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ARTICLE DE PRESSE: Vers l'intégration des économies sud-américaines

Publié le 17/01/2022

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31 janvier 1995 - La crise du peso mexicain ne freinera pas, de l'avis presque unanime des observateurs, l'ardeur des pays latino-américains à poursuivre l'intégration de leurs économies entre elles et, si possible, avec le nord du continent. La solidarité dont Washington a immédiatement fait preuve vis-à-vis de son partenaire de l'ALENA (accord de libre-échange nord-américain) dans la tourmente a accentué l'intérêt, pour le Sud, de telles alliances avec le Nord. Cette solidarité s'est exprimée non seulement en paroles mais en actes : les Etats-Unis ont d'abord contribué pour moitié au fonds de 18 milliards de dollars constitué pour stabiliser la monnaie mexicaine, avant de proposer une augmentation substantielle de cette ligne de crédit. Jusqu'à présent, les Etats-Unis du démocrate Bill Clinton ont tenu les promesses de l'ancien président républicain George Bush à l'égard du reste du continent. " Ouvrez vos économies, libéralisez votre commerce, privatisez vos entreprises d'Etat pléthoriques et déficitaires et nous vous aideront ", telle fut l'antienne de George Bush et des organismes multilatéraux tels que le FMI et la Banque mondiale au sortir de la décennie des années 80, que l'on qualifia de " perdue " pour l'Amérique latine. Pour développer leurs industries nationales, la plupart des pays du sous-continent avaient maintenu des politiques dites de substitution des importations, sous haute protection tarifaire. Elles furent mises en péril par les chocs pétroliers, l'accélération des rythmes inflationnistes, puis la crise de la dette extérieure inaugurée par le Mexique en 1982. A l'exception du général Pinochet au Chili, les dictateurs latino-américains sont aussi tombés pour n'avoir pas su empêcher une dégradation économique (le revenu par habitant a chuté de 9 % durant les années 80 dans la zone). " Trade not aid " Les gouvernements démocratiques qui leur ont succédé se sont laissé convaincre que la sortie du sous-développement passait par les succès à l'exportation : " Trade not aid ", leur martelait-on aux Etats-Unis, de moins en moins disposés à leur consentir de l'aide au développement sans contrepartie susceptible de susciter de nouveaux flux commerciaux. Ils ont donc pris le président Bush au mot, lorsque ce dernier lança, en juin 1990, son " Initiative pour les Amériques ", qui cernait une vaste zone de libre-échange " de l'Alaska à la Terre de Feu ". Cette conversion des Etats-Unis à une approche régionaliste a largement contribué à une relance quasiment frénétique des processus d'intégration latino-américains, à un moment où, par ailleurs, la CEE poursuivait ses avancées. Les tentatives se sont d'abord multipliées pour redonner vie à des structures existantes, nées à partir des années 60 mais tombées en désuétude depuis. Ce fut notamment le cas du Marché commun centre-américain (MCCA). Formé en 1960, il avait permis aux pays concernés d'augmenter fortement leurs exportations jusqu'en 1969, année où éclata un conflit territorial entre le Honduras et le Salvador, avant les guerres civiles dans les pays de la zone. L'échec de la relance du MCCA en 1991 et 1992 aboutit au constat suivant : les accords associant des pays aux productions trop identiques et peu diversifiées sur un marché exigu atteignent vite leurs limites. Les treize membres du Caricom, créé en 1973 entre les Etats anglophones de la région caraïbe, sont arrivés à la même conclusion en 1992, persuadés de la nécessité d'étendre leur zone de libre-échange aux Etats continentaux bordés par la mer des Caraïbes, pour qu'elle soit viable. Dans ce but, ils ont formé, en juillet 1994, l'Association des Etats caraïbes, élargie à vingt-cinq membres, parmi lesquels les pays d'Amérique centrale, la Colombie, le Venezuela et le Mexique. Comme le MCCA, le pacte andin s'était fixé, à sa création en 1969, l'objectif ambitieux de réaliser, outre une union douanière, une " planification industrielle commune ". Ce but ne fut jamais atteint. Les membres du pacte viennent à peine de s'entendre sur l'introduction, à partir de février 1995, d'un tarif extérieur commun (de 5 % à 20 % suivant les cas), une des clés de toute véritable intégration. Leur alliance végète. Le Chili l'a quittée dès 1976 . Le