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Le mot "fortune" dans l'oeuvre de DESCARTES

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

 

  Règles pour la direction de l'esprit, Règle dixième.

Cela me réussit tant de fois que je m'aperçus enfin que j'arrivais à la vérité, non plus comme les autres hommes après des recherches aveugles et incertaines, par un coup de fortune plutôt que par art, mais qu'une longue expérience m'avait appris des règles fixes, qui m'aidaient merveilleusement, et dont je me suis servi dans la suite pour trouver plusieurs vérités.

  DISCOURS DE LA METHODE, Première partie.

car je ne me sentais point, grâces à Dieu, de condition qui m'obligeât à faire un métier de la science pour le soulagement de ma fortune ;

et me résolvant de ne chercher plus d'autre science que celle qui se pourrait trouver en moi-même, ou bien dans le grand livre du monde, j'employai le reste de ma jeunesse à voyager, à voir des cours et des armées, à fréquenter des gens de diverses humeurs et conditions, à recueillir diverses expériences, à m'éprouver moi-même dans les rencontres que la fortune me proposait, et partout à faire telle réflexion sur les choses qui se présentaient que j'en pusse tirer quelque profit.

  DISCOURS DE LA METHODE, Seconde Partie.

Ainsi ces anciennes cités qui, n'ayant été au commencement que des bourgades, sont devenues par succession de temps de grandes villes, sont ordinairement si mal compassées, au prix de ces places régulières qu'un ingénieur trace à sa fantaisie dans une plaine, qu'encore que, considérant leurs édifices chacun à part, on y trouve souvent autant ou plus d'art qu'en ceux des autres, toutefois, à voir comme ils sont arrangés, ici un grand, là un petit, et comme ils rendent les rues courbées et inégales, on dirait que c'est plutôt la fortune que la volonté de quelques hommes usant de raison, qui les a ainsi disposés.

C'est pourquoi je ne saurais aucunement approuver ces humeurs brouillonnes et inquiètes, qui, n'étant appelées ni par leur naissance ni par leur fortune au maniement des affaires publiques, ne laissent pas d'y faire toujours en idée quelque nouvelle réformation ;

  DISCOURS DE LA METHODE, Troisième partie.

Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que l'ordre du monde ;

et je crois que c'est principalement en ceci que consistait le secret de ces philosophes, qui ont pu autrefois se soustraire de l'empire de la fortune et, malgré les douleurs et la pauvreté, disputer de la félicité avec leurs dieux.

et ils disposaient d'elles si absolument, qu'ils avaient en cela quelque raison de s'estimer plus riches, et plus puissants, et plus libres, et plus heureux, qu'aucun des autres hommes qui, n'ayant point cette philosophie, tant favorisés de la nature et de la fortune qu'ils puissent être, ne disposent jamais ainsi de tout ce qu'ils veulent.

  LA DIOPTRIQUE, DISCOURS PREMIER, DE LA LUMIERE.

Mais, à la honte de nos sciences, cette invention, si utile et si admirable, n'a premièrement été trouvée que par l'expérience et la fortune.

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, LETTRE DE L'AUTEUR A CELUI QUI A TRADUIT LE LIVRE, LAQUELLE PEUT SERVIR ICI DE PREFACE.

Ceux que la fortune favorise le plus, qui ont abondance de santé, d'honneurs, de richesses, ne sont pas plus exempts de ce désir que les autres ;

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, A LA SERENISSIME PRINCESSE ELISABETH.

Enfin, je ne remarque pas seulement en Votre Altesse tout ce qui est requis de la part de l'esprit à la plus haute et plus excellente sagesse, mais aussi tout ce qui peut être requis de la part de la volonté ou des moeurs, dans lesquelles on voit la magnanimité et la douceur jointes ensemble avec un tel tempérament que, quoique la fortune, en vous attaquant par de continuelles injures, semble avoir fait tous ses efforts pour vous faire changer d'humeur, elle n'a jamais pu tant soit peu ni vous irriter ni vous abattre.

  LES PASSIONS DE L'AME, RÉPONSE A LA SECONDE LETTRE.

