Devoir de Philosophie

Article de presse: La crise du logement et ses solutions

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

24 juin 1948 - Malgré les multiples interventions de l'état, le logement demeure, dans l'après-guerre, une question cruciale pour les Français Pour guérir l'anémie pernicieuse des logements, le cancer du taudis, le délabrement de notre squelette immobilier, il ne manque pas de prescriptions législatives. Mais la construction bute toujours contre le mur du financement. Leitmotiv irritant, qui revient dans la bouche du fonctionnaire, de l'industriel, du candidat propriétaire ou sous la plume du spécialiste des HLM, ces initiales d'espoir, qui commence, hélas ! à se dessécher. Sollicité par les dépenses d'armement, le budget ordinaire réduit ses avances les investissements privés se détournent des immeubles de rapport. Enfin, ceux qui voudraient construire pour leur compte répugnent à épargner de peur des dévaluations. Alors ? Il semble superflu de chercher dans les méthodes traditionnelles un moyen d'en sortir. Pour triompher d'une crise exceptionnelle, il faut des remèdes exceptionnels. M. Claudius-Petit a tenté, avec son projet d' " épargne construction ", repris par M. de Tinguy, une première échappée hors des sentiers battus par nos financiers. Cette idée verra-t-elle jamais le jour ? Elle est simple : pour drainer vers la construction des petits capitaux, il est prévu un nouveau moyen d'épargner qui permet de donner aux sommes économisées la garantie d'un pouvoir d'achat-construction constant. Une bonification d'épargne (fixée d'après l'augmentation du coût de construction entre l'année du versement et l'année du remboursement) viendrait s'ajouter aux sommes déposées, augmentées des intérêts. En outre, un prêt complémentaire serait accordé dans des conditions avantageuses aux titulaires de livrets qui ont accompli un certain effort d'épargne afin de permettre d'avancer la date de la construction. Il est à craindre que le ministre des finances n'accepte difficilement cette garantie d'emprunt, qui risque de jeter une suspicion officielle sur le sort de la monnaie. On ne peut pourtant continuer de tourner en rond, dans les limites de la fameuse orthodoxie financière. Nos grands argentiers ont un autre rôle à jouer que celui de comptables. Dans les circonstances actuelles, il n'y a pas trente-six solutions originales et hardies. La seule paraît être le préfinancement, ou, si l'on n'a pas peur des mots, la création d'une véritable inflation spécialisée, " dirigée ". Conduite avec prudence, elle ne doit avoir aucune influence sur la stabilité de la monnaie. L'idée commence à faire son chemin. On a perdu en France la notion des grandes réalisations, nous disait M. G. Passe, secrétaire général du comité du logement de la sidérurgie. On discute sur quelques milliards pour réaliser quelques milliers de logements nouveaux. Il faut dépasser cette position timorée. La crise de la construction ne pourra être vaincue que par les avances de l'institut d'émission. Autant nous sommes hostiles à l'inflation, qui trouble la vie économique et diminue en définitive le niveau de vie de la population, autant nous considérons comme profitables au pays des avances de la Banque de France faites en Vue d'une création de richesses nouvelles. L'inflation est un poison lorsqu'elle sert à couvrir les dépenses budgétaires ordinaires. Il n'en est pas de même d'une émission anticipée de monnaie récupérable et destinée à créer des biens économiques. Quel pourrait être le mécanisme d'un tel système de financement ? Très simple. La Banque de France fait une avance de 100 milliards par exemple pour construire cinquante mille logements. Lorsqu'ils sont terminés, l'Etat rembourse à la Banque ce qu'il aurait perçu comme impôt direct sur ces constructions, soit une dizaine de milliards. La dette restante est alors acquittée en quinze ans par les propriétaires des ces logements, l'avance étant faite sans intérêts et remboursée par annuités égales. La démonstration semble faite que nous sommes loin d'une inflation monétaire, puisque, au bout de cinq années, plus du tiers de l'avance consentie serait déjà intégralement remboursé à la Banque. Or le prodigieux essor économique qui résulterait de la mise en chantier de ce programme semblerait devoir entraîner à lui seul un accroissement de la circulation monétaire autrement important que le montant des avances consenties. M. L. Pigot, secrétaire général de la confédération des administrateurs de biens, pense, lui aussi, qu'il faut injecter au pays une masse de capitaux spécialisés considérables, mais propose une autre technique. Créons une caisse autonome d'aide à la construction, nous dit-il, dont le rôle serait d'émettre sous forme de crédits à long terme les centaines de milliards nécessaires à la réalisation des programmes d'habitation. Son rôle devrait être double : financement total des programmes qui ont pour but de créer des logements pour les classes les plus défavorisées financement complémentaire des sociétés d'HLM, de crédit immobilier, dont les projets attendent actuellement de l'argent frais. Quelle pourrait être la dotation de cette caisse ? 