Pérou s'en est mis en marge en août 1992, quatre mois après le " coup d'Etat civil " du président Alberto Fujimori il est actuellement considéré comme un " membre non actif ". Les plus pessimistes considèrent que le pacte andin n'est plus, dans les faits, qu'une " union à deux " entre la Colombie et le Venezuela, qui réalisent à eux deux la moitié des échanges intra-andins et 70 % des exportations du pacte. Or ces deux pays ont constitué en janvier 1991 avec le Mexique le groupe des Trois, dit G 3, en vue de la création d'une zone de libre-échange entre eux. Ils se sont entendus, en juin 1994, sur une réduction annuelle de 10 % de leurs tarifs à partir de cette année (la Colombie doit encore ratifier cet accord). Ce G 3 n'est pas la seule des nouvelles alliances apparues, plus souples que les anciennes, sans compter la vingtaine d'accords bilatéraux signés sur le continent depuis le début des années 80 et visant tous la disparition des droits de douane. L'impulsion a été donnée par l'ouverture de négociations entre les Etats-Unis, le Canada et leur plus proche " voisin " du Sud, le Mexique, qui aboutirent en 1992 à la signature de l'Alena, l'accord nord-américain de libre-échange, entré en vigueur en janvier 1994. Fort courtisé du fait de son partenariat avec les géants du Nord, le Mexique a en outre signé un accord bilatéral de libre-échange avec le Costa Rica en octobre 1994, considéré comme un " modèle du genre " par de nombreux spécialistes. De quoi affaiblir davantage le MCCA, à l'intérieur duquel les échanges ont néanmoins retrouvé leur niveau du début des années 80. Parmi les zones nouvellement créées, le Mercosur apparaît souvent, aux yeux des investisseurs, comme " le pôle le plus sérieux et l'ensemble le plus cohérent du point de vue commercial ". Cette alliance s'est formée en un temps record, entre le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay. Il s'est écoulé moins de quatre ans entre sa naissance sur le papier et l'entrée en vigueur, le 1 janvier 1995, de ce Marché commun du Sud, qui représente plus de la moitié du PIB de l'Amérique latine. Les droits de douane subsistants ont alors été supprimés sur 90 % des marchandises échangées un régime transitoire est prévu sur dix ans pour le reste un tarif extérieur commun a été appliqué, allant de zéro à 20 % suivant les cas. Déjà, le commerce intra-Mercosur avait plus que triplé depuis 1991 et le Brésil, qui ne destinait qu'un cinquième de ses exportations au reste de l'Amérique latine en 1993, est devenu le plus important partenaire commercial de l'Argentine, détrônant les Etats-Unis. Bousculade à la porte Séduits par cette intégration menée au pas de course, la Bolivie, membre du pacte andin, est candidate pour entrer dans le Mercosur. C'est aussi le cas, depuis peu, du Chili, le " jaguar du Sud ", qui a commencé le plus tôt à déréguler son économie. Santiago avait jusque-là boudé les alliances latino-américaines, préférant les accords bilatéraux (avec le Mexique notamment en 1991) ou les grands ensembles " crédibles ", comme l'Alena, dont il souhaite, depuis 1992, devenir le quatrième partenaire. Les Etats-Unis, le Canada et le Mexique se sont engagés l'an passé à mener à bien avec lui des négociations en ce sens d'ici à 1997. Aujourd'hui comme hier, on se bouscule littéralement à la porte de l'Alena. Outre le Chili, l'Argentine, le Venezuela, la Colombie sont candidats. Des ensembles comme le Caricom, le MCCA et le Mercosur voudraient y adhérer ou, du moins, s'en rapprocher (sans négliger les liens à développer avec l'Union européenne). Quelle sera la réponse des Etats-Unis ? Cédant à la pression du Sud, le président Clinton s'est engagé, avec les trente-trois chefs d'Etat ou de gouvernement du continent (sauf Cuba) réunis début décembre 1994 à Miami, à construire, d'ici à 2005, la vaste zone de libre-échange " de l'Alaska à la Terre de Feu " que M. Bush avait esquissée. Rendez-vous a été pris, lors de ce " sommet des Amériques ", pour identifier dès juin prochain les secteurs où avancer le plus rapidement. C'était avant la crise du peso... Déjà échaudé par les rudes batailles menées pour obtenir du Congrès la ratification de l'Alena en 1993, puis les accords du GATT en 1994, le président démocrate pourrait être tenté de ralentir le mouvement, si la crise mexicaine devait lui coûter trop cher, en termes politiques et économiques. MARTINE JACOT Le Monde du 18 janvier 1995

« davantage le MCCA, à l'intérieur duquel les échanges ont néanmoins retrouvé leur niveau du début des années 80. Parmi les zones nouvellement créées, le Mercosur apparaît souvent, aux yeux des investisseurs, comme " le pôle le plus sérieuxet l'ensemble le plus cohérent du point de vue commercial ".

Cette alliance s'est formée en un temps record, entre le Brésil,l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay.

Il s'est écoulé moins de quatre ans entre sa naissance sur le papier et l'entrée en vigueur, le1 janvier 1995, de ce Marché commun du Sud, qui représente plus de la moitié du PIB de l'Amérique latine.

Les droits dedouane subsistants ont alors été supprimés sur 90 % des marchandises échangées un régime transitoire est prévu sur dix anspour le reste un tarif extérieur commun a été appliqué, allant de zéro à 20 % suivant les cas.

Déjà, le commerce intra-Mercosuravait plus que triplé depuis 1991 et le Brésil, qui ne destinait qu'un cinquième de ses exportations au reste de l'Amérique latine en1993, est devenu le plus important partenaire commercial de l'Argentine, détrônant les Etats-Unis. Bousculade à la porte Séduits par cette intégration menée au pas de course, la Bolivie, membre du pacte andin, est candidate pour entrer dans leMercosur.

C'est aussi le cas, depuis peu, du Chili, le " jaguar du Sud ", qui a commencé le plus tôt à déréguler son économie.Santiago avait jusque-là boudé les alliances latino-américaines, préférant les accords bilatéraux (avec le Mexique notamment en1991) ou les grands ensembles " crédibles ", comme l'Alena, dont il souhaite, depuis 1992, devenir le quatrième partenaire.

LesEtats-Unis, le Canada et le Mexique se sont engagés l'an passé à mener à bien avec lui des négociations en ce sens d'ici à 1997. Aujourd'hui comme hier, on se bouscule littéralement à la porte de l'Alena.

Outre le Chili, l'Argentine, le Venezuela, laColombie sont candidats.

Des ensembles comme le Caricom, le MCCA et le Mercosur voudraient y adhérer ou, du moins, s'enrapprocher (sans négliger les liens à développer avec l'Union européenne).

Quelle sera la réponse des Etats-Unis ? Cédant à la pression du Sud, le président Clinton s'est engagé, avec les trente-trois chefs d'Etat ou de gouvernement ducontinent (sauf Cuba) réunis début décembre 1994 à Miami, à construire, d'ici à 2005, la vaste zone de libre-échange " del'Alaska à la Terre de Feu " que M.

Bush avait esquissée.

Rendez-vous a été pris, lors de ce " sommet des Amériques ", pouridentifier dès juin prochain les secteurs où avancer le plus rapidement.

C'était avant la crise du peso... Déjà échaudé par les rudes batailles menées pour obtenir du Congrès la ratification de l'Alena en 1993, puis les accords duGATT en 1994, le président démocrate pourrait être tenté de ralentir le mouvement, si la crise mexicaine devait lui coûter tropcher, en termes politiques et économiques. MARTINE JACOT Le Monde du 18 janvier 1995. »

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