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Il faut donc éviter le catastrophisme et distinguer ce média en lui-même des structures qui s'en servent au lieu de le ser­vir

Publié le 29/03/2015

Extrait du document

Le sujet invite ensuite à élargir la notion d'engagement et donc à entrer dans la problématique de la citation El : en agissant sur les formes, l'auteur agit sur les sensibilités et indirectement sur la société.

IV

Aimé Césaire écrit dans Cahier d'un retour au pays natal: «Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du désespoir... «

Analysez ces propos et dites, en appuyant votre argumentation sur des exemples précis, quel rôle vous attribuez à l'écrivain.

111> Nous ne sommes pas très loin des sujets précédents. Cependant, il est possible de noter des différences.

Il y a parfois chez l'écrivain engagé un côté «Je pense pour vous «. Songeons à la fameuse formule : « Le peuple ne sait pas qu'il est malheureux ; nous le lui apprendrons.« Ici Césaire ne se propose que d'exprimer ce que d'autres res­sentent. Il est comme un « écho sonore «, pour emprunter cette expression à Hugo (mais qui donnait un sens plus large à l'expression : écho sonore de l'univers tout entier).

Parmi les écrivains prophètes, il faudrait distinguer ceux qui professent et ceux qui profèrent.

V

«Il n'y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien; tout ce qui est utile est laid, car c'est l'expression de quelque besoin, et ceux de l'homme sont ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et infirme nature«, écrivait Th. Gautier. Que pensez-vous de ce jugement?

Vous direz, en particulier, en empruntant vos exem­ples à vos propres lectures, quelle utilité vous reconnaissez aujourd'hui à la littérature.

Théophile Gautier (1811-1872) exprime ici un point de vue radicalement différent de ceux contenus dans les sujets précédents. Il était partisan de «l'art pour l'art«.

On pourrait articuler le devoir en trois parties :

1.  Évocation de la thèse adverse (la thèse traditionnelle de l'engagement : cit. 13 et aussi H).

2.  Le point de vue de Gautier et de ceux qui ont été dans le même sens (parnassiens, Mallarmé, Valéry).

3.  Non pas une conciliation mais un dépassement de ces deux points de vue antagonistes : idée selon laquelle le créa­teur renouvelle les formes et, en cela, contribue, via l'action sur les sensibilités, à modifier l'ordre ancien (citations 13 et H).

VI

« La littérature est parfaitement inutile : sa seule utilité est qu'elle aide à vivre.«

Claude Roy, Défense de la littérature (Chap. XII, « L'utile inutile «).

En vous fondant sur votre expérience de lecteur, vous vous interrogerez sur la portée de cette affir­mation.

Le correcteur sait à l'avance qu'une partie des candidats va se fourvoyer. Ceux qui ont une « tartine « toute prête sur l'engagement vont assimiler «aider à vivre « et « obtenir une vie meilleure «. Mais il faut toujours lire la totalité du sujet avec attention. Le titre du chapitre, «L'utile inutile «, pouvait conduire à écarter une interprétation trop simple.

Claude Roy considère peut-être ici la littérature dans ce qu'elle apporte au créateur. Le sujet pouvait soit envisager

ce point de vue soit se placer du point de vue de « consom­mateur «. Le libellé du sujet «En vous fondant sur votre expérience de lecteur « pousse un peu dans ce sens.

Il existe de nombreuses manières de comprendre en quoi la littérature «aide à vivre «.

1.  L'ÉVASION.

On distingue parfois la littérature d'évasion (littérature de divertissement jugée superficielle) et la grande littérature. Mais toute littérature est d'évasion. Elle nous sort du quoti­dien et de nous-mêmes. Quand nous lisons des grandes oeuvres, tout aussi bien qu'à l'occasion d'autres lectures moins relevées, nous oublions nos propres problèmes pour prendre en charge ceux des personnages ou de l'auteur.

2.  UNE EXPÉRIENCE DE LA VIE.

Nous pouvons découvrir la vie par personnages interposés. On pourrait comparer cette expérience à celles que les mili­taires tirent des manoeuvres. Il s'agit d'une guerre mimée mais dont il est possible de retirer un enseignement.

3.  LA PURGATION DES PASSIONS. Voir la citation H sur la catharsis.

On peut suivre d'autres pistes. La littérature, comme la peinture, nous aide à découvrir la beauté du monde. Elle peut aussi rapprocher les hommes en leur faisant prendre conscience d'une communauté de destin. Elle peut encore aider à vivre en aidant à relativiser et à considérer les choses avec une certaine altitude.

