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Article de presse: Un revirement à 180 degrés

Publié le 22/02/2012

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19-21 novembre 1985 - Ronald Reagan est arrivé à la Maison Blanche avec des idées simples. Il a dû presque toutes les abandonner-et pas seulement en politique étrangère. Le paradoxe veut que cette absence de principes ait donné naissance à une doctrine. Or le reaganisme est tout au mieux une attitude, un comportement, en aucun cas une théorie reposant sur une analyse serrée des rapports internationaux et supposant une stratégie déterminée. M. Reagan est avant tout un pragmatique. La minceur des résultats de sa politique est à l'aune des idées qui la sous-tendent. L'évolution des relations avec l'Union soviétique en fournit un bon exemple. A peine est-il entré en fonctions que M. Reagan traite les Russes de " menteurs " et de " tricheurs ", de gens sans foi ni loi pour qui tous les moyens sont bons pour arriver à leurs fins. Un autre jour, il se lance dans une violente diatribe contre ce qu'il appelle " l'empire du mal ", une expression qui fera fortune. Reprenant les arguments de sa campagne électorale, il ne cache pas son hostilité à SALT-2, l'accord de limitation des armements stratégiques signé en 1979 par MM. Carter et Brejnev, mais jamais ratifié par le Sénat américain. Résultat : des deux côtés, les propagandistes s'en donnent à coeur joie, rappelant le temps de la guerre froide. Le dialogue Est-Ouest devient un souvenir, la méfiance, de nouveau, domine. Les circonstances favorisent de part et d'autre l'immobilisme. La querelle des euro-missiles, qui occupe le devant de la scène jusqu'à la fin 1983, pousse chaque camp à l'intransigeance. La succession à Moscou de dirigeants âgés et malades freine l'activité diplomatique des Soviétiques, offrant à M. Reagan un bon prétexte pour ne rien faire. Entre-temps, le chef de la Maison Blanche a lancé avec fracas, en mars 1983, son projet de " guerre des étoiles ". Un concept encore fumeux, puisé dans les visions quelque peu messianiques de certains groupes très conservateurs (Heritage Foundation). Le but est de libérer le monde de la menace nucléaire en développant un système d'armes défensives s'appuyant sur des techniques très sophistiquées, notamment dans le domaine des lasers. Au mieux, indique M. Reagan lui-même, un tel système ne pourrait vraisemblablement pas se mettre en place " avant la fin du siècle ", nombre d'armements censés le constituer n'existant pas encore. Ce projet n'en a pas moins un effet immédiat : le changement radical qu'il représente dans les principes sur lesquels repose l'équilibre stratégique de la planète introduit un nouvel élément de suspicion dans les rapports Est-Ouest. Plus que jamais, les Soviétiques sont persuadés que les Américains recherchent la supériorité militaire. M. Reagan, en insistant sur la nécessité d'établir avec eux une relation stratégique à partir d'une " position de force ", les conforte dans cette crainte. Cette politique, toutefois, a ses limites. L'effort de réarmement encouragé par M. Reagan se heurte aux résistances du Congrès, inquiet du gouffre budgétaire qu'il entraîne. Pendant la campagne électorale pour sa réélection, en 1984, le président subit les critiques de ses adversaires, qui lui reprochent vivement son absence de contacts au sommet avec les Soviétiques. Sa femme, Nancy, dont l'influence n'est pas négligeable, souhaiterait, paraît-il, que son mari passe à l'histoire comme un homme de paix. Aussi bien, dès le début de son second mandat, Ronald Reagan laisse-t-il entendre que la stabilisation des relations entre les Etats-Unis et l'URSS sera la priorité des quatre années à venir. Les circonstances, une fois de plus, vont faciliter les choses. Après les transitions plus ou moins bien assurées par Andropov et Tchernenko, voici qu'arrive au Kremlin un homme jeune-il est dans la cinquantaine,-énergique et apparemment conscient de la nécessité de moderniser son pays. Pour réussir cette réforme des méthodes de gestion et ce dépoussiérage des mentalités, M. Gorbatchev a besoin, lui aussi, d'une relation plus stable avec les Etats-Unis. C'est donc en raison d'un intérêt commun que les contacts entre les Deux Grands, déjà réamorcés à la fin de 1984, vont déboucher, en novembre 1985, sur la rencontre entre M. Reagan et M. Gorbatchev. C'est la première réunion soviéto-américaine au sommet depuis six ans. Les conversations engagent les deux pays dans la " bonne direction ", un " nouveau départ " a été pris. Qui parle ainsi? Nul autre que M. Reagan. Le temps du manichéisme excommunicateur est révolu. Le trafic aérien civil entre Moscou et New-York reprend, de nouveaux consulats vont s'ouvrir. Surtout, les deux Super-Grands se disent d'accord pour " accélérer " les négociations en cours sur les armements stratégiques et spatiaux, et ils avancent le principe d'une réduction de 50 % de leurs arsenaux respectifs. Une évolution qui ne va pas se démentir dans les mois qui suivent, mais qui représente de la part de M. Reagan un changement de position presque à 180 degrés. MANUEL LUCBERT Juillet 1986

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