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Commentaire composé : Alain Bosquet, "Paris" (Sonnets pour une fin de siècle)

Publié le 21/07/2010

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Texte :    PARIS    à Nadia Blot    Si je vous racontais que Paris est un port  bâti sur les coraux, où viennent s'abreuver  la girafe de neige et la tortue géante ?  Si je vous racontais que chaque jour Paris    s'éveille comme une île au large du Japon  et glisse doucement sur la peau du Mexique,  parmi les baobabs et les mimosas bleus ?  Si je vous racontais que Paris vagabonde    au moindre vent chez les étoiles qui mendient  une tranche de pain, et les comètes riches  qui sèment sur l'espace un peuple de toucans ?    Si je vous racontais, comme un ami raconte  dans la brume pesante une histoire de chasse,  qu'au milieu de mes vers Paris se sent heureux ?    Alain Bosquet: Sonnets pour une fin de siècle (1981)    ==================================    Commentaire composé partiellement rédigé    Le poète contemporain Alain Bosquet veut faire entrer en poésie les mythes modernes qui nous font vivre ; "le réel a disparu depuis 30 ans de notre poésie", s'indigne-t-il, d'où la présence dans son recueil Sonnets pour une fin de siècle, publié en 1981, de P.D.G., speakerine ou placard publicitaire ; toutefois il aime aussi déranger son lecteur et l'inciter à "l'émerveillement, à l'amour des étoiles, au désir d'ailleurs et à la capture d'un idéal". Le sonnet intitulé "Paris" répond davantage à ce dernier aspect de son inspiration. On cherchera à montrer que c'est en provoquant son lecteur qu'il le convie à une divagation poétique.    I. Un poème provocateur    1. Le pied de nez à la tradition    - du titre au contenu: à contre-courant de l'attente du lecteur et de la tradition ; pas d'éloge de la capitale portant sur ses monuments, son histoire, son rôle, notamment de foyer culturel, sinon peut-être par l'aimantation exercée sur "la girafe des neige et la tortue géante" qui viennent "s'[y] abreuver"; un Paris en apparence résolument coupé du réel.  - l'irrespect d'une forme contraignante, aux règles prédéfinies dont ne subsistent en fait que les 2 quatrains, les 2 tercets et la chute ; par ailleurs, les quatrains et les tercets sont unifiés par le thème, l'enjambement de la 2° strophe sur la 3°, l'anaphore de "Si je vous racontais" ; 4 longues phrases se déroulent en fait sur les vers comme une prose poétique ; pas de rime ni de majuscule au début des vers, sauf au début des phrases.    2. L'intention du poète    - une interpellation de la dédicataire et des lecteurs (je/vous) aussi amicale (le poète se définit "comme un ami" au vers 12) qu'insistante : 4 anaphores de "Si je vous racontais" dont la dernière syllabe seule porte l'accent, ce qui donne un élan à chacun de ces hémistiches, 4 interrogations laissées en suspens, 4 suppositions ; un désir de bousculer les habitudes et certitudes des lecteurs, de les sortir de la grisaille du quotidien, des baudelairiennes "brumes pesantes" (cf. aussi le titre du recueil et son allusion à une "fin de siècle" peu réjouissante).  - une affirmation sans appel des droits de l'imagination : le poète se présente comme un conteur (5 occurrences du verbe raconter, dont 2 fois au vers 12) qui cherche à réveiller en nous l'esprit d'enfance et le goût du rêve. Sans doute peut-on retrouver derrière certaines évocations de ce Paris une réalités sous-jacente : comment ne pas voir la Tour Eiffel dans cette "girafe de neige", le dôme des Invalides ou la coupole de l'Institut dans la carapace de "la tortue géante" ; certes, Paris est un "port" et l'abondant champ lexical de l'eau évoque la Seine ; certes encore, Paris au cœur de l'Ile de France peut aisément se changer en une île, et les "brumes pesantes" sont celles d'un climat déjà nordique. Mais le présent de l'indicatif au lieu du conditionnel, qu'on attendrait plus volontiers après la subordonnée de condition, présente cette vision fantaisiste de l'auteur comme une certitude, ce qu'accentue également l'indication de temps "chaque jour". Vivre poétiquement est présenté comme une garantie de bonheur, comme l'affirme la chute du poème, si l'on sait se laisser aller à l'inspiration, dont "le moindre vent" est ici une métaphore.    II. Une divagation poétique    1. Une invitation au voyage    - Paris, ville géographiquement bien définie, ancrée dans un site précis, ce que rappelle le verbe bâtir (v. 2), devient au gré de l'imagination du poète, un voyageur qui parcourt le monde, quittant la protection du "port" pour se métamorphoser en "une île au large du Japon", bien que la comparaison atténue encore un peu l'irréalisme de cette évocation ; mais le réel est totalement oublié dans l'effleurement du Mexique et dans l'envol dans le cosmos ; ayant lâché les amarres, Paris connaît des mouvements légers et libres ("s'éveille", "glisse doucement", "vagabonde" : effet des sifflantes et des fricatives)  - ce Paris voyageur nous offre toute la palette des charmes exotiques. Paris condense le monde entier, un monde chaleureux, ensoleillé, pittoresque qui tourne le dos délibérément aux "brumes pesantes" : implicitement par le jeu des connotations ou explicitement, nous sont offertes la Polynésie ("île", "coraux", "les tortues géantes"), l'Asie ("le Japon"), l'Afrique ("la girafe", "les baobabs") les Amériques ("le Mexique", "les toucans") et ... la côte d'Azur avec ses mimosas.    2. Le charme de la fantaisie    En malmenant la réalité, le poète multiplie avec humour les clins d'œil au lecteur:  - l'humour de la personnification des choses : Paris "s'éveille", va "chez les étoiles" comme chez des amis, "se sent heureux" ; les corps célestes connaissent la hiérarchie des classes propres à notre terre : étoiles = pauvres (à contre-emploi du reste de l'idée que nous nous faisons des étoiles), force du verbe mendier à la rime ; comètes = riches (champ lexical : "riches" / "sème" / "peuple")  - humour d'un irréalisme affiché qui défie la raison : Paris "bâti sur les coraux", "les girafes de neige", "les mimosas bleus" ; la coordination d'éléments incompatibles : le baobab et le mimosa  - l'humour des termes "comestibles" (cf. dans le recueil "Poème comestible" : "Qui ne sait que les poèmes sont mangeables ?" La magie du vers 11 pour sa féerie de couleurs (la queue de la comète et le plumage multicolore des toucans) ; les effets de sonorités : elles sont poétiques, les allitérations en liquides du v. 5, ou en fricatives / dentales "Paris vagabonde / au moindre vent" ; ou cocasses : les labiales du v.7, le terme toucan...    Dans un monde conformiste et matérialiste, Bosquet entend défendre les droits de la poésie et, dans un poème de la plus pure tradition surréaliste, il entend nous provoquer en nous offrant un Paris libéré du poids des conventions et de la laideur de la modernité... A qui s'en offusquerait, Bosquet présente "la défense du poète" dans un sonnet portant ce titre :  "Aligner quelques mots  Qui lâchent le réel pour un gramme d'azur,  Est-ce dresser un paravent contre le monde  affolé dans son bain, parmi l'écume noire?"

