Devoir de Philosophie

La péninsule ibérique par Didier Ozanam Directeur d'études à l'École Pratique des Hautes Études, Paris On ne saurait comprendre l'évolution de la péninsule Ibérique à l'époque moderne sans se référer à certaines données essentielles qui remontent à la fin du XVe siècle.

Publié le 05/04/2015

Extrait du document

La péninsule ibérique par Didier Ozanam Directeur d'études à l'École Pratique des Hautes Études, Paris On ne saurait comprendre l'évolution de la péninsule Ibérique à l'époque moderne sans se référer à certaines données essentielles qui remontent à la fin du XVe siècle. La première de ces données, c'est le geste décisif de la Castille dont la situation fait le partenaire privilégié de toute union ibérique. Elle peut la conclure soit avec le Portugal (c'est la perspective d'un avenir atlantique, colonial et marchand) soit avec l'Aragon (c'est l'entrée en Europe par la porte d'une Méditerranée en voie de décadence). Cette seconde solution prévaut et la politique matrimoniale des rois catholiques en accentuera encore les conséquences. La prépondérance castillane est une autre de ces données. Dans une union dynastique qui laisse leur autonomie aux royaumes concernés, le plus étendu, le plus riche et le plus peuplé d'entre eux, la Castille, va jouer par la force des choses un rôle dominant. C'est à elle que seront demandés les plus gros efforts en hommes et en argent. Mais c'est aussi à travers ses conceptions et ses problèmes que se dégagera une politique commune dont certains traits pèseront durablement sur le destin espagnol : ainsi les mesures d'unité religieuse - Inquisition, expulsion des juifs, émigration des conversos - aboutiront à priver le pays de ses éléments les plus aptes aux activités économiques et prépareront le blocage d'une société hypnotisée par la " pureté de sang " ; de mettre les dispositions en faveur de l'aristocratie en feront une puissance économique solidement appuyée sur les latifundia et le gros élevage, au détriment de l'agriculture. Avec sa noblesse et ses marranes, le Portugal connaît certes des problèmes analogues. Mais depuis son échec en Castille, il s'est avant tout lancé à corps perdu dans la grande entreprise coloniale, planifiée par ses rois et chantée par son plus illustre poète, Luis de Camoens. Sous Manuel le Fortuné (1495-1521) les voyages de Vasco de Gama et de Cabral préludent à la fondation de l'empire portugais d'Asie par Albuquerque, qui draine vers l'opulente Lisbonne une partie du richissime commerce des épices. Si le rythme de la conquête extrême-orientale faiblit sous Jean III (1521-1557) encore que les Portugais prennent pied en Chine et au Japon, évangélisé par saint Francois-Xavier - la colonisation du Brésil commence. Le jeune roi Sébastien préférera poursuivre en Afrique des chimères qui lui coûteront la vie. Les quelques décennies qui voient s'élever sur quatre continents un immense et fragile empire sont capitales pour le Portugal : en assurant sa prospérité marchande, elles renforcent définitivement la conscience qu'il a de son destin national. De l'aventure d'outre-mer, la Castille n'est pas absente, grave à l'obstination de Colomb et aux exploits d'une poignée de conquérants. Mais, si sincère que soit son intérêt pour le sort et la conversion des Indiens, elle considère surtout l'Amérique comme une source de richesses utilisables pour sa politique européenne. En effet, prisonnier des choix de ses prédécesseurs, Charles Quint (1516-1556) tourne le dos à l'Océan pour vaquer aux choses sérieuses, celles du continent où, par le jeu des héritages, il possède non seulement les royaumes espagnols avec leurs prolongements méditerranéens, mais aussi les États austro-bourguignons. Certes, c'est l'occasion pour l'Espagne, et en particulier la Castille, de s'ouvrir aux grands courants culturels qui agitent l'Europe : l'humanisme et l'érasmisme pénètrent dans les foyers intellectuels de Salamanque et d'alcalá. Mais l'élection de 1519 marque bien le caractère traditionnel des ambitions d'un prince qui se croit destiné à édifier enfin le Saint Empire. Pendant que, au-delà des mers, Cortés et Pizarro conquièrent le Mexique et le Pérou, en Europe, le vieux rave médiéval se heurte aux réalités d'un monde moderne en gestation : la France s'oppose à l'hégémonie impériale, la Réforme rompt l'unité de la Chrétienté, que menace par ailleurs l'expansion ottomane. Durant quarante ans, à la tête de troupes aguerries dont l'infanterie espagnole forme l'élite, Charles Quint s'épuise dans un combat gigantesque pour forcer le destin. Une série de succès souvent impressionnants lui permettent tout juste de contenir ses adversaires ligués entre eux pour mieux le combattre. Découragé, il partage ses États entre son frère et son fils et abdique. Délivré du poids de l'empire, Philippe II (1556-1598), loin de se replier sur ses royaumes, se voue à la mission de défendre et de propager à travers le monde la foi catholique dont le concile de Trente, fortement influencé par les théologiens espagnols, vient de donner une définition...

« par Didier Ozanam Directeur d'études à l'École Pratique des Hautes Études, Paris. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles