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Congrès mondial des opposants à la peine de mort

Publié le 17/01/2022

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21 juin 2001 FORTS de la disparition de la peine de mort sur leur territoire, à l'exception notoire de la Russie et de la Turquie, les Européens entendent adresser un message abolitionniste au monde entier, lors du premier Congrès international contre la peine de mort qui s'est ouvert, jeudi 21 juin, à Strasbourg. Un appel plus particulièrement dirigé vers les 87 pays qui maintiennent la peine de mort dans leur législation ou dans leur pratique. Le Congrès doit réunir jusqu'au samedi 23 juin des militants d'associations de défense des droits de l'homme, des parlementaires, des chercheurs et des juristes, dans l'enceinte du Conseil de l'Europe et du Parlement européen, afin de dresser un état des lieux de la peine de mort dans le monde et tenter de mettre sur pied des actions afin de parvenir à son abolition. D'anciens condamnés à mort graciés ainsi que des familles de victimes doivent également venir témoigner au cours des débats. Ouvert au public, le congrès sera relayé par des manifestations culturelles. Différents ateliers aborderont la question de la peine de mort par continent et examineront les stratégies mises en oeuvre pour aboutir à son abolition. Vendredi 22 juin sera une journée mondiale contre la peine capitale et une séance solennelle est prévue au Parlement européen, vendredi après-midi, avec l'intervention de grands témoins et la signature de l'appel solennel pour un moratoire par dix-huit présidents de Parlements des cinq continents. Une marche silencieuse aura lieu samedi en début d'après-midi dans les rues de Strasbourg. NOMBREUX SOUTIENS Pour sa première édition, le Congrès international de Strasbourg élargit donc nettement l'horizon de mobilisation de l'association organisatrice, Ensemble contre la peine de mort (ECPM) à l'origine du mouvement. Créée en octobre 2000, dans la foulée du succès du livre de Michel Taube et Benjamin Menasce, Lettre ouverte aux Américains pour l'abolition de la peine de mort, l'association luttait alors contre l'administration de ce châtiment aux Etats-Unis. Une cause autour de laquelle elle est parvenue à mobiliser de nombreux soutiens. « Nous sommes allés au-devant de tous les acteurs abolitionnistes afin de remédier à un déficit de crédibilité lié à notre jeunesse », témoigne Michel Taube, président d'ECPM. Outre le haut patronage accordé par Nicole Fontaine, présidente du Parlement européen, et Raymond Forni, président de l'Assemblée nationale, Robert Badinter a apporté son soutien lors du Forum européen qui a donné naissance à l'association. ECPM est ensuite parvenue à sensibiliser les médias et les organisations de défense des droits de l'homme comme Amnesty International, Penal Reform International ou la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) qui soutiennent désormais son action. Enfin, 500 000 personnes ont signé une pétition contre la peine de mort, laquelle a été portée par Catherine Deneuve à l'ambassade des Etats-Unis au lendemain de l'investiture de George W. Bush à la présidence américaine. Le succès de cette mobilisation en France peut, semble-t-il, surprendre, dans un pays qui s'apprête à fêter, en octobre, le vingtième anniversaire de l'abolition de la peine de mort sur son sol. « Le débat est loin d'être clos, même dans les pays qui l'ont abolie, explique Michel Taube, président d'ECPM. Il renvoie à d'autres questions que se pose tout individu vivant en société : qu'est-ce que la justice ? Qu'est-ce qu'une peine ? Que faire des grands criminels ? » A Amnesty International, on constate que « les Etats-Unis sont interpellés comme un symbole. La première des démocraties et principale puissance mondiale, qui donne le la dans de nombreux domaines, se doit d'être irréprochable ». UN « MIROIR AMICAL » Soixante-quatre pays ont prononcé au total 3 857 condamnations à mort en 1999 et 1 813 prisonniers ont été exécutés dans 31 pays au cours de la même année, selon des chiffres fournis par Amnesty International qui estime que ceux-ci sont inférieurs à la réalité. En 2000, l'association a recensé 1 457 exécutions, dont un millier en Chine et 85 aux Etats- Unis, qui devancent de peu l'Iran (75 exécutions) et l'Arabie saoudite (63). Après cette décrue enregistrée l'an dernier, le nombre d'exécutions serait de nouveau en hausse, selon l'organisation Hands off Cain qui a répertorié 1 290 exécutions depuis le 1er janvier, dont plus de 1 100 en Chine. Sergio D'Elia, secrétaire de cette ligue internationale contre la peine de mort, a précisé, à Rome où elle est basée, que 25 pays ont rejoint la liste des 124 nations qui ont, de droit ou de fait, aboli la peine capitale depuis la fondation en 1983 de Hands off Cain. Plusieurs parlementaires venus de pays non-abolitionnistes d'Amérique du Sud, d'Afrique ou du Japon vont s'associer aux activités du Congrès, mais aucun représentant des pays pratiquant le plus grand nombre d'exécutions ne sera présent à Strasbourg. Reste à savoir comment les pays qui pratiquent la peine de mort recevront cet appel. « Il faut éviter de prendre à rebours les populations de ces pays. Pour être efficace, notre message doit s'appuyer sur une justification morale », prévient Raymond Forni. Pour se prémunir contre toute critique stigmatisant une démarche moralisatrice de la part des Européens, ces derniers assurent vouloir éviter l'instauration d'un rapport accusateur avec les pays non-abolitionnistes et souhaiter leur tendre « un miroir amical », selon l'expression de Robert Badinter. AURORE GORIUS Le Monde du 22 juin 2001

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