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« comme l'affirme la chute du poème, si l'on sait se laisser aller à l'inspiration, dont "le moindre vent" est ici unemétaphore. II.

Une divagation poétique 1.

Une invitation au voyage - Paris, ville géographiquement bien définie, ancrée dans un site précis, ce que rappelle le verbe bâtir (v.

2), devientau gré de l'imagination du poète, un voyageur qui parcourt le monde, quittant la protection du "port" pour semétamorphoser en "une île au large du Japon", bien que la comparaison atténue encore un peu l'irréalisme de cetteévocation ; mais le réel est totalement oublié dans l'effleurement du Mexique et dans l'envol dans le cosmos ; ayantlâché les amarres, Paris connaît des mouvements légers et libres ("s'éveille", "glisse doucement", "vagabonde" : effetdes sifflantes et des fricatives)- ce Paris voyageur nous offre toute la palette des charmes exotiques.

Paris condense le monde entier, un mondechaleureux, ensoleillé, pittoresque qui tourne le dos délibérément aux "brumes pesantes" : implicitement par le jeudes connotations ou explicitement, nous sont offertes la Polynésie ("île", "coraux", "les tortues géantes"), l'Asie ("leJapon"), l'Afrique ("la girafe", "les baobabs") les Amériques ("le Mexique", "les toucans") et ...

la côte d'Azur avec sesmimosas. 2.

Le charme de la fantaisie En malmenant la réalité, le poète multiplie avec humour les clins d'œil au lecteur:- l'humour de la personnification des choses : Paris "s'éveille", va "chez les étoiles" comme chez des amis, "se sentheureux" ; les corps célestes connaissent la hiérarchie des classes propres à notre terre : étoiles = pauvres (àcontre-emploi du reste de l'idée que nous nous faisons des étoiles), force du verbe mendier à la rime ; comètes =riches (champ lexical : "riches" / "sème" / "peuple")- humour d'un irréalisme affiché qui défie la raison : Paris "bâti sur les coraux", "les girafes de neige", "les mimosasbleus" ; la coordination d'éléments incompatibles : le baobab et le mimosa- l'humour des termes "comestibles" (cf.

dans le recueil "Poème comestible" : "Qui ne sait que les poèmes sontmangeables ?" La magie du vers 11 pour sa féerie de couleurs (la queue de la comète et le plumage multicolore destoucans) ; les effets de sonorités : elles sont poétiques, les allitérations en liquides du v.

5, ou en fricatives /dentales "Paris vagabonde / au moindre vent" ; ou cocasses : les labiales du v.7, le terme toucan... Dans un monde conformiste et matérialiste, Bosquet entend défendre les droits de la poésie et, dans un poème de laplus pure tradition surréaliste, il entend nous provoquer en nous offrant un Paris libéré du poids des conventions etde la laideur de la modernité...

A qui s'en offusquerait, Bosquet présente "la défense du poète" dans un sonnetportant ce titre :"Aligner quelques motsQui lâchent le réel pour un gramme d'azur,Est-ce dresser un paravent contre le mondeaffolé dans son bain, parmi l'écume noire?". »

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