VII

Un écrivain contemporain écrit : «Notre Société [...] a peu à peu insinué dans le cerveau de nos élèves l'idée que la littérature ne tendait qu'à poser des problèmes actuels, comme les "Dos­siers de l'écran", ne servirait qu'à transmettre des informations profitables comme la défense

du consommateur. Un bon livre, en somme, serait un livre utile, centré sur une question du jour. Un bon livre serait un bon dossier, un bon bilan.

(Le Monde de l'Éducation, octobre 1981)

La valeur d'une oeuvre littéraire tient-elle à ce qu'elle traite de sujets utiles en relation avec les préoccupations du moment?

Vous fonderez votre réflexion sur des exemples précis qui pourront être tirés des romans, pièces de théâtre, poèmes que vous avez lus ou étudiés.

111> On voit bien le lien entre ce sujet et ceux qui précèdent. Cependant, l'établissement d'un lien littérature-préoccupa­tions du moment est une perspective beaucoup plus géné­rale que l'engagement politique tel qu'il a été vu ci-dessus.

Il faudrait assez vite en venir à l'idée que la qualité d'une oeuvre littéraire (comme d'un tableau) ne tient pas vraiment à son sujet. Tout est dans la manière.

Pour bien traiter ce sujet, il faudrait, en fait, bien mettre en place l'opposition entre la fonction référentielle du langage et sa fonction poétique. Dans la fonction référentielle, la langue ne sert qu'à véhiculer une information. C'est à cette conception de la langue que se limitent ceux pour qui un bon livre équivaut à un bon dossier. Mais la littérature ne com­mence que lorsque entre en jeu la fonction poétique (mise en oeuvre des multiples possibilités de la langue — et pas seu­lement de l'aptitude à véhiculer un sens — dans le but de produire un effet esthétique). Se limiter à l'information revient donc tout simplement à passer à côté de la littérature.

VIII

«Tout passe. — L'art robuste

Seul a l'éternité;

Le buste

Survit à la cité. «

En prenant appui sur des exemples précis, em­pruntés aux formes d'art que vous connaissez, vous expliquerez ces vers de Théophile Gautier, et vous vous interrogerez sur les rapports de l'art avec le temps, par exemple sur les problèmes de mode, de modernité, d'actualité.

111. Nous sommes tout à fait avec ce sujet dans la perspec­tive de la citation Cl. L'oeuvre est ce qui dure par opposition au caractère éphémère des autres activités. Ce thème de la postérité a été cher aux poètes de tous les temps (Antiquité, Renaissance, romantisme, etc.).

On insiste souvent sur le caractère éphémère de la mode (Valéry disait : «La mode, c'est ce qui se démode. «). Même chose pour la modernité et l'actualité. On oppose souvent l'effet vif et immédiat de la prose journalistique centrée sur l'événement à son caractère éphémère.

Pourtant, pour aller en profondeur, il faut reprendre la pro­blématique du sujet précédent : ce qui compte, ce n'est pas la matière, mais la manière. Certains journalistes ont sur­vécu alors que nombre d'écrivains ont sombré dans l'oubli.

Pour ce qui est de la durée, on peut reprendre cette idée de l'oeuvre ouverte et donc susceptible de plusieurs interpréta­tions déjà vues plus haut. Lire L'CEuvre ouverte (Seuil) de Umberto Eco et voir citation E.

IX

Paul Valéry a écrit : « Le sujet d'un ouvrage est à quoi se réduit un mauvais ouvrage. «

A partir d'exemples précis, vous vous demanderez en quoi consiste l'intérêt d'une oeuvre littéraire. Se limite-t-il à l'anecdote, ou fait-il intervenir, ainsi que le suggère Valéry, d'autres éléments?

On pourra se reporter à ce que nous disons dans l'étude des deux sujets précédents sur l'importance respective de la

manière et de la matière, de la fonction référentielle et de la fonction poétique, du style et de l'information transmise. Voir aussi D.

Maupassant, dans ses réflexions sur les salons, s'amuse de constater que le public ne s'intéresse qu'à ce qui est secon­daire, c'est-à-dire au sujet. Parlant des grands peintres, il ajoute : « C'est par ces hommes que nous avons enfin com­pris combien le sujet a peu d'importance dans la peinture et combien la beauté particulière, la beauté intime et inexpli­cable d'une oeuvre d'art diffère de ce que l'oeil humain, l'oeil ignorant, est accoutumé à trouver beau. «

X

Parlant vers 1960 des dangers de la télévision, Louis-Ferdinand Céline exprime l'opinion sui­vante :

«Personne ne pourra empêcher maintenant la marche en avant de cette infernale machine. Adieu travail! Demain, on pensera sans effort, puis on ne pensera plus et on crèvera enfin de la plus triste vie.«

Au cours d'une réflexion organisée, vous vous demanderez si la télévision, parce qu'elle aide à penser «sans effort«, est, comme le suggère Céline, une source d'abêtissement et d'ennui.

le> On s'accorde sur le fait que la bonne littérature puisse avoir une fonction d'éveil. Elle développe l'esprit critique, ouvre l'esprit, contribue à la vivacité de l'intelligence.

Un discours convenu veut que la télévision ait sur les esprits une action tout à l'opposé. Elle anéantirait l'esprit critique, endormirait l'intelligence, supprimerait l'effort et donc abê­tirait. Depuis un demi-siècle, les enseignants, s'appuyant sur des textes mille fois ressassés de Duhamel ou de Mau­rois, répètent à satiété ce discours éculé. Récemment, Fran­çois Brune — Le Bonheur conforme (Gallimard), Les

Médias pensent comme moi (L'Harmattan) — a repris ce flambeau fumeux.

Il est possible que les enseignants défendent leur pré carré face à un média perçu comme une menace. Toujours est-il que ce sont eux qui vous corrigent. Avec un sujet de ce type, vous êtes donc tiraillés entre la prudence et la sincérité. La prudence voudrait qu'après quelques concessions aux médias, le développement soit tout à la gloire de la littéra­ture (la grande bien sûr). La sincérité vous inclinerait peut-être à un autre discours.

Les moeurs ont cependant un peu changé et on peut prendre aujourd'hui le risque de ne pas dire que du mal de la TV. Pourtant, il faudra bien distinguer ce qu'elle est souvent (effectivement une entreprise de décervelage), ce qu'elle est parfois (stimulante, source de beauté, ouverture sur le monde) et ce qu'elle pourrait être (un merveilleux outil de culture).

 

Il faut donc éviter le catastrophisme et distinguer ce média en lui-même des structures qui s'en servent au lieu de le ser­vir

On voit bien le lien entre ce sujet et ceux qui précèdent. Cependant, l'établissement d'un lien littérature-préoccupa­tions du moment est une perspective beaucoup plus géné­rale que l'engagement politique tel qu'il a été vu ci-dessus.

Il faudrait assez vite en venir à l'idée que la qualité d'une oeuvre littéraire (comme d'un tableau) ne tient pas vraiment à son sujet. Tout est dans la manière.

 

Pour bien traiter ce sujet, il faudrait, en fait, bien mettre en place l'opposition entre la fonction référentielle du langage et sa fonction poétique. Dans la fonction référentielle, la langue ne sert qu'à véhiculer une information. C'est à cette conception de la langue que se limitent ceux pour qui un bon livre équivaut à un bon dossier. Mais la littérature ne com­mence que lorsque entre en jeu la fonction poétique (mise en oeuvre des multiples possibilités de la langue — et pas seu­lement de l'aptitude à véhiculer un sens — dans le but de produire un effet esthétique). Se limiter à l'information revient donc tout simplement à passer à côté de la littérature.

« Autres sujets commentés/ 87 plus populaire de Sartre est Huis clos qui n'est en rien une œuvre engagée.

Sur l'opposition entre propagande et littérature, l'anecdote qui suit est éclairante.

La pièce d'Ionesco, Rhinocéros, devait être jouée en URSS.

Mais on demanda à Ionesco quelques modifications pour que le public comprenne bien qu'il s'agissait du fascisme.

Ionesco s'y refusant, le spec­ tacle fut annulé.

Il Quand dit-on d'une œuvre littéraire qu'elle est engagée? Vous appuierez votre réflexion sur l'analyse d'exem­ ples précis, sans vous limiter nécessairement à la seule littérature .

....

Même sujet que précédemment.

Arrêtons-nous cepen­ dant sur le libellé du sujet : - «Quand dit-on ...

» : il faut donc commencer par un exposé sur l'état de la question dans lequel on se contente de rendre compte.

Le point de vue personnel viendra ensuite.

- «Vous appuierez votre réflexion sur l'analyse d'exem­ ples précis.» Comme c'est souvent le cas, celui qui donne le sujet veut éviter le bavardage vaseux ou la régurgitation d'un manuel quelconque.

C'est un point qui revient constamment dans les sujets et c'est pourquoi nous ne crai­ gnons pas nous-même d'y revenir.

Ici les exemples ne manquent pas: Ronsard, d'Aubigné, Voltaire, Lamartine, Hugo, Zola, Sartre, Camus, Mauriac, Césaire, Neruda, Soljenitsyne, Havel, etc., pour ce qui est de l'engagement.

Gautier, les parnassiens, Flaubert, les symbolistes, Valéry et de nombreux écrivains contempo­ rains pour une séparation des domaines.

Ceux qui connaissent les surréalistes pourraient évoquer. »

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