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Malebranche, De la recherche de la vérité

Publié le 22/07/2010

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malebranche

«Il est assez difficile de comprendre, comment il se peut faire que des gens qui ont de l'esprit, aiment mieux se servir de  l'esprit des autres dans la recherche de la vérité, que de celui que Dieu leur a donné. Il y a sans doute infiniment plus de  plaisir et plus d'honneur à se conduire par ses propres yeux, que par ceux des autres ; et un homme qui a de bons yeux ne  s'avisa jamais de se les fermer, ou de se les arracher, dans l'espérance d'avoir un conducteur. "Sapientis oculi in capite ejus, stultus in tenebris ambulat"(1). Pourquoi le fou marche-t-il dans les ténèbres ? C'est qu'il ne voit que par les yeux d'autrui,  et que ne voir que de cette manière, à proprement parler, c'est ne rien voir. L'usage de l'esprit est à l'usage des yeux, ce que l'esprit est aux yeux ; et de même que l'esprit est infiniment au-dessus des yeux, l'usage de l'esprit est accompagné de  satisfactions bien plus solides, et qui le contentent bien autrement, que la lumière et les couleurs ne contentent la vue. Les  hommes toutefois se servent toujours de leurs yeux pour se conduire, et ils ne se servent presque jamais de leur esprit pour  découvrir la vérité.«    (1) "Les yeux du sage sont dans sa tête ; l’insensé marche dans les ténèbres."  Malebranche, Malebranche, De la recherche de la vérité    Introduction    Il faut penser par soi-même pour découvrir la vérité, nous dit Malebranche dans l'extrait du De la recherche de la vérité que l'on se propose d'expliquer. Il ne démontre pas directement cette thèse dans ce passage, mais s'en tient à l'établir en raisonnant par analogie, ce qui lui permet de l'illustrer du même coup. Il faut utiliser son esprit comme on utilise ses yeux : de même que « les hommes se servent de leurs yeux pour se conduire «, il leur faut se servir directement de leur esprit pour conduire leur pensée au lieu de s'en remettre à d'autres. C'est ainsi qu'ils penseront aussi qu'ils voient clairement et qu'ils trouveront la vérité qu'ils cherchent. La question est donc d'abord de savoir comment chercher cette vérité, pour savoir ensuite ce qu'elle est. C'est à cette question de méthode que Malebranche répond ici en rappelant que « les yeux du sage sont dans sa tête « et que l'on ne pense librement qu'en pensant par soi-même, de façon indépendante et autonome.  Comment conduire en effet son esprit dans la recherche de la vérité ? Faut-il s'en remettre à d'autre : à des professeurs, des directeurs de conscience ou des guides spirituels ? Ou faut-il d'abord s'interroger soi-même, faire retour à soi et réfléchir ? Quelle place accorder à l'autre dans sa recherche ? Y a-t-il des maîtres de vérité ? Ou la vérité est-elle par définition libre et sans maître ? Qu'est-elle ? Où faut-il la chercher ? Qu'est-ce enfin qu'un esprit libre ?    I. Il en va de l'esprit comme des yeux    Malebranche établit sa thèse en raisonnant par analogie. Rappelons donc qu'une analogie est une identité non de termes, mais de rapport. Les termes mis en rapport peuvent être différents et appartenir à des domaines distincts ; mais le rapport que l'on établit entre eux demeure invariant.  C'est ainsi que l'on peut faire, selon notre auteur, une analogie entre l'œil et l'esprit d'une part, puis leurs objets ou domaines respectifs d'autre part, c'est-à-dire entre les idées et les choses, le sensible et l'intelligible, ou entre les différentes façons de les utiliser, c'est-à-dire entre des méthodes.  La première analogie de Malebranche établit un lien entre les choses et leurs usages. « L'usage de l'esprit est à l'usage des yeux, ce que l'esprit est aux yeux «, nous dit-il. Il faut comprendre que le rapport de l'usage des yeux à l'usage de l'esprit est identique à celui de l'esprit aux yeux eux-mêmes : que tout ce qui est vrai du second rapport, qui nous est familier, l'est aussi du premier, qui est plus abstrait.  Cette analogie conduit d'abord notre auteur à définir une hiérarchie entre les biens : les relations entre les termes étant identiques, on peut en conclure que le rapport de valeur qui existe entre ceux du premier groupe est directement proportionnel à celui qui existe entre ceux du second. Si « l'esprit est infiniment au-dessus des yeux «, il faut donc en conclure que l'usage que l'on fait de son esprit est infiniment plus important que celui que l'on fait de ses yeux, parce qu'il est « accompagné de satisfactions bien plus solides «, ajoute Malebranche.  Comment donc utiliser son esprit ? Quelle méthode suivre pour découvrir le bien qui lui est naturellement associé ? Comme distinguer la pensée de l'opinion et que peut-on apprendre d'autrui ?    