Ainsi je prévois que ce Traité n'aura pas meilleure fortune que mes autres écrits ;

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 145.

en sorte qu'elle est comme une fatalité ou une nécessité immuable qu'il faut opposer à la fortune, pour la détruire comme une chimère qui ne vient que de l'erreur de notre entendement.

Car nous ne pouvons désirer que ce que nous estimons en quelque façon être possible, et nous ne pouvons estimer possibles les choses qui ne dépendent point de nous qu'en tant que nous pensons qu'elles dépendent de la fortune, c'est-à-dire que nous jugeons qu'elles peuvent arriver, et qu'il en est arrivé autrefois de semblables.

car, lorsqu'une chose que nous avons estimée dépendre de la fortune n'arrive pas, cela témoigne que quelqu'une des causes qui étaient nécessaires pour la produire a manqué, et par conséquent qu'elle était absolument impossible, et qu'il n'en est jamais arrivé de semblable, c'est-à-dire à la production de laquelle une pareille cause ait aussi manqué :

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 146.

Il faut donc entièrement rejeter l'opinion vulgaire qu'il y a hors de nous une fortune qui fait que les choses arrivent ou n'arrivent pas, selon son plaisir, et savoir que tout est conduit par la Providence divine, dont le décret éternel est tellement infaillible et immuable, qu'excepté les choses que ce même décret a voulu dépendre de notre libre arbitre, nous devons penser qu'à notre égard il n'arrive rien qui ne soit nécessaire et comme fatal, en sorte que nous ne pouvons sans erreur désirer qu'il arrive d'autre façon.

Et il est certain que lorsqu'on s'exerce à distinguer ainsi la fatalité de la fortune, on s'accoutume aisément à régler ses désirs en telle sorte que, d'autant que leur accomplissement ne dépend que de nous, ils peuvent toujours nous donner une entière satisfaction.

  LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 159.

Mais, au lieu que ceux qui ont l'esprit fort et généreux ne changent point d'humeur pour les prospérités ou adversités qui leur arrivent, ceux qui l'ont faible et abject ne sont conduits que par la fortune, et la prospérité ne les enfle pas moins que l'adversité les rend humbles.

  LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 182.

Ce qu'on ne peut penser avec raison que des biens de fortune.

  LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 183.

Mais lorsque la fortune envoie des biens à quelqu'un dont il est véritablement indigne, et que l'envie n'est excitée en nous que parce qu'aimant naturellement la justice, nous sommes fâchés qu'elle ne soit pas observée en la distribution de ces biens, c'est un zèle qui peut être excusable, principalement lorsque le bien qu'on envie à d'autres est de telle nature qu'il se peut convertir en mal entre leurs mains ;

  LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 186.

Ceux qui se sentent fort faibles et fort sujets aux adversités de la fortune semblent être plus enclins à cette passion que les autres, à cause qu'ils se représentent le mal d'autrui comme leur pouvant arriver ;

  LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 187.

Mais néanmoins ceux qui sont les plus généreux et qui ont l'esprit le plus fort, en sorte qu'ils ne craignent aucun mal pour eux et se tiennent au delà du pouvoir de la fortune, ne sont pas exempts de compassion lorsqu'ils voient l'infirmité des autres hommes et qu'ils entendent leurs plaintes.

  LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 188.

Mais il n'y a que les esprits malins et envieux qui haïssent naturellement tous les hommes, ou bien ceux qui sont si brutaux, et tellement aveuglés par la bonne fortune, ou désespérés par la mauvaise, qu'ils ne pensent point qu'aucun mal leur puisse arriver, qui soient insensibles à la pitié.

  LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 198.

c'est être injuste que d'en avoir pour celles qui ne sont point blâmables, et c'est être impertinent et absurde de ne restreindre pas cette passion aux actions des hommes, et de l'étendre jusques aux oeuvres de Dieu ou de la nature, ainsi que font ceux qui, n'étant jamais contents de leur condition ni de leur fortune, osent trouver à redire en la conduite du monde et aux secrets de la Providence.

  LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 212.

