Devoir de Philosophie

Article de presse: Liu Shaoqi, un fidèle de Moscou

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

27 avril 1959 - Est-il né en 1905 ou en 1898 ? Les deux dates sont avancées par des biographes officiels : la deuxième est la plus vraisemblable. Fils d'un paysan aisé, il est de la même province que Mao, le Hunan, et fait ses études dans le même collège à Changsha mais, plus jeune, il ne l'a probablement pas connu. En 1922, Liu s'inscrit au Parti communiste qui vient de naître à Shanghai. D'emblée l'agitation en milieu ouvrier est son activité favorite. Il a fondé l'année d'avant un " secrétariat ouvrier " et participe en cette année 1922 à un " congrès national du travail ", embryon de la future fédération syndicale. On l'envoie organiser les travailleurs dans les mines de charbon du Kiangsi. Jusqu'à la fin de 1923, les mineurs voient ce jeune et pâle intellectuel partager leur condition misérable et prêcher l'avenir heureux que leur promet la révolution. Devenu président de leur syndicat, il a fait ses preuves on le rappelle à l'état-major du Parti communiste pour l'envoyer poursuivre son oeuvre d'agitateur et d'organisateur dans les grands ports de la côte chinoise, Canton, Shanghai, Tien-tsin : ces grandes métropoles où le gros capital côtoie la misère sentent, encore plus que l'intérieur de la Chine, venir de l'Occident le vent des révoltes prochaines. Communistes et membres du Kouomintang-ou Parti nationaliste-sont alors alliés. Tchiang Kaï-Chek porte les espoirs des révolutionnaires. Il s'avance de Canton vers le nord, prend Shanghai au printemps de 1927. Liu est en train d'y organiser et d'y armer des comités de rues et Zhou Enlai est parmi ses compagnons, quand Tchiang vainqueur se retourne contre les communistes et les fait massacrer. Qu'arrive-t-il à Liu ? Mystère. Disparu dans la clandestinité, il n'est ni de ceux qui fuient vers Canton ni de ceux qui rejoignent les maquis paysans. Ses biographes admettent généralement qu'ici se place le premier séjour de Liu Shaoqi à Moscou. Il entre à l'université Sun Yat-sen et suit des cours, semble-t-il, à l'Académie de l'armée rouge. La déroute du Parti communiste chinois a été telle que c'est à Moscou que se tient, en 1928, son sixième congrès, auquel Liu, on l'a su plus tard, participe. En juillet 1930, on retrouve sa trace... à Tokyo, et c'est un épisode que nous croyons inédit. Il arrive de Shanghai, flanqué de deux gardes du corps et prend contact en secret avec les communistes japonais avant de se rendre-autre détail peu connu-à Strasbourg où se tient un congrès international des syndicats. Ces détails tendent à prouver que Liu Shaoqi est bien entré de bonne heure, comme on le croit, dans le haut état-major de l'internationale communiste. En 1932, Liu, de nouveau en Chine, vient à rencontrer enfin Mao Zedong, quand il rejoint au Kiangsi le " gouvernement provisoire " établi dans les montagnes à Juichin. Il y est " commissaire au travail " et crée les premiers syndicats purement communistes. En 1934, il devient membre du comité central du parti. Mais les troupes de Tchiang Kaï-Chek cernent les " rouges " du Kiangsi. Mao décide de fuir le repaire montagnard et entraîne ses fidèles dans la Longue Marche, qui les mènera après mille épreuves à l'autre bout de la Chine, dans le Shensi. Liu en est-il ? Nouveau mystère. Les récits de la grande aventure ne font pas mention de lui. La petite histoire de Yenan, quand Mao s'y installe, non plus. Cette fois encore les biographes de Liu pensent qu'il faut loger ici un séjour à Moscou, le deuxième, qui couvrirait les années 1936 et 1937. Plus marxiste que chinois Ses activités nous échappent. En revanche, sa silhouette se précise. A côté de Mao Zedong, l'agitateur des campagnes, Liu est le spécialiste de l'agitation ouvrière, et son influence grandissante s'appuie sur sa position de représentant du prolétariat urbain. D'autre part, tandis que Mao est le Chinois enraciné dans la Chine et qui ne connaît presque rien que la Chine, d'où il n'est pas encore sorti, Liu noue des liens à Moscou, s'abreuve aux sources soviétiques et staliniennes, et finit par devoir au marxisme et à Moscou presque tout ce qu'il est : bref, le voilà plus marxiste que chinois. 