II. L'ignorant est comme l'aveugle, qui ne voit pas par lui-même    On pourrait expliquer pourquoi l'esprit a plus de valeur que les sens en montrant comment l'âme transcende ou dépasse « infiniment « le corps, ce qui donne aux biens de l'un, qui sont intelligibles, plus de valeur qu'à ceux de l'autre, qui sont sensibles. Mais ce n'est pas le but de notre auteur dans le texte qui nous occupe. Son propos est plutôt de s'étonner que cette analogie, qui vaut en principe, ne soit pas du tout respectée en pratique ou dans la réalité. Car « les hommes toutefois se servent de leurs yeux pour se conduire et ils ne se servent presque jamais de leur esprit pour découvrir la vérité «, poursuit-il. L'analogie précédemment établie paraît ainsi changer de sens. Tandis que les deux groupes de termes étaient auparavant directement proportionnels, ils varient maintenant en proportion inverse. Ce qui vaut pour les yeux et le visible ne vaut plus pour l'esprit et l'intelligible. C'est le contraire qui a lieu. Si les hommes se servent encore de leurs propres yeux pour se conduire et ont ainsi l'impression de voir clairement, ils « aiment mieux se servir de l'esprit des autres dans la recherche de la vérité « et ne croient pouvoir comprendre que lorsqu'un professeur est là pour leur expliquer. Ce qui vaut pour les yeux ne vaut donc plus pour l'esprit. Il existe toujours un rapport entre ces notions, mais il a changé de sens d'une ligne à l'autre du texte. Il s'est inversé et c'est ce qui amène Malebranche à dire que les hommes qui se conduisent ainsi sont en réalité aveugles. « L'insensé marche dans les ténèbres «, nous dit-il. C'est la contrepartie logique de l'inversion du rapport que l'on a effectuée. Le fait est que l'on ne peut pas plus voir par les yeux d'autrui que l'on ne peut penser par l'esprit d'un autre, fût-il professeur. Seuls les aveugles, qui marchent dans les ténèbres, ont des guides. Il s'en suit que l'insensé, c'est-à-dire celui qui a inversé le rapport que le bon sens établit naturellement entre les choses, est comme un aveugle. Il a comme lui besoin d'un guide spirituel, d'un précepteur ou d'un directeur de conscience, parce qu'il se croit incapable de conduire seul sa propre pensée. « Il ne voit que par les yeux d'autrui, et ne voir que de cette manière, c'est ne rien voir «, conclut Malebranche.  Qui faut-il donc écouter lorsqu'il s'agit de chercher la vérité ? Qui reconnaître comme son maître ? Vers qui se tourner : vers les autres, ou vers soi-même ?    III. Il faut penser par soi-même pour chercher librement la vérité    Il faut réfléchir pour connaître la vérité, répond Malebranche. Cela équivaut ici à revenir à soi et au bon sens en établissant un rapport directement proportionnel entre l'œil et l'esprit. Il s'agit d'effectuer une véritable conversion philosophique. De même que l'on ne voit jamais mieux que lorsque l'on voit par soi-même, on ne pense jamais mieux que lorsque l'on pensera par soi-même. Il faut donc commencer par se retrouver et rentrer en soi, c'est-à-dire réfléchir, au lieu de se mettre immédiatement et passivement à l'écoute des autres. La réflexion désigne ce retour à soi, ce mouvement qui consiste dans un premier temps à se détourner des autres pour faire face à soi-même. C'est une conversion, qui inverse radicalement le rapport que nous entretenons généralement avec les autres et nous-mêmes. Le propos de Malebranche est de nous faire comprendre, en raisonnant par analogie, que l'on ne peut prétendre chercher la vérité sans opérer cette conversion. Il faut réfléchir pour la connaître, parce qu'elle n'existe qu'en nous, non en dehors de nous, c'est-à-dire dans notre esprit, non dans celui des professeurs. « Les yeux du sage sont dans sa tête « et la vérité est donc naturellement sans maître : elle n'appartient à personne en particulier, mais à tous par nature et il appartient à chacun, en science comme en morale, d'être son propre maître. C'est ce qui distingue la pensée ou la connaissance proprement dite de l'opinion et du préjugé : tenir une proposition pour vraie parce qu'un autre nous dit qu'elle est telle, sans chercher à la démontrer soi-même, c'est avoir une opinion, non une connaissance. On admet une proposition sans savoir si elle est vraie en soi, en suivant le jugement de ceux qui l'ont déjà jugée avant nous, ce qui est la définition du préjugé. Mais la vérité est que penser signifie toujours penser par soi-même, c'est-à-dire réfléchir. La connaissance n'est qu'à celui qui peut démontrer lui-même la vérité de ses dires, sans se référer à autrui. C'est le principe général de l'autorité et de la liberté. C'est toujours « je « qui pense, c'est-à-dire le sujet à la première personne. C'est le principe des Lumières : celui d'une pensée qui sort de la minorité pour accéder à la majorité. C'est la fin de l'obscurantisme. Tout le reste n'est que préjugé : opinion aveugle et servile.    Conclusion    La pensée éclairée est celle qui trouve en elle-même les lois de son propre exercice, nous dit Malebranche. Elle s'émancipe de ses autorités de tutelle pour devenir autonome. Elle n'a plus besoin de guide pour se conduire, à la différence des aveugles qui n'avancent et ne voient que par les yeux des autres. L'analogie de l'œil et de l'esprit permet ainsi à notre auteur de montrer que les notions de conscience, de vérité, et de liberté sont liées. C'est parce que la vérité est en nous, inscrite dès l'origine en notre conscience, que notre pensée peut être libre, indépendante et autonome. La réflexion, c'est-à-dire la méditation ou le dialogue intérieur, est alors la seule méthode permettant de connaître la vérité, par une inspection de l'esprit. L'innéité garantit ainsi la liberté de la pensée : la vérité est par elle-même sans maître et ne dépend que de la conscience, c'est-à-dire d'une autorité interne et non externe. Il faut penser par soi-même pour la trouver. On trouvera du même coup la liberté. C'est le principe des Lumières que définit ici Malebranche

