir de préparer son fils cadet, Sanjay, à assumer, le momentvenu, la relève du pouvoir et de poursuivre la " dynastie " des Nehru.

Sanjay Gandhi débute effectivement une carrière politiqueen entrant au Parti du Congrès et son ascension commence dans l'antichambre du pouvoir. Mme Gandhi va, d'autre part, se tailler une Constitution sur mesure, en amendant assez largement la Loi fondamentalenationale, qui implique un renforcement des prérogatives du premier ministre et limite les pouvoirs du président de la République,pourtant toujours désigné parmi les fidèles du chef du gouvernement.

La réforme est adoptée par un Parlement où le Congrèsdispose de la majorité requise des deux tiers.

Les protestations des formations de gauche et modérées qui ont boycotté lesdébats et des intellectuels n'y feront rien.

Mais amorcer des réformes, en s'appuyant sur la même base politique que par le passé,libérer les paysans du servage et distribuer des terres aux paysans, se révèle une tâche beaucoup plus ingrate que retoucher laConstitution.

En outre, et surtout, des " excès " vont être commis sous l'état d'urgence, la stérilisation des pauvres, par exemple,pour enrayer la poussée démographique, qui porteront gravement préjudice à certains dirigeants-comme Sanjay notamment-etcontribueront à la défaite de Mme Gandhi aux élections générales de mars 1977. Cette défaite représente bien sûr un échec personnel cuisant pour Mme Gandhi, à laquelle succède Morarji Desai, âgé dequatre-vingts ans. Pour la première fois la droite arrive en force au pouvoir.

Et cette situation semble embarrasser Moscou, Pékin se félicitant, enrevanche, du rapprochement amorcé un peu plus tard par New-Delhi avec Washington.... ...

et la revanche Indira Gandhi cependant n'abandonnera pas la partie et manifestera rapidement sa volonté de revanche.

Son retour sur la scènepolitique ne se fera toutefois pas sans heurts avec les responsables du Congrès qui ne lui pardonnent pas le dérapage de l'étatd'urgence.

Elle aura sérieusement maille à partir avec ceux-ci avant de prendre finalement le dessus en janvier 1978, ens'imposant, manu militari, à la tête de la grande formation nationale. Assez maladroitement, les nouveaux dirigeants de l'Inde vont, en octobre 1977, arrêter celle qui a gouverné le pays pendantonze ans pour la traduire devant la justice.

Mais ils s'apercevront rapidement que cela ne peut que favoriser la rentrée politique deMme Gandhi et ils la font relâcher, estimant sans doute qu'elle est moins encombrante en liberté qu'en prison.

Elle n'aura aucunmal a se poser en chef de l'opposition parlementaire une fois élue, en novembre 1978-dans une consultation partielle-dans l'Etatdu Karnataka. Et cela apparaîtra comme la première étape d'une longue marche vers un retour aux " affaires ".

Quelques jours plus tard, elleest rejetée par ses pairs parlementaires et jugée coupable " d'abus de privilèges et d'outrage à la Chambre " et expulsée duParlement.

Est-ce un " combat d'arrière-garde désespéré " mené par une femme qui fait preuve d'une " véritable paranoïa ",comme l'écrivent certains journaux indiens? On verra, lorsque, en juin 1979, la nouvelle coalition au pouvoir traversera une crise, que Mme Gandhi est à nouveau surl'échiquier politique une force avec laquelle il faut compter.

Charan Singh, représentant principalement les intérêts des agriculteursdu nord-ouest de l'Inde, formera un éphémère gouvernement, qui dépendra en fait de l'appui du Congrès d'Indira Gandhi.. »

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