Il est vrai qu'ils y peuvent aussi trouver le plus d'amertume lorsqu'ils ne les savent pas bien employer et que la fortune leur est contraire.

  Correspondance, année 1629, A Monsieur FERRIER, D'Amsterdam 18 juin 1629 ( ?).

Si vous avez maintenant quelque bonne fortune, je serais marri de vous débaucher ;

et même une médiocre fortune ou bien de légères espérances ne vous doivent pas retarder, si vous avez l'ambition de faire quelque chose qui passe le commun :

  Correspondance, année 1630, AU R. P. MERSENNE, 25 février 1630.

Car il y en a qui sont de telle humeur, qu'ils ne désirent les choses que lorsque le temps en est passé, et qui inventent des sujets pour se plaindre de leurs amis, pensant ainsi excuser leur mauvaise fortune.

(Ferrier) et voudrais bien pouvoir, sans trop d'incommodité, soulager se mauvaise fortune ;

  Correspondance, année 1630, A Monsieur *** (ISAAC BEECKMAN), 17 octobre 163O.

Mais pardonnez-moi si je vous dis que vous usez un peu trop insolemment de cette bonne fortune.

Il y a un autre genre d'inventions, ou de choses que l'on peut trouver, lequel ne vient point de l'esprit, mais de la fortune, et j'avoue qu'il demande quelque soin pour être garanti des voleurs.

Toutefois, parce que l'ignorance du monde est telle qu'on loue souvent ceux en qui les biens de la fortune abondent, et qu'on ne croit pas que cette déesse soit si aveugle que d'enrichir de ses faveurs ceux qui ne l'ont point du tout mérité, si elle vous a fait part de quelque chose qui soit de conséquence, et qui, pour cela, vous relève un peu au dessus des autres, je confesse que vous n'êtes pas tout à fait indigne de louange.

  Correspondance, année 1638, REPONSE DE Monsieur DESCARTES, 12 janvier 1638 (Les éditions contemporaines datent cette lettre de mars, avril ou mai 1638).

et l'on voit aussi que ce sont ordinairement eux qui supportent le plus impatiemment les disgrâces de la fortune.

  Correspondance, année 1638, RÉPONSE DE Monsieur DESCARTES A Monsieur MORIN, 13 juillet 1638.

C'est pourquoi je puis seulement dire que je plains avec vous l'erreur de la fortune, en ce qu'elle ne reconnaît pas assez votre mérite.

  Correspondance, année 1642, A Monsieur REGIUS, 8 avril 1642. ( Les éditions contemporaines datent cette lettre d'avril 1642 sans préciser de jour.).

enfin vous remporterez une pleine victoire si vous savez vous taire, au lieu que, si vous recommencez le combat, vous vous exposerez derechef aux traits de la fortune.

  Correspondance, année 1645, A MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, 1er avril 1645 (Les éditions contemporaines datent cette lettre de juin 1645.).

Et votre altesse peut tirer cette consolation générale des disgrâces de la fortune, qu'elles ont peut-être beaucoup contribué à lui faire cultiver son esprit au point qu'elle a fait ;

  Correspondance, année 1645, A MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, 20 avril 1645 (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 21 juillet 1645.).

Je m'imagine que la plupart des lettres que vous recevez d'ailleurs, vous donnent de l'émotion, et qu'avant même que de les lire, vous appréhendez d'y trouver quelques nouvelles qui vous déplaisent, à cause que la malignité de la fortune vous a dès longtemps accoutumée à en recevoir souvent de telles ;

Car, n'apprenant, en ce désert, aucune chose de ce qui se fait au reste du monde, et n'ayant aucunes pensées plus fréquentes, que celles qui, me représentant les vertus de votre altesse, me font souhaiter de la voir aussi heureuse et aussi contente qu'elle mérite, je n'ai point d'autre sujet, pour vous entretenir, que de parler des moyens que la philosophie nous enseigne pour acquérir cette souveraine félicité, que les âmes vulgaires attendent en vain de la fortune, et que nous ne saurions avoir que de nous-mêmes.

