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Grand cours: CONSCIENCE & INCONSCIENT (d de j)

Publié le 22/02/2012

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conscience

II) LE PROBLEME DE L'IDENTITE PERSONNELLE

- Questions aux élèves, exercice préparatoire :

1.     Lorsque nous regardons une photographie de nous lorsque nous étions enfants, nous constatons les multiples changements physiques qui attestent du vieillissement et du changement, à telle enseigne qu'il nous est parfois difficile de nous reconnaître. Qu'est-ce qui, pourtant, nous permet d'affirmer que, malgré ces changements manifestes, c'est la même personne – moi – qui demeure ? Donnez d'autres exemples où la question de l'identité semble se poser.

2.     Si je vous demande : " Qui êtes-vous ? ", que me répondez-vous ?

3.     En admettant la possibilité de dupliquer parfaitement un être humain, d'en faire un ou plusieurs " clones ", l'identité personnelle demeure-t-elle pour autant ?

Þ Problématique : que répondre à la question : " Qui suis-je ? " Existe-t-il quelque chose qu'on appelle le moi, qui resterait permanente ou constante dans le temps et qui résisterait aux changements multiples qui nous affectent ?  Dans l'affirmative, quelle est la nature de ce moi ? Que pouvons-nous véritablement connaître de nous-même, si tant est qu'il y ait réellement quelque chose à connaître ?

A) LA QUESTION DU MOI

1.     Le jugement d'identité

- Par identité, il faut entendre le caractère de ce qui est le même, bien qu'il puisse être perçu, représenté ou nommé de manières différentes. Il s'agit d'abord du problème fondamental et constant de la perception : celui de la reconnaissance des choses perçues dans des contextes et des temps différents : l'eau d'un fleuve s'écoule continuellement mais le fleuve demeure le même, les cellules de notre corps se sont plusieurs fois renouvelées mais notre corps, qui a changé et changera encore,  est le même que celui que nous avions enfant. Il s'agit aussi du fait banal qu'un homme reste le même homme, que son identité est continue et permanente.

- L'identité désigne la résistance au changement, c'est-à-dire la permanence ou la constance dans le temps : tous les constituants d'une chose peuvent changer, l'identité ne change jamais.

- D'où l'idée que l'on pourrait faire passer entre les événements éparpillés dans la vie d'un homme un fil invisible par lequel on rattache ces événements à la même personne dont l'existence se poursuivrait identique à elle-même à travers la bigarrure des impressions sensibles. Autrement dit, la notion d'identité renvoie à l'idée d'un être ou d'une existence continue, à celle de chose (ou de substance) et son symétrique, l'idée du moi.

- Par chose ou substance, il convient d'entendre un pôle identique ou permanent de variations et de changements successifs. Une chose est ce qui peut changer d 'aspect, une substance peut recevoir une diversité changeante d'accidents, sans que la chose ou la substance change elle-même et devienne une autre chose. Par substance, il faut entendre ce qui demeure sous les changements de qualités. Alors que la substance est ce qui subsiste en soi et par soi, l'accident est ce qui peut s'affirmer d'un sujet, mais n'est ni nécessaire ni constant.

- On peut dès lors rattacher cette définition de la substance ou de la chose au Moi qui jouerait le rôle d'une entité irréductible, d'un pôle auquel se rattacherait toutes les représentations du sujet et qui constituerait par là même un principe d'identité. Définissons le Moi comme la conscience de la permanence et de l'unité des divers états affectifs, intellectuels, successifs.

2.     La substance pensante

- C'est dans et par l'exercice du doute que  Descartes va mettre en évidence le caractère irréductible et fondamental de la conscience. Descartes entend reconstruire le monde de la connaissance en un moment culturel de doute et de crise. En quête du vrai, c'est-à-dire d'une certitude inébranlable, Descartes cherche à discerner ce qui est indubitable et se propose pour cela de réévaluer les connaissances en leur principe même.

- Il commence par considérer comme faux tout ce en quoi il pourrait imaginer le moindre doute. Le doute est le commencement obligé de la philosophie. Non plus le doute sceptique, passif, sans issue, mais le doute actif, méthodique, c'est-à-dire l'examen critique destiné à faire table rase des superstitions, des dogmes, des préjugés. Avant de rechercher la vérité, il faut d’abord purger l’esprit de nos préjugés installés par les nourrices, les éducateurs et les opinions douteuses attachées aux sens. L'examen critique est un acte de liberté, il est l'affirmation de la possibilité de juger par soi-même.

- Dans l'expérience du doute, je me découvre moi-même comme ce qui résiste au néant, comme un subsistant, un reste, ce qui résiste en dernier appel, par delà toutes les destructions que l'on peut tenter.

- En effet, une fois que j'ai douté de tout, y compris de moi-même, apparaît une première certitude : je peux douter de tout, mais je ne peux douter de la condition inhérente à l'acte même de douter; il faut bien que moi qui me persuade que je rêve ou que je suis fou, moi qui veux douter, je pense et que je sois ou j'existe, justement pour pouvoir penser. Au moment où je doue, je pense et au moment où je doute, je suis.

- En clair, l'existence de la pensée est avérée par son activité même. Mon inexistence est impensable au présent. Si je n'existais pas, je ne pourrais pas penser, pas même mon inexistence : " Pour penser, il faut être; or je pense, donc je suis ". Si Je suis, j’existe, et ceci, pour autant et aussi longtemps que je pense. Même si toutes mes représentations sont fausses, elles ne cessent pas pour autant d'être mes représentations. Même si je pense le faux, je pense  effectivement : le "je pense" conditionne le doute lui-même; il est hors de doute parce qu'il est hors du doute.

- Descartes passe donc de la considération de la vérité ou de la fausseté des représentations à leur caractéristique commune d'être des représentations, c'est-à-dire des événements mentaux connus d'une conscience. La conscience apparaît comme donc comme la condition nécessaire de toute représentation : il n'y a de représentation et de doute possibles que dans et pour une conscience.

- A la question : " Mais qu'est-ce donc que je suis ? ", Descartes répond : " Une chose qui pense ". Or, pourquoi la pensée, selon Descartes, relève-t-elle de la catégorie de la "chose", de la substance, avec le modèle matériel que cela comporte ?

- La pensée est un attribut essentiel du "Je". Cet attribut essentiel, Descartes le nomme "substance", dans la mesure où il suffit à définir le moi. Le "Je" est la substance pensante, c'est-à-dire l'âme ou l'esprit. Cette conscience est réalisée dans une chose, un être, doté d'une essence (la pensée) et d'une existence propres. Il s'agit d'une substance, condition sine qua non de la conscience. La substance est ce sans quoi rien ne peut ni être ni être conçu; la substance subsiste par sa propre nature. L'attribut essentiel de la substance pensante est la pensée et ses modes sont l'imagination, la sensation, le raisonnement, la volonté.

- Le réel existe sous deux formes : la substance étendue (matière : corps, phénomènes physiques, monde) et la substance pensante (esprit ou âme, pensée). L’âme est pensée, c’est-à-dire conscience ; donc tout phénomène psychique est nécessairement conscient ; la conscience ou pensée est l’essence même de la vie psychique. Ainsi un comportement humain trouve-t-il sa source ou bien dans le corps (mécanisme corporel, involontaire) ou bien dans l’esprit (processus intentionnel, volontaire). Comme la pensée est identifiée à la conscience, tout ce qui en moi échappe à la pensée, à la conscience, appartient au corps et s’explique, par conséquent, par des mécanismes physiologiques.

- La pensée se définit par la conscience et n'existe comme pensée que pour autant qu'elle est consciente : " Par le mot de penser, j’entends tout ce qui se fait en nous de telle sorte que nous l’apercevons immédiatement par nous-mêmes ; c’est pourquoi non seulement entendre, vouloir, imaginer, mais aussi sentir est la même chose ici que penser." (Descartes, Article 9 des Principes de la philosophie), " Par le nom de pensée, je comprends tout ce qui est tellement en nous que nous en sommes immédiatement connaissants " (Réponses aux secondes objections).

- Penser, c’est savoir que l’on pense, sinon on ne pense pas du tout. Etre conscient ou penser, c’est simultanément et indissolublement, penser à quelque chose et savoir qu’on y pense. Il faut noter aussi, pour comprendre l’apparent paradoxe qui consiste à dire que sentir, c’est aussi penser, que c’est l’aperception immédiate qui permet de définir l’ensemble des actes de la pensée. On pourrait renverser la formule et dire : on a affaire à la pensée ou à la conscience chaque fois qu’il y a aperception immédiate de quelque chose qui se passe en moi. Ainsi, digérer n’est pas penser, parce que si cela se passe en moi, je n’en ai aucune aperception immédiate. Mais sentir, c’est bien penser parce que j’en ai une aperception immédiate.

- Si nous avons des pensées inconscientes, c’est-à-dire des pensées que nous ne connaissons pas, comment pourrions-nous savoir que nous les avons ? Si quelque chose affecte notre esprit sans que nous le pensions, en ignorant que c’est en notre esprit, ce n’est en rien de la pensée. La pensée consciente est la pensée présente à l’esprit à l’instant où il pense. Les autres pensées ne sont pas des pensées actuelles, mais des pensées passées, c’est-à-dire des pensées qui ont existé mais qui, présentement, n’existent plus. Il n’y a pas non plus de pensée latente, possible, virtuelle. Le “je pense” n’est légitime qu’au présent de l’indicatif.

- Ainsi, l'automate le plus semblable à l'homme ne pourrait jamais rapporter ses "pensées" à l'unité du " Je pense ". En ce sens, il ne peut exister de "machine pensante" : un automate parlant ne pense pas ce qu'il dit, et c'est du reste pourquoi il faut le programmer. Et c'est pour cela que la conscience, qui caractérise toute pensée, ne dérive pas du mécanisme.

3.     Conclusion

- La conscience se découvre donc d'abord elle-même comme une réalité en soi dont l'évidence, incontestée, résiste à tous les efforts du doute. Je suis assuré d'être grâce à la conscience que j'ai d'être une chose qui pense : le simple fait du " Je pense " appelle un " Je suis ". Or, si de tout ce que je fais, je peux dire que c'est moi qui le fais, le moi est-il pour autant quelque chose qui existe à part ou pour lui-même ? Désigne-t-il réellement une substance ? Faut-il conclure, en somme, à l'existence de quelque chose comme une "subjectivité" ?

 

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