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L'OPEP retrouve unité et influence

Publié le 17/01/2022

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30 octobre 2000 LE SIÈCLE s'achève par l'influence retrouvée des pays producteurs de pétrole emmenés par un trio : l'Arabie saoudite, le Venezuela et le Mexique. Les deux premiers sont membres de l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole), le troisième ne fait pas partie du cartel. Ensemble, ils ont mis un terme au contre-choc pétrolier en imposant, en mars 1999, une réduction de la production. Les prix, qui étaient tombés sous les 10 dollars en décembre 1998, se sont alors fortement redressés. Le succès a été inespéré, le brut dépassant dès février les 30 dollars. Le brut a culminé ces derniers jours à 32 dollars, du jamais vu depuis dix ans. Depuis un an et demi, les pays producteurs ont atteint leurs deux objectifs : retrouver une unité, même fragile, et continuer de peser sur le marché mondial en utilisant un pouvoir qui leur avait échappé depuis plusieurs années. La chance leur sourit. A la discipline des pays de l'OPEP, qui assurent près de 40 % de la production mondiale, s'ajoute la reprise économique mondiale qui entretient la dynamique de la demande. De plus, les stocks sont au plus bas - aux Etats-Unis, ils sont tombés à leurs plus bas niveaux depuis vingt-quatre ans (lire page 13) - et en l'absence de cette marge de manoeuvre, les réactions des cours sur le marché sont d'autant plus vives dans un sens ou dans l'autre. Pour l'instant, les producteurs engrangent les profits et reconstituent leur finances malmenées durant les années du contre-choc, tandis que les pays occidentaux paient et voient tous - Etats-Unis, France, Italie, Espagne, Allemagne... - des groupes de consommateurs crier à l'étranglement. les grandes puissances plaident pour un retour à des prix proches de 25 dollars, pour éviter un retour de l'inflation qui freinerait la croissance... et, à terme, la demande de pétrole... Jusqu'à présent, les pays pétroliers ont fait la sourde oreille. La tension ne provient pas du marché mondial du brut, où l'offre et la demande sont proches de l'équilibre, expliquent- ils. L'origine de la flambée est à chercher aux Etats-Unis, où les spécifications techniques, pour une nouvelle formule d'« essence propre », et diverses manoeuvres spéculatives ont créé au début de l'été un sentiment de pénurie de carburant. L'ORIGINE DE LA FLAMBÉE C'est avec ce raisonnement en tête que l'OPEP a décidé le 21 juin de ne hausser que de 706 000 barils/jour sa production, surplus inférieur au million de barils que Washington jugeait de son côté nécessaire pour rééquilibrer le marché. Le cartel, refusant d'obéir aux injonctions américaines, a décidé de se retrouver « en cas de nécessité », c'est-à-dire si les cours dépassent durablement 30 dollars. Entre-temps, un mécanisme d'ajustement a été conçu : lorsque les cours dépassent les 28 dollars durant vingt jours consécutifs, la production sera augmentée de 500 000 barils par jour (bpj), mais s'ils sont inférieurs à 22 dollars le baril, la production sera réduite d'autant. Ce mécanisme n'a pas encore été appliqué, le prix du panier de référence de l'OPEP n'étant au-dessus de 28 dollars que depuis la mi-août. Devant les préoccupations américaines, où le prix de l'essence est devenu un thème de la campagne présidentielle, les pays pétroliers savourent ainsi leur pouvoir d'influence retrouvé. Ils sont néanmoins confrontés à une nouvelle difficulté : consolider dans la durée leur pouvoir et leur unité. S'ils doivent ouvrir les vannes, il sera très difficile de répartir équitablement le débit entre les dix membres du cartel (l'Irak, pays membre, étant hors quotas en raison de l'embargo des Nations unies). La plupart des grands producteurs, comme l'Iran et le Venezuela, sont aujourd'hui quasiment au maximum de leur potentiel. Seuls cinq pays peuvent facilement et rapidement ouvrir leurs vannes : les Emirats arabes unis, le Koweït, dans une moindre mesure le Qatar et le Nigeria, et, d'abord et surtout, l'Arabie saoudite. Toute la question est donc de savoir ce que décideront les Saoudiens, premiers producteurs mondiaux et les seuls à avoir une véritable marge de manoeuvre. Les Iraniens, les Irakiens et les Vénézuéliens se sont déclarés hostiles à un nouvel assouplissement évoqué depuis le début du mois de juillet. Ils le font savoir en plaidant pour des prix élevés et en appelant les autres partenaires à résister aux pressions des pays industrialisés. L'organisation doit se retrouver le 10 septembre à Vienne pour évoquer la situation. Mais d'ici à la réunion des chefs d'Etat de l'OPEP à Caracas, le 27 et 28 septembre - la première à ce niveau depuis celle de 1975 à Alger -, le cartel restera très prudent. Au- delà du risque de raviver les clivages entre Téhéran, traditionnel chef de file des « faucons », et les Arabes du Golfe plus enclins à répondre aux demandes de leurs alliés américains, il s'agit aussi pour l'organisation d'éviter un faux pas. Le syndrome de Djakarta est encore vif dans les esprits. En novembre 1997, l'OPEP décidait de relever de 10 % sa production pour satisfaire aux prévisions de la demande. Erreur d'appréciation en pleine crise d'Asie du Sud-Est : les cours allaient s'effondrer de 40 %, sévère déconvenue qui provoqua une nouvelle crise à l'OPEP et faillit lui être fatale. A Caracas, le cartel célébrera son quarantième anniversaire. A cette occasion, les ministres du pétrole ou de l'énergie de la Russie, d'Oman, du Mexique, de la Norvège et de l'Angola ont été invités en tant qu'observateurs. Tout sera fait pour afficher l'unité et le pouvoir d'influence retrouvés grâce aux prix élevés. DOMINIQUE GALLOIS Le Monde du 28 août 2000

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