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Critique de la raison pratique - Emmanuel Kant : Livre 1, chap. III

Publié le 22/02/2012

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Le respect  s'applique toujours uniquement aux personnes, jamais aux choses. Les choses peuvent exciter en nous de l'inclination  et même de l'amour, si ce sont des animaux (par exemple des chevaux, des chiens, etc.), ou aussi de la crainte, comme la mer, un volcan, une bête féroce, mais jamais du respect. Une chose qui se rapproche beaucoup de ce sentiment, c'est l'admiration, et l'admiration comme affection, c'est-à-dire l'étonnement, peut aussi s'appliquer aux choses, aux montagnes qui se perdent dans les nues, à la grandeur, à la multitude et à l'éloignement des corps célestes, à la force et à l'agilité de certains animaux, etc. Mais tout cela n'est point du respect. Un homme peut être aussi pour moi un objet d'amour, de crainte ou d'une admiration qui peut même aller jusqu'à l'étonnement et cependant n'être pas pour cela un objet de respect. Son humeur badine, son courage et sa force, la puissance qu'il a d'après son rang parmi ses semblables, peuvent m'inspirer des sentiments de ce genre, mais il manque toujours encore le respect intérieur à son égard. Fontenelle dit : “ Devant un grand seigneur, je m'incline, mais mon esprit ne s'incline pas ”. Je puis ajouter : Devant un homme de condition inférieure, roturière et commune, en qui je perçois une droiture de caractère portée à un degré que je ne me reconnais pas à moi-même, mon esprit s'incline, que je le veuille ou non, et si haut que j'élève la tête pour ne pas lui laisser oublier ma supériorité. Pourquoi cela ? C'est que son exemple me présente une loi qui rabaisse ma présomption, quand je la compare avec ma conduite, c'est qu'il m'est prouvé par le fait que l'on peut obéir à cette loi, et par conséquent la pratiquer. Or, je puis être conscient d'avoir en moi une égale droiture de caractère, le respect n'en subsiste pas moins. Car, toute bonté chez l'homme étant toujours imparfaite, la loi rendue visible par un exemple, humilie cependant toujours mon orgueil : car l'imperfection, qui pourrait bien aussi s'attacher à l'homme que je vois devant moi, m'étant bien moins connue que la mienne, il m'apparaît dans un jour plus pur et me sert de mesure. Le respect  est un tribut  que nous ne pouvons refuser au mérite, que nous le voulions ou non ; si nous pouvons ne pas le laisser paraître extérieurement, nous ne pouvons nous empêcher cependant de l'éprouver intérieurement.

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