1937 : attaque des Japonais en Chine du Nord, prise de Shanghai, pillage de Nankin. Kouomintang et Parti communiste se réconcilient pour la résistance. Le front commun dure peu : en 1941 c'est la brouille. Liu, rentré au pays, rejoint ceux de son camp au fond des montagnes, où le parti organise ses " poches rouges " et redistribue la terre. En 1942 Mao " resserre les vis " en imposant aux siens le premier mouvement de " rectification " doublé d'une épuration. Liu, communiste irréprochable et porteur de l'évangile de Moscou, voit grandir son influence. Pour la première fois on voit les membres du parti étudier un texte de doctrine dont il est l'auteur, sur la " culture de soi-même ". En 1943 il devient l'un des cinq membres du secrétariat du comité central : le voilà entré vraiment dans le cercle intérieur du régime. Cependant, homme d'action autant qu'homme de réflexion, il combat dans les rangs de la résistance antijaponaise... et anti-Tchiang Kaï-Chek, comme commissaire politique de la IVe armée (communiste) aux côtés du général Chen Yi. 1945 : le cauchemar de la guerre s'achève en Asie, la capitulation japonaise est toute proche. En juin le parti réunit son septième congrès, et pour se préparer à la conquête du pouvoir il se donne une nouvelle Constitution. Liu joue un rôle important dans son élaboration et la présente au congrès. L'organisation interne du parti, le maintien de la discipline draconienne et les méthodes d'endoctrinement, voilà décidément son terrain préféré. Le régime de Tchiang Kaï-Chek met trois ans à se décomposer, un an encore à s'écrouler. Les communistes s'installent à Pékin en janvier 1949, et la République populaire de Chine naît en octobre. Liu, depuis 1945, est le premier membre du bureau politique du comité central après Mao, avant Zhou Enlai et Zhu De. Ce qui apparaît assez clairement, c'est, d'une part, que son activité est omniprésente : il touche à toutes les questions importantes. Et c'est, d'autre part, que jamais il ne prête au moindre soupçon de vouloir prendre la première place : sa fidélité à Mao paraît sans ombre et sans accroc. Au sortir de la guerre de Corée, le régime se donne en 1954 des institutions stables. Liu est un des principaux auteurs de la nouvelle Constitution, et c'est lui qui dans un long rapport l'explique et la présente au peuple. L'un des premiers aussi il parle du premier plan de cinq ans : il se montre plus à l'aise pour parler de l'industrialisation que de l'agriculture. Mao annonce de son côté le lancement des kolkhozes et la socialisation des campagnes. Hormis cela, Mao parle peu. Les rapports de Liu, au contraire, sont multiples. C'est lui qui annonce le grand tournant du " passage au socialisme ", où bourgeois capitalistes et intellectuels sont remis dans le " moule " du marxisme et du parti. Staline est mort, mais à Pékin, à la différence de Moscou, on ne s'avance que prudemment sur la voie de la déstalinisation. Pourtant, après la rébellion hongroise, Mao décide de " lâcher de la vapeur ", et une expérience libérale s'instaure sous le slogan des Cent Fleurs. Pour la première fois on a l'impression que Liu, le dur, est en désaccord avec Mao, le souple. Tandis que Mao, dans un rapport fameux qui rompt soudain son silence, parle longuement des " contradictions " du régime. Liu au contraire devient tout à coup silencieux et, pendant toute la durée de l'expérience, se tait. L'expérience tourne mal, une explosion de mécontentement et d'accusations atteint le parti. Celui-ci décide une reprise en main draconienne de ses membres et du pays, et Liu est un des plus ardents à lancer dans la Chine entière une formidable campagne de rectification et d'autocritique. Décidément c'est la main de fer qui l'emporte sur le gant de velours, et la " re-stalinisation " qui s'instaure paraît bien correspondre aux idées de Liu. Son influence dans la machine du parti paraît s'être accrue dans cette période orageuse. Zhou Enlai s'est vu privé du portefeuille des affaires étrangères au début de 1958 : on le disait en désaccord avec Liu, et son rival en puissance. Qui le remplace ? Le maréchal Chen Yi, qu'on sait en très bons termes avec Liu, son ancien commissaire politique. Qui fait au congrès du parti le rapport sur la rectification ? C'est Deng Xiaoping, homme nouveau du parti, qu'on dit " poulain " de Liu. Le " grand bond " en avant Le grand document de doctrine de l'année 1958 est au même congrès, en juin, le rapport de Liu Shaoqi fait au nom du comité central. Il élabore les principes du grand " bond en avant " de l'industrie et de l'agriculture. La Chine accélère furieusement sa production. Bien mieux, elle accélère la révolution même. Deux mois plus tard on découvre que les fameuses communes populaires ont été lancées, presque secrètement, dès le mois de mai. Fin août le parti les répand dans la Chine entière. Officiellement, le père des communes est Mao Zedong. Mais sans doute aucun l'idée est soutenue à fond par Liu, et elle est bien dans la " ligne " nouvelle annoncée par lui. La naissance des communes secoue la Chine entière. Les abus sont multiples, les difficultés générales, des résistances sont signalées un peu partout. Le parti se réunit à Wuhan, en Chine centrale, pour faire face au nouvel orage. Va-t-on faire machine en arrière ? Non pas : on ira de l'avant. Ralentir, peut-être, corriger ce qui ne va pas, sûrement, mais les communes continuent. Nul blâme à Mao : sa politique est " correcte ", comme celle du parti tout entier. Liu, co-auteur des communes, a probablement été à Wuhan un des fermes soutiens de Mao. ROBERT GUILLAIN Le Monde du 28 avril 1959

« membres du secrétariat du comité central : le voilà entré vraiment dans le cercle intérieur du régime.

Cependant, homme d'actionautant qu'homme de réflexion, il combat dans les rangs de la résistance antijaponaise...

et anti-Tchiang Kaï-Chek, commecommissaire politique de la IV e armée (communiste) aux côtés du général Chen Yi. 1945 : le cauchemar de la guerre s'achève en Asie, la capitulation japonaise est toute proche.

En juin le parti réunit sonseptième congrès, et pour se préparer à la conquête du pouvoir il se donne une nouvelle Constitution.

Liu joue un rôle importantdans son élaboration et la présente au congrès.

L'organisation interne du parti, le maintien de la discipline draconienne et lesméthodes d'endoctrinement, voilà décidément son terrain préféré. Le régime de Tchiang Kaï-Chek met trois ans à se décomposer, un an encore à s'écrouler.

Les communistes s'installent à Pékinen janvier 1949, et la République populaire de Chine naît en octobre.

Liu, depuis 1945, est le premier membre du bureaupolitique du comité central après Mao, avant Zhou Enlai et Zhu De. Ce qui apparaît assez clairement, c'est, d'une part, que son activité est omniprésente : il touche à toutes les questionsimportantes.

Et c'est, d'autre part, que jamais il ne prête au moindre soupçon de vouloir prendre la première place : sa fidélité àMao paraît sans ombre et sans accroc. Au sortir de la guerre de Corée, le régime se donne en 1954 des institutions stables.

Liu est un des principaux auteurs de lanouvelle Constitution, et c'est lui qui dans un long rapport l'explique et la présente au peuple.

L'un des premiers aussi il parle dupremier plan de cinq ans : il se montre plus à l'aise pour parler de l'industrialisation que de l'agriculture. Mao annonce de son côté le lancement des kolkhozes et la socialisation des campagnes.

Hormis cela, Mao parle peu.

Lesrapports de Liu, au contraire, sont multiples.

C'est lui qui annonce le grand tournant du " passage au socialisme ", où bourgeoiscapitalistes et intellectuels sont remis dans le " moule " du marxisme et du parti.

Staline est mort, mais à Pékin, à la différence deMoscou, on ne s'avance que prudemment sur la voie de la déstalinisation. Pourtant, après la rébellion hongroise, Mao décide de " lâcher de la vapeur ", et une expérience libérale s'instaure sous leslogan des Cent Fleurs.

Pour la première fois on a l'impression que Liu, le dur, est en désaccord avec Mao, le souple.

Tandis queMao, dans un rapport fameux qui rompt soudain son silence, parle longuement des " contradictions " du régime.

Liu au contrairedevient tout à coup silencieux et, pendant toute la durée de l'expérience, se tait. L'expérience tourne mal, une explosion de mécontentement et d'accusations atteint le parti.

Celui-ci décide une reprise en maindraconienne de ses membres et du pays, et Liu est un des plus ardents à lancer dans la Chine entière une formidable campagnede rectification et d'autocritique. Décidément c'est la main de fer qui l'emporte sur le gant de velours, et la " re-stalinisation " qui s'instaure paraît biencorrespondre aux idées de Liu.

Son influence dans la machine du parti paraît s'être accrue dans cette période orageuse.

ZhouEnlai s'est vu privé du portefeuille des affaires étrangères au début de 1958 : on le disait en désaccord avec Liu, et son rival enpuissance.

Qui le remplace ? Le maréchal Chen Yi, qu'on sait en très bons termes avec Liu, son ancien commissaire politique.Qui fait au congrès du parti le rapport sur la rectification ? C'est Deng Xiaoping, homme nouveau du parti, qu'on dit " poulain " deLiu. Le " grand bond " en avant Le grand document de doctrine de l'année 1958 est au même congrès, en juin, le rapport de Liu Shaoqi fait au nom du comitécentral.

Il élabore les principes du grand " bond en avant " de l'industrie et de l'agriculture.

La Chine accélère furieusement saproduction.

Bien mieux, elle accélère la révolution même.

Deux mois plus tard on découvre que les fameuses communespopulaires ont été lancées, presque secrètement, dès le mois de mai.

Fin août le parti les répand dans la Chine entière. Officiellement, le père des communes est Mao Zedong.

Mais sans doute aucun l'idée est soutenue à fond par Liu, et elle estbien dans la " ligne " nouvelle annoncée par lui. La naissance des communes secoue la Chine entière.

Les abus sont multiples, les difficultés générales, des résistances sontsignalées un peu partout.

Le parti se réunit à Wuhan, en Chine centrale, pour faire face au nouvel orage.

Va-t-on faire machine enarrière ? Non pas : on ira de l'avant.

Ralentir, peut-être, corriger ce qui ne va pas, sûrement, mais les communes continuent.

Nulblâme à Mao : sa politique est " correcte ", comme celle du parti tout entier.

Liu, co-auteur des communes, a probablement été àWuhan un des fermes soutiens de Mao. ROBERT GUILLAIN. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles