Devoir de Philosophie

K. GOLDSTEIN: La liberté engagée dans le choix de ses nouvelles conditions d'exercice.

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

Une connaissance sans action n'est pas une connaissance; une action sans connaissance n'est pas une action; les deux naissent l'une par l'autre — en se vérifiant mutuellement. en étant adéquates à l'être, en ne troublant pas l'être et en le conservant dans ses opérations; pour le médecin, — pour parler concrètement — la connaissance et l'action naissent l'une par l'autre en tant qu'elles sont propres à aider l'homme vivant à conserver son essence dans la mesure du possible. Cette connaissance-action exige une libre décision en raison du caractère toujours inachevé de la connaissance biologique. C'est ici que se révèle l'importance du point de vue de la totalité dans la signification particulière qu'il revêt en médecine, dans les rapports entre médecin et patient. S'il faut attacher à la récupération de la santé la signification d'une perte d'essence, c'est que de l'autre côté, la dépendance à l'égard de l'environnement a augmenté, la liaison avec les phénomènes du monde extérieur s'est faite plus étroite; il y a déclin d'une activité multiforme vivante vers une activité plus rétrécie, plus dépendante, plus mécanique; le processus structuré de manière personnelle, unique, s'est dégradé en un processus plus général et davantage déterminé par les lois causales; en bref, il s'agit d'une perte de liberté. Mais cela veut dire aussi que la décision du médecin porte toujours atteinte à la liberté d'autrui. Par là, tous les problèmes soulevés par le concept de liberté entrent dans le domaine de la pratique médicale; ce qui entraîne d'autant plus de difficultés que la libre décision du patient lui-même ne doit pas être négligée lors du traitement. Souvent le patient se trouve devant une alternative suivant les modifications provoquées par la maladie, il peut ou bien choisir un rétrécissement du milieu et, par là, subir une perte de liberté, ou bien il peut choisir un rétrécissement moindre, mais en revanche, prendre à son compte une souffrance plus grande. Si le malade est capable de supporter une souffrance plus grande, ses possibilités d'agir augmentent; sa souffrance diminuerait grâce à la thérapeutique médicale, mais ses possibilités d'agir diminueraient en même temps. Il a le choix entre une liberté moindre ou une souffrance plus grande. Et il est bien clair qu'il ne s'agit pas ici d'une alternative superficielle, mais d'un choix qui touche aux profondeurs métaphysiques. Souvent, ce n'est qu'à ce moment que l'homme malade apparaît tel qu'il est. Et, dans ces conditions, est-il encore possible au médecin de conseiller ou même de guider? En tout cas, il ne sera en état de le faire que s'il a la profonde conviction qu'il ne s'agit pas, dans le rapport médecin-patient, d'une situation fondée uniquement sur une connaissance du type de la causalité, mais qu'il s'agit d'un débat entre deux personnes où l'une veut aider l'autre à acquérir une structuration aussi conforme que possible à son essence. C'est par la mise en relief du rapport personnel qui existe entre médecin et patient que le point de vue médical moderne s'oppose de la façon la plus nette à celui des médecins de la fin du siècle dernier, qui avaient des habitudes de penser propres aux sciences physiques. Il nous semble souvent que le médecin se contente de modifier quelque chose au somatique ou au psychique du patient; il n'empêche qu'il doit rester conscient du fait suivant — et il le sera toujours s'il travaille dans la perspective d'étude qui, comme la nôtre, a pour objet la totalité : toute modification, même si elle ne semble que très superficielle, affecte l'être intime du malade si elle doit produire son effet et, du fait même qu'elle est le fruit d'une libre décision, elle porte atteinte à la liberté d'autrui. Ainsi l'action ne nous conduit pas seulement à un approfondissement de la connaissance par le contrôle que les effets de cette action nous permettent d'exercer sur les représentations que nous nous faisons des phénomènes particuliers; mais elle conduit encore à un approfondissement de la compréhension de l'essence de l'organisme avec lequel nous avons affaire; dans le cas de l'homme, l'impossibilité de comprendre autrement les phénomènes qui se passent chez le malade nous conduit à un trait particulièrement important de l'essence de l'homme, à savoir la possibilité et la nécessité pour l'homme de prendre des décisions librement. K. GOLDSTEIN

Liens utiles