200 milliards, peut-être, quand l'organisme serait bien en route. Cela représente moins de 10 % du budget ordinaire. Or nous voyons que pour l'année 1950 l'augmentation de la circulation fiduciaire a dépassé de 300 milliards son volume au 31 décembre 1949. Ces 300 milliards n'ont pas servi à créer de la richesse durable, et cependant ils n'ont pas entraîner une hausse de prix correspondant à leur importance relative. Autrement dit, 25 % de billets en plus ne se traduisent pas par une majoration de 25 % des indices des prix de gros ou de détail. Il y a, en effet, un moyen de faire reculer encore-s'ils existent-les dangers d'une inflation " dirigée " dans le secteur de la construction. C'est de compenser en partie cette sortie d'argent neuf par un " apport-travail ". Il existe aujourd'hui en France des milliers d'ouvriers qui, n'ayant pas les fonds de départ pour bénéficier d'un emprunt, ont résolu d'apporter leur travail gratuitement pour édifier leur maison et obtenir ainsi les crédits nécessaires. Ce sont les " castors ". Le mouvement " castor ", après quelque temps de tâtonnements, est aujourd'hui sorti de sa période infantile. Une union nationale coordonne les expériences, donne des conseils juridiques, techniques, financiers, et, avec l'aide du CNAH, représente les équipes auprès des administrations intéressées. Son secrétaire général, M. Michel Anselme, le geste volontaire, l'oeil et le cheveu sombres, a cette qualité de foi qui déplacerait des montagnes de béton et de briques. Les " castors " ne sont pas de ces " constructeurs du dimanche " qui, avec beaucoup de bonne volonté, aboutissent le plus souvent à la création de " taudis neufs ", me dit-il. Le " castor " apporte son travail dans la partie de la construction où il est compétent. Le plus souvent, il n'effectue que les tâches qui ne nécessitent aucune qualification professionnelle. Nos équipes s'engagent à faire une construction de qualité sous la conduite de techniciens compétents. Combien de logements sont aujourd'hui en construction grâce à ces formules ? Trois mille environ. Les réalisations sont très diverses. Les plus intéressantes visent la construction de cités. Ainsi, le comité ouvrier du logement de Bordeaux achève en ce moment cent cinquante logements à Pessac-l'Alouette. Mêmes idées à Nantes, où les programmes portent sur cent dix logements en maisons particulières ou jumelées, à Poitiers (cent quarante-deux logements). A Saint-Nazaire, cent soixante " castors " construisent cinq à peu près autonomes. Comment est évalué l'apport-travail ? Le ministère de la reconstruction a accepté que la valeur des heures de travail des " castors " puisse entrer en compte dans l'apport des 10 % ou 25 % qu'ils ont à effectuer avant d'emprunter. Un minimum d'heures de travail est indispensable pour que l'apport puisse être pris en considération (l'Union nationale des castors l'a fixé à six cents heures). Ce travail est fourni pendant les heures de loisir, et ne peut donc être confondu avec un " travail noir ". Et l'économie sur le plan de la construction ? Les maisons " castors " atteignent des prix de revient de 30 à 40 % inférieurs aux prix normaux. Outre l'apport travail, de nombreuses économies sont réalisées par la bonne organisation des chantiers. Les équipes réduisent leurs frais généraux au minimum et bénéficient parfois de certains concours extérieurs : prêts de matériel par exemple. L'Etat ne pourrait-il pas lancer une sorte de service du travail volontaire ? (En le baptisant autrement si l'on a peur de fâcheuses résonances.) Et l'armée ? Il paraît mal venu en ces temps où l'on astique les baïonnettes et les mitrailleuses de penser l'utiliser aujourd'hui à d'autres tâches. Nous fera-t-on croire que l'instruction militaire du jeune soldat ne peut lui laisser aujourd'hui aucun répit ? Dans une importante étude publiée dans la revue Economie et Humanisme, M. J.M. Gatheron avait posé et enrichi ce thème de l'armée créatrice : " Lorsque la France compte une personne de plus de soixante ans pour moins de trois personnes actives, on n'a pas le droit de laisser hors de l'effort général de production plusieurs centaines de milliers de jeunes hommes en pleine vigueur (...). " PIERRE DROUIN Le Monde du 2 mai 1951

« 200 milliards, peut-être, quand l'organisme serait bien en route.

Cela représente moins de 10 % du budget ordinaire.

Or nousvoyons que pour l'année 1950 l'augmentation de la circulation fiduciaire a dépassé de 300 milliards son volume au 31 décembre1949.

Ces 300 milliards n'ont pas servi à créer de la richesse durable, et cependant ils n'ont pas entraîner une hausse de prixcorrespondant à leur importance relative. Autrement dit, 25 % de billets en plus ne se traduisent pas par une majoration de 25 % des indices des prix de gros ou dedétail. Il y a, en effet, un moyen de faire reculer encore-s'ils existent-les dangers d'une inflation " dirigée " dans le secteur de laconstruction.

C'est de compenser en partie cette sortie d'argent neuf par un " apport-travail ". Il existe aujourd'hui en France des milliers d'ouvriers qui, n'ayant pas les fonds de départ pour bénéficier d'un emprunt, ontrésolu d'apporter leur travail gratuitement pour édifier leur maison et obtenir ainsi les crédits nécessaires.

Ce sont les " castors ".Le mouvement " castor ", après quelque temps de tâtonnements, est aujourd'hui sorti de sa période infantile.

Une union nationalecoordonne les expériences, donne des conseils juridiques, techniques, financiers, et, avec l'aide du CNAH, représente leséquipes auprès des administrations intéressées.

Son secrétaire général, M.

Michel Anselme, le geste volontaire, l'oeil et le cheveusombres, a cette qualité de foi qui déplacerait des montagnes de béton et de briques. Les " castors " ne sont pas de ces " constructeurs du dimanche " qui, avec beaucoup de bonne volonté, aboutissent le plussouvent à la création de " taudis neufs ", me dit-il.

Le " castor " apporte son travail dans la partie de la construction où il estcompétent.

Le plus souvent, il n'effectue que les tâches qui ne nécessitent aucune qualification professionnelle.

Nos équipess'engagent à faire une construction de qualité sous la conduite de techniciens compétents. Combien de logements sont aujourd'hui en construction grâce à ces formules ? Trois mille environ.

Les réalisations sont très diverses.

Les plus intéressantes visent la construction de cités.

Ainsi, le comitéouvrier du logement de Bordeaux achève en ce moment cent cinquante logements à Pessac-l'Alouette.

Mêmes idées à Nantes,où les programmes portent sur cent dix logements en maisons particulières ou jumelées, à Poitiers (cent quarante-deuxlogements).

A Saint-Nazaire, cent soixante " castors " construisent cinq à peu près autonomes. Comment est évalué l'apport-travail ? Le ministère de la reconstruction a accepté que la valeur des heures de travail des " castors " puisse entrer en compte dansl'apport des 10 % ou 25 % qu'ils ont à effectuer avant d'emprunter.

Un minimum d'heures de travail est indispensable pour quel'apport puisse être pris en considération (l'Union nationale des castors l'a fixé à six cents heures).

Ce travail est fourni pendant lesheures de loisir, et ne peut donc être confondu avec un " travail noir ". Et l'économie sur le plan de la construction ? Les maisons " castors " atteignent des prix de revient de 30 à 40 % inférieurs aux prix normaux.

Outre l'apport travail, denombreuses économies sont réalisées par la bonne organisation des chantiers.

Les équipes réduisent leurs frais généraux auminimum et bénéficient parfois de certains concours extérieurs : prêts de matériel par exemple. L'Etat ne pourrait-il pas lancer une sorte de service du travail volontaire ? (En le baptisant autrement si l'on a peur de fâcheusesrésonances.) Et l'armée ? Il paraît mal venu en ces temps où l'on astique les baïonnettes et les mitrailleuses de penser l'utiliseraujourd'hui à d'autres tâches.

Nous fera-t-on croire que l'instruction militaire du jeune soldat ne peut lui laisser aujourd'hui aucunrépit ? Dans une importante étude publiée dans la revue Economie et Humanisme, M.

J.M.

Gatheron avait posé et enrichi cethème de l'armée créatrice : " Lorsque la France compte une personne de plus de soixante ans pour moins de trois personnesactives, on n'a pas le droit de laisser hors de l'effort général de production plusieurs centaines de milliers de jeunes hommes enpleine vigueur (...).

" PIERRE DROUIN Le Monde du 2 mai 1951. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles