Devoir de Philosophie

Article de presse: Onze pays confirmés pour l'euro

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

2 mai 1998 - " C'est le commencement d'une nouvelle ère pour l'Europe " : même Gordon Brown, le chancelier de l'Echiquier britannique, dont le pays a renoncé dans l'immédiat à participer à la monnaie unique, a tenu à mettre en relief l'importance historique de ce long week-end de l'euro qui venait de débuter. " L'union monétaire peut être une plate-forme de stabilité sur laquelle s'appuyer pour construire la croissance et l'emploi " , a-t-il assuré comme à regret, en présentant, vendredi 1er mai, les résultats du conseil des ministres des finances des Quinze (Ecofin), tenu à Bruxelles pour préparer le sommet européen extraordinaire du lendemain. Sur recommandation de leurs ministres, qui ont adopté une déclaration en précisant les conditions, et après accord du Parlement européen, convoqué dans la matinée en séance plénière, les chefs d'Etat et de gouvernement devaient consacrer, samedi après-midi, la naissance de l'euro en confirmant la qualification de onze pays. Jusqu'au dernier moment, le problème de la nomination du président de la Banque centrale européenne (BCE) a pourtant menacé de brouiller l'histoire. Il avait cristallisé ces semaines dernières les tensions entre la France et ses partenaires. La sagesse paraissant l'emporter, la volonté d'aboutir à une solution lors du sommet était, vendredi soir, évidente, au point que certains se demandaient si un projet de compromis n'était pas pratiquement bouclé. Le ministre français des finances, Dominique Strauss-Kahn, a été presque catégorique. " Il y a de bonnes raisons pour que tout le monde se mette d'accord demain " , a-t-il indiqué, osant même, quelques minutes plus tard, affirmer : " J'en suis certain, je n'ai aucun doute que l'on trouvera une bonne solution " , formule également utilisée par le ministre allemand, Theo Waigel. M. Brown, qui conduisait les travaux, informé des contacts pris par Tony Blair, le président en exercice du Conseil européen, était lui aussi optimiste. Les partenaires de la France n'ont jamais vraiment compris l'obstination de Paris à présenter la candidature du gouverneur de la Banque de France, Jean-Claude Trichet, contre celle du Néerlandais Wim Duisenberg, actuel président de l'Institut monétaire européen, qu'ils étaient unanimes à appuyer. Cette attitude s'explique non pas par hostilité à M. Duisenberg mais pour des raisons de principe : le président Chirac n'avait pas accepté en 1996 que les gouverneurs des banques centrales, réunis au sein du Conseil des instituts monétaires, désignent eux-mêmes leur nouveau président avec l'idée clairement exprimée qu'il deviendrait le premier gouverneur de la BCE. Les Français entendaient ainsi rappeler que, selon le traité de Maastricht, ce choix revenait à l'instance politique suprême de l'Union, le Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement. Mandat partagé Le rôle joué dans cette affaire par la Bundesbank, qui jusqu'au dernier jour a soutenu ouvertement la candidature Duisenberg et a voulu peser sur les tractations pour trouver un compromis, a également irrité Paris. Cela rappelait fâcheusement que le choix de Francfort comme siège de la BCE n'avait été accepté qu'à contrecoeur par les Français, qui y voyaient une menace pour le rôle de la place financière de Paris. M. Chirac a toujours soutenu qu'il y avait eu lors de ce choix un accord tacite entre la France et l'Allemagne pour que, en compensation, le premier président soit un Français. Aussi justifiés ces arguments soient-ils, la France se trouvait, au début du week-end, isolée, incomprise, bref accusée de gâcher la fête. Il lui a donc fallu accepter de composer, ce que du côté du gouvernement de Lionel Jospin on paraissait admettre avec moins d'états d'âme que du côté de l'Elysée. A entendre M. Strauss-Kahn, le premier choix français allait assurément à un mandat partagé. M. Duisenberg serait désigné officiellement pour un mandat de huit ans, conformément au traité. Mais aux termes d'un arrangement non-dit, dont le contenu restait apparemment, vendredi soir, à préciser, il indiquerait d'une manière ou d'une autre quitte à ce que ce soit après les législatives du 6 mai au Pays-Bas son intention de renoncer après quatre ans. Son successeur pourrait alors être M. Trichet, ou tout autre candidat français, pour un mandat entier de huit ans. Objections sérieuses Un tel compromis se révèle délicat à finaliser en raison des objections très sérieuses qu'il soulève, tant du côté des gaullistes que chez les Néerlandais (toujours très hostiles à l'idée d'un partage) ou à la Bundesbank. Plus grave encore, le Parlement européen s'est lui aussi prononcé, voilà quelques jours, contre le partage. Or, les 7 et 8 mai, il doit auditionner le président désigné avant de donner son avis. Il a déjà manifesté son intention de " cuisiner " M. Duisenberg dans le cas où les députés flaireraient un accord secret du type de celui concocté. L'avis du Parlement n'est que consultatif mais ce ne serait pas un bon départ que de mettre en place la Banque centrale européenne dans des conditions critiquées par la représentation européenne. HENRI DE BRESSON et PHILIPPE LEMAITRE Le Monde du 4 mai 1998

Liens utiles