  Correspondance, année 1645, A MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, 1er mai 1645 (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 4 août 1645.).

en ce que l'heur ne dépend que des choses qui sont hors de nous, d'où vient que ceux-là sont estimés plus heureux que sages, auxquels il est arrivé quelque bien qu'ils ne se sont point procurés, au lieu que la béatitude consiste, ce me semble, en un parfait contentement d'esprit et une satisfaction intérieure, que n'ont pas ordinairement ceux qui sont les plus favorisés de la fortune, et que les sages acquièrent sans elle.

Toutefois, comme un petit vaisseau peut être aussi plein qu'un plus grand, encore qu'il contienne moins de liqueur, ainsi, prenant le contentement d'un chacun pour la plénitude et l'accomplissement de ses désirs réglés selon la raison, je ne doute point que les plus pauvres et les plus disgraciés de la fortune ou de la nature ne puissent être entièrement contents et satisfaits, aussi bien que les autres, encore qu'ils ne jouissent pas de tant de biens.

  Correspondance, année 1645, A MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, 1er juin 1645 (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 1er septembre 1645.).

Et je crois aussi le semblable de tous les empêchements de dehors, comme de l'éclat d'une grande naissance, des cajoleries de la cour, des adversités de la fortune, et aussi de ses grandes prospérités, lesquelles ordinairement empêchent plus qu'on ne puisse jouer le rôle de philosophe, que ne font ses disgrâces.

Car lorsqu'on a toutes choses à souhait, on s'oublie de penser à soi, et quand, par après, la fortune change, on se trouve d'autant plus surpris, qu'on s'était plus fié en elle.

en quoi, si la fortune s'oppose à nos desseins et les empêche de réussir, nous aurons au moins la satisfaction de n'avoir rien perdu par notre faute, et ne laisserons pas de jouir de toute la béatitude naturelle dont l'acquisition aura été en notre pouvoir.

  Correspondance, année 1645, A MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, 15 juin 1645 (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 15 septembre 1645.).

car cela nous empêche de craindre la mort, et détache tellement notre affection des choses du monde, que nous ne regardons qu'avec mépris tout ce qui est au pouvoir de la fortune.

  Correspondance, année 1645, A MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, Septembre 1645 (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 6 octobre 1645.).

Et encore qu'il pourrait arriver qu'elle fût si continuellement divertie ailleurs, que jamais elle ne s'en aperçût, on ne jouirait pas pour cela de la béatitude dont il est question, parce qu'elle doit dépendre de notre conduite, et cela ne viendrait que de la fortune.

  Correspondance, année 1646, A MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, 1er février 1646 (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 3 novembre 1645.).

C'est ce qui doit consoler votre altesse lorsque la fortune s'oppose à vos desseins.

  Correspondance, année 1646, A MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, Mars 1646 (Les éditions contemporaines datent cette lettre de janvier 1646.).

Pour ce qui regarde la prudence du siècle, il est vrai que ceux qui ont la fortune chez eux, ont raison de demeurer tous autour d'elle, et de joindre leurs forces ensemble pour empêcher qu'elle n'échappe ;

Les lois communes de la société, lesquelles tendent toutes à se faire du bien les uns aux autres, ou du moins à ne se point faire de mal, sont, ce me semble, si bien établies, que quiconque les suit franchement, sans aucune dissimulation ni artifice, mène une vie beaucoup plus heureuse et plus assurée, que ceux qui cherchent leur utilité par d'autres voies lesquels, à la vérité, réussissent quelquefois par l'ignorance des autres hommes, et par la faveur de la fortune mais il arrive bien plus souvent qu'ils y manquent, et que, pensant s'établir, ils se ruinent.

  Correspondance, année 1646, A MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, Juin 1646 (Les éditions contemporaines datent cette lettre de mai 1646.).

C'est pourquoi on est contraint de hasarder, et de se mettre au pouvoir de la fortune, laquelle je souhaite aussi obéissante à vos désirs que je suis, etc.

