Grand cours: LE DROIT (4 de 16)
Publié le 22/02/2012
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C) L’IDEE DE DROIT NATUREL ET LE CONTRAT SOCIAL
- Si le droit ne se réduit pas au respect des lois, cela revient à admettre qu’au-dessus des lois, du droit positif, il existe un droit supérieur qui doit l’emporter. Trois sources de légitimité vont être examinées : Dieu (théories de droit divin contre lesquelle les théories du droit naturel moderne se sont élevées), la nature (droit naturel antique), le peuple (droit naturel moderne). La question est alors de savoir d’où vient ce droit naturel, quel est son contenu ou son critère. Nous insisterons surtout sur le droit naturel moderne et sur les théories du contrat social que nous rencontrerons également dans les cours sur la liberté et l’Etat.
1) LE DROIT DIVIN
- Dans la conception de droit divin (celle, par exemple, de la monarchie française de l’Ancien Régime) ou dans celle de nombreux peuples, Dieu est considéré comme la source et le fondement uniques du droit. Le pouvoir, en ses origines, se fonde dans le Sacré. Le Sacré, insufflant dans le pouvoir la permanence de la vie de l’Esprit, la pérennité d’une Essence éternelle, s’efforce d’enraciner le pouvoir dans la continuité et la durée
- La plupart des peuples anciens sont persuadés que leurs lois viennent d’une autorité surnaturelle ou transcendante : ancêtres et fondateurs mythiques, divinités diverses et innombrables, etc. Les Lois de Manou en Inde, la Torah chez les Juifs, la Bible chez les chrétiens, le Coran chez les musulmans sont censés être l’expression d’un ordre transcendant pris dans les deux sens de l’organisation et du commandement ; et ces textes considérés comme sacrés disent la loi.
- Exemple : Moïse reçoit de Dieu, sur le mont Sinaï, les Dix Commandements, gravés sur la pierre, - commandements qui sont la Loi fondamentale de son peuple. L’injonction « Tu ne tueras pas « relève ainsi d’un interdit divin. De sorte que la Loi est considérée comme divine et, à ce titre, elle est absolue, transcendante et éternelle.
- De même, l’Islam, à la fois religion et ordre social, propose une théorie du pouvoir et de l’autorité. L’Islam, nom de la religion prêchée par Mahomet, se fonde sur le Coran, le Livre Saint, la Parole de Dieu, le message révélé à Mahomet (570-632). Il s’agit, dans la pensée coranique, de rattacher le pouvoir à Dieu : « obéissez à Dieu, obéissez à l’envoyé «. D’où une problématique centrale, tout particulièrement dans le monde contemporain : en terre d’Islam, l’autorité doit-elle se relier au principe religieux ou se fonder laïquement ? Les réponses sont diverses : certains affirment le pouvoir dans une perception laïque, démontrent que l’Islam désigne un message purement religieux et ne doit surtout pas se mêler des affaires de la cité (le théologien égyptien Ali Abderraziq); d’autres, les intégristes contemporains, voient dans l’Islam l’unique source de l’autorité : s’impose l’idée de la souveraineté de Dieu sur terre; le clergé exercera une sorte de vice-royauté dans le monde (selon la tradition chiite, après la disparition du dernier imam , en 874, le monde est entré dans une période durant laquelle le pouvoir politique doit être dévolu aux théologiens).
- Dans les sociétés archaïques, le pouvoir se trouve sacralisé en profondeur. Chez les Mossi de la Haute-Volta, par exemple, le souverain symbolise tout l’univers et seule la force reçue de Dieu permet l’exercice de la domination. C’est une puissance sacrée qui confère la capacité de gouverner. De même, les Tiv, peuple du Nigeria, opèrent une liaison entre le swèm et le pouvoir : « tout pouvoir légitime requiert la possession du swèm, capacité d’être en accord avec l’essence de la création et d’en maintenir l’ordre; ce terme connote plus largement les notions de vérité, de bien, d’harmonie « (G. Balandier, in Anthropologie politique).
- Dans les sociétés historiques occidentales (la société française de l’Ancien régime, par exemple), le pouvoir procède de Dieu et s’enracine dans le Sacré. Le roi est, dans la monarchie de droit divin, le représentant de Dieu sur terre. Le fondement divin fournit au pouvoir une référence absolue et stable, face au devenir des choses. Dieu, immuable, se reflète dans le pouvoir et lui apporte une assise éternelle, comme nous le signale Bossuet : « La puissance de Dieu se fait sentir en un instant de l’extrémité du monde à l’autre : la puissance royale agit de même dans tout le royaume. Elle tient tout le royaume en état, comme Dieu y tient tout le monde. Que Dieu retire sa main, le monde retombera dans le néant : que l’autorité cesse dans le royaume, tout sera en confusion… «. L’Epître de Paul aux Romains, dans le Nouveau Testament, exprime, à l’origine, cette référence sacrée, cette vue faisant du Prince un ministre de Dieu : l’homme-roi est envoyé de Dieu, pour le bien de l’Etat, et toute autorité, transcendant les hommes, devient, dès lors, sacrée et absolue.
- La dimension religieuse a toutefois régressé. La laïcisation du pouvoir a, depuis la fin du XVIIIe siècle, contribué, en Occident, à faire se distendre la liaison entre le pouvoir et le Sacré. Dans nos sociétés contemporaines, de nouveaux fondements se substituent au Sacré. Le pouvoir va se légitimer et se fonder autrement, notamment, comme nous allons le voir, avec les théories modernes du droit naturel et du contrat social.
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