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Le bogue de l'an 2000, problème international majeur

Publié le 17/01/2022

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17 mai 1998 - Les membres du G 8 réunis à Birmingham ont estimé, dimanche17 mai 1998, que le bogue de l'an 2000 constitue " un problème majeur pour la communauté internationale " . Les pays les plus riches du monde ont donc décidé de prendre des mesures pour " prévenir les dysfonctionnements à brève échéance et à plus long terme " . Ils n'ont toutefois pas donné de précisions sur la nature des actions envisagées. Cette prise de conscience arrive tardivement. Moins de six cents jours avant l'échéance, l'évaluation des effets potentiels du bogue sur le fonctionnement de l'industrie et des services reste incertaine. Cette bombe à retardement fonctionne comme un grain de sable capable de bloquer la machine informatique. Elle a pris sa source dans les années 70 et 80, au moment où la puissance des ordinateurs était encore limitée, en particulier par la capacité de leur mémoire vive. Afin de réduire au minimum les besoins dans ce domaine, les programmeurs avaient décidé de n'utiliser que les deux derniers chiffres de l'année (98 pour 1998) lorsqu'ils introduisaient une date dans leurs calculs. A l'époque, personne n'imaginait que la durée de vie de ces logiciels dépasserait la fin du siècle. Le 31 décembre 1999 à minuit, ces programmes verront donc apparaître la date 00. Et les années suivantes auront pour valeur 01, 02, 03... Les calculs utilisant ces chiffres seront alors faussés. En effet, une soustraction entre l'an 2003 et l'année 1998 donnera pour résultat 95 au lieu de 5... D'autres programmes confondront l'an 2000 avec l'année 1900 ou 1980, selon les conventions adoptées lors de leur écriture. Les conséquences seront multiples. Certaines machines s'arrêteront de fonctionner, car leur logiciel de commande détectera un retard dans les actions de maintenance, par exemple. La gestion des crédits bancaires ou de la paye des employés sera perturbée. Les réservations aériennes ou ferroviaires, la distribution automatique de billets de banque, les pompes à essence ou l'alimentation en courant électrique pourraient être affectées. Aucune fatalité néanmoins. Les solutions techniques existent. Il " suffit " de corriger les logiciels comportant ce défaut : une tâche énorme en raison des millions de lignes de programmes utilisées par les entreprises et de leur dispersion. L'ampleur du sinistre " an 2000 " sera lié au nombre des sociétés qui n'auront pas fait le nécessaire pour purger leur système informatique de ce bogue. Une étude alarmiste Le 15 mai, un groupe néerlandais de services financiers, ING, a rendu publics les résultats alarmistes d'une étude sur les conséquences économiques du bogue de l'an 2000. Selon cette analyse réalisée au niveau mondial, 30 % des entreprises n'auront pas résolu le problème à temps. " La croissance économique s'affaiblira, particulièrement pendant la première moitié de l'an 2000, alors que l'inflation, la dette publique et le chômage augmenteront " , prévoit ING. Un mois plus tôt, l'Institut international de la finance (IIF), qui regroupe 285 organismes dans le monde, révélait que " bon nombre de banques ne sont pas correctement préparées " . Avec des risques d'altération ou même de disparition de fonctions essentielles comme " le calcul des taux d'intérêt ou les échéances de règlement " . Aux Etats-Unis, les avis sur la gravité de la situation sont partagés. Le responsable " an 2000 " de Wall Street, Nick Nagri, interrogé par CNet, estime que le système financier américain sera fin prêt pour l'échéance et qu'il maîtrise la situation. De même, son homologue à l'agence américaine de l'aviation civile (FAA), s'il reconnaît ignorer " l'ampleur du problème " , fait preuve d'une telle confiance qu'il prévoit de prendre l'avion dans la nuit du 31 décembre 1999 au 1er janvier 2000. D'autres témoignages mettent en cause le catastrophisme entretenu par les cabinets de consultants et les sociétés de services informatiques. " Il s'agit de la plus vaste escroquerie jamais perpétrée " , dénonce David Starr, le directeur informatique de l'éditeur Reader's Digest, dans un entretien avec le magazine Computerworld. De fait, le coût mondial de l'investissement nécessaire en temps et en hommes pour résoudre le problème représente une manne considérable pour l'industrie informatique. Il est estimé par le cabinet d'études Gartner Group à 600 milliards de dollars (3 600 milliards de francs), soit près de trois fois le budget de la France et l'équivalent de 10 % du produit intérieur brut des Etats-Unis... Croissance ralentie La Central Intelligence Agency (CIA) apporte, de son côté, un éclairage international plutôt sombre. Le 5 mai, Sherry Burns, responsable de l'étude, a indiqué que le Canada, la Grande-Bretagne et l'Australie accusaient un retard d'environ six mois sur les Etats-Unis. Le reste de l'Europe de l'Ouest, emmenée par les Scandinaves, aurait entre six et neuf mois de retard. L'effet euro jouerait de façon négative en monopolisant les forces des services informatiques sur la préparation des ordinateurs à l'échéance de janvier 1999. La CIA estime que l'Europe ne sera " probablement " pas capable de traiter les deux problèmes dans les délais. La Russie, le Japon, la Chine et Hongkong, tout comme les autres pays de la ceinture Pacifique, accusent de neuf mois à un an de retard. La situation de l'Amérique latine serait plus préoccupante. Malgré l'avance de leur pays, le Sénat et le Congrès américains ne semblent guère rassurés. Le premier a annoncé, le 28 avril, la création d'un comité dédié à l'étude du bogue de l'an 2000 et présidé par le sénateur républicain de l'Utah, Bob Bennett. Ce jour-là, Edward Kelley, gouverneur de la Réserve fédérale, indiquait que les grandes entreprises américaines devraient dépenser 50 milliards de dollars (300 milliards de francs) pour éviter que les équipements informatiques les plus anciens ne confondent l'an 2000 avec l'an 1900. De quoi réduire de 0,1 % par an la courbe de croissance du pays. Le 8 mai, le Congrès déclarait le problème, baptisé " Y2K " aux Etats-Unis, " à haut risque " pour le gouvernement et l'industrie privée. " De nombreuses actions supplémentaires sont nécessaires pour s'assurer que les agences fédérales seront en mesure d'atténuer les risques ``an 2000`` " , a précisé le General Accounting Office (GAO) du Congrès. Pragmatique, la CIA a conseillé à ses employés de payer leurs factures bien avant décembre 1999, de faire des réserves d'argent liquide pour parer aux défaillances des distributeurs automatiques et aussi de couvertures en prévision d'un éventuel black-out pendant la nuit glaciale du Nouvel An... MICHEL ALBERGANTI Le Monde du 21 mai 1998

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