  Correspondance, année 1646, A MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, 15 septembre 1646.

comme sans doute il le sera, si votre altesse se résout de pratiquer ces maximes qui enseignent que la félicité d'un chacun dépend de lui-même et qu'il faut tellement se tenir hors de l'empire de la fortune, que, bien qu'on ne perde pas les occasions de retenir les avantages qu'elle peut donner, on ne pense pas toutefois être malheureux, lorsqu'elle les refuse ;

  Correspondance, année 1646, A MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, Sans date. (Les éditions contemporaines datent cette lettre de octobre ou novembre 1646.).

Car, sachant la condition des choses humaines, ce serait trop importuner la fortune, que d'attendre d'elle tant de grâces, qu'on ne pût pas, même en imaginant, trouver aucun sujet de fâcherie.

Et même aussi j'ose croire que la joie intérieure a quelque secrète force pour se rendre la fortune plus favorable.

jusque-là même que, dans les jeux de hasard, où il n'y a que la fortune seule qui règne, je l'ai toujours éprouvée plus favorable, ayant d'ailleurs des sujets de joie, que lorsque j'en avais de tristesse.

  Correspondance, année 1646, A UN SEIGNEUR. (NEWCASTLE), 23 novembre 1646.

mais il semble, outre cela que la fortune veuille montrer qu'elle les met au rang des plus grands biens que je puis posséder, parce qu'elle les arrête par les chemins, et ne permet pas que je les reçoive, qu'après avoir fait tous ses efforts pour l'empêcher.

Et d'autant que les choses dont il vous a plu m'écrire sont seulement des considérations touchant les sciences, qui ne dépendent point des changements du temps ni de la fortune, j'espère que ce que j'y pourrai maintenant répondre ne vous sera pas moins agréable que si vous l'aviez reçu il y a dix mois.

  Correspondance, année 1647, A LA REINE DE SUEDE, 20 novembre 1647.

Et cela posé, il me semble que le souverain bien de tous les hommes ensemble est un amas ou un assemblage de tous les biens, tant de l'âme que du corps et de la fortune, qui peuvent être en quelques hommes ;

Car, pour les biens du corps et de la fortune, ils ne dépendent point absolument de nous ;

Pour ce qui est de l'honneur et de la louange, on les attribue souvent aux autres biens de la fortune ;

  Correspondance, année 1648, MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, 8 juin 1648.

Et je crois que ceux qui sont en grande fortune diffèrent davantage des autres, en ce que les déplaisirs qui leur arrivent, leur sont plus sensibles, que non pas en ce qu'ils jouissent de plus de plaisirs, à cause que tous les contentements qu'ils peuvent avoir, leur étant ordinaires, ne les touchent pas tant que les afflictions, qui ne leur viennent que lorsqu'ils s'y attendent le moins, et qu'ils n'y sont aucunement préparés ;

ce qui doit servir de consolation à ceux que la fortune a accoutumés à ses disgrâces.

  Correspondance, année 1648, MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, 1er octobre 1648.

Je n'y pouvais aller en un temps plus avantageux pour me faire bien reconnaître la félicité de la vie tranquille et retirée et la richesse des plus médiocres fortunes.

  Correspondance, année 1649, A MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, 20 février 1649. (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 22 février 1649.).

Si je ne reconnaissais le vôtre pour tel, je craindrais que vous ne fussiez extraordinairement affligée d'apprendre la funeste conclusion des tragédies d'Angleterre, mais je me promets que votre Altesse, étant accoutumée aux disgrâces de la fortune, et s'étant vue soi-même depuis peu en grand péril de sa vie, ne sera pas si surprise, ni si troublée, d'apprendre la mort d'un de ses proches, que si elle n'avait point reçu auparavant d'autres afflictions.

  Correspondance, année 1649, A Monsieur CHANUT, 31 mars 1649.

J'ai tant de créance à vos paroles, et vous me l'avez représentée avec des m_urs et un esprit que j'admire et estime si fort, qu'encore qu'elle ne serait point en la haute fortune où elle est, et n'aurait qu'une naissance commune, si seulement j'osais espérer que mon voyage lui fût utile ?

Au reste, il semble que la fortune est jalouse de ce que je n'ai jamais rien voulu attendre d'elle, et que j'ai tâché de conduire ma vie en telle sorte, qu'elle n eût sur moi aucun pouvoir ;

  Correspondance, année 1649, A Monsieur CHANUT, 25 mai 1649. (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 31 mars 1649 et la considèrent comme étant adressée à Brasset.).

Je prie Dieu que la fortune de la France surmonte les efforts de tous ceux qui ont dessein de lui nuire.

 

 

« douceur jointes ensemble avec un tel tempérament que, quoique la fortune, en vous attaquant par de continuelles injures, sembleavoir fait tous ses efforts pour vous faire changer d'humeur, elle n'a jamais pu tant soit peu ni vous irriter ni vous abattre. LES PASSIONS DE L'AME, RÉPONSE A LA SECONDE LETTRE. Ainsi je prévois que ce Traité n'aura pas meilleure fortune que mes autres écrits ; LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 145. en sorte qu'elle est comme une fatalité ou une nécessité immuable qu'il faut opposer à la fortune, pour la détruire comme unechimère qui ne vient que de l'erreur de notre entendement. Car nous ne pouvons désirer que ce que nous estimons en quelque façon être possible, et nous ne pouvons estimer possibles leschoses qui ne dépendent point de nous qu'en tant que nous pensons qu'elles dépendent de la fortune, c'est-à-dire que nousjugeons qu'elles peuvent arriver, et qu'il en est arrivé autrefois de semblables. car, lorsqu'une chose que nous avons estimée dépendre de la fortune n'arrive pas, cela témoigne que quelqu'une des causes quiétaient nécessaires pour la produire a manqué, et par conséquent qu'elle était absolument impossible, et qu'il n'en est jamais arrivéde semblable, c'est-à-dire à la production de laquelle une pareille cause ait aussi manqué : LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 146. Il faut donc entièrement rejeter l'opinion vulgaire qu'il y a hors de nous une fortune qui fait que les choses arrivent ou n'arriventpas, selon son plaisir, et savoir que tout est conduit par la Providence divine, dont le décret éternel est tellement infaillible etimmuable, qu'excepté les choses que ce même décret a voulu dépendre de notre libre arbitre, nous devons penser qu'à notreégard il n'arrive rien qui ne soit nécessaire et comme fatal, en sorte que nous ne pouvons sans erreur désirer qu'il arrive d'autrefaçon. Et il est certain que lorsqu'on s'exerce à distinguer ainsi la fatalité de la fortune, on s'accoutume aisément à régler ses désirs entelle sorte que, d'autant que leur accomplissement ne dépend que de nous, ils peuvent toujours nous donner une entièresatisfaction. LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 159. Mais, au lieu que ceux qui ont l'esprit fort et généreux ne changent point d'humeur pour les prospérités ou adversités qui leurarrivent, ceux qui l'ont faible et abject ne sont conduits que par la fortune, et la prospérité ne les enfle pas moins que l'adversitéles rend humbles. LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 182. Ce qu'on ne peut penser avec raison que des biens de fortune. LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 183. Mais lorsque la fortune envoie des biens à quelqu'un dont il est véritablement indigne, et que l'envie n'est excitée en nous queparce qu'aimant naturellement la justice, nous sommes fâchés qu'elle ne soit pas observée en la distribution de ces biens, c'est unzèle qui peut être excusable, principalement lorsque le bien qu'on envie à d'autres est de telle nature qu'il se peut convertir en malentre leurs mains ; LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 186. Ceux qui se sentent fort faibles et fort sujets aux adversités de la fortune semblent être plus enclins à cette passion que les autres,à cause qu'ils se représentent le mal d'autrui comme leur pouvant arriver ; LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 187. Mais néanmoins ceux qui sont les plus généreux et qui ont l'esprit le plus fort, en sorte qu'ils ne craignent aucun mal pour eux et setiennent au delà du pouvoir de la fortune, ne sont pas exempts de compassion lorsqu'ils voient l'infirmité des autres hommes etqu'ils entendent leurs plaintes.. »

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