malebranche

« aveugles.

« L'insensé marche dans les ténèbres », nous dit-il.

C'est la contrepartie logique de l'inversion du rapportque l'on a effectuée.

Le fait est que l'on ne peut pas plus voir par les yeux d'autrui que l'on ne peut penser parl'esprit d'un autre, fût-il professeur.

Seuls les aveugles, qui marchent dans les ténèbres, ont des guides.

Il s'en suitque l'insensé, c'est-à-dire celui qui a inversé le rapport que le bon sens établit naturellement entre les choses, estcomme un aveugle.

Il a comme lui besoin d'un guide spirituel, d'un précepteur ou d'un directeur de conscience,parce qu'il se croit incapable de conduire seul sa propre pensée.

« Il ne voit que par les yeux d'autrui, et ne voir quede cette manière, c'est ne rien voir », conclut Malebranche.Qui faut-il donc écouter lorsqu'il s'agit de chercher la vérité ? Qui reconnaître comme son maître ? Vers qui setourner : vers les autres, ou vers soi-même ? III.

Il faut penser par soi-même pour chercher librement la vérité Il faut réfléchir pour connaître la vérité, répond Malebranche.

Cela équivaut ici à revenir à soi et au bon sens enétablissant un rapport directement proportionnel entre l'œil et l'esprit.

Il s'agit d'effectuer une véritable conversionphilosophique.

De même que l'on ne voit jamais mieux que lorsque l'on voit par soi-même, on ne pense jamais mieuxque lorsque l'on pensera par soi-même.

Il faut donc commencer par se retrouver et rentrer en soi, c'est-à-direréfléchir, au lieu de se mettre immédiatement et passivement à l'écoute des autres.

La réflexion désigne ce retour àsoi, ce mouvement qui consiste dans un premier temps à se détourner des autres pour faire face à soi-même.

C'estune conversion, qui inverse radicalement le rapport que nous entretenons généralement avec les autres et nous-mêmes.

Le propos de Malebranche est de nous faire comprendre, en raisonnant par analogie, que l'on ne peutprétendre chercher la vérité sans opérer cette conversion.

Il faut réfléchir pour la connaître, parce qu'elle n'existequ'en nous, non en dehors de nous, c'est-à-dire dans notre esprit, non dans celui des professeurs.

« Les yeux dusage sont dans sa tête » et la vérité est donc naturellement sans maître : elle n'appartient à personne enparticulier, mais à tous par nature et il appartient à chacun, en science comme en morale, d'être son propre maître.C'est ce qui distingue la pensée ou la connaissance proprement dite de l'opinion et du préjugé : tenir une propositionpour vraie parce qu'un autre nous dit qu'elle est telle, sans chercher à la démontrer soi-même, c'est avoir uneopinion, non une connaissance.

On admet une proposition sans savoir si elle est vraie en soi, en suivant le jugementde ceux qui l'ont déjà jugée avant nous, ce qui est la définition du préjugé.

Mais la vérité est que penser signifietoujours penser par soi-même, c'est-à-dire réfléchir.

La connaissance n'est qu'à celui qui peut démontrer lui-mêmela vérité de ses dires, sans se référer à autrui.

C'est le principe général de l'autorité et de la liberté.

C'est toujours «je » qui pense, c'est-à-dire le sujet à la première personne.

C'est le principe des Lumières : celui d'une pensée quisort de la minorité pour accéder à la majorité.

C'est la fin de l'obscurantisme.

Tout le reste n'est que préjugé :opinion aveugle et servile. Conclusion La pensée éclairée est celle qui trouve en elle-même les lois de son propre exercice, nous dit Malebranche.

Elles'émancipe de ses autorités de tutelle pour devenir autonome.

Elle n'a plus besoin de guide pour se conduire, à ladifférence des aveugles qui n'avancent et ne voient que par les yeux des autres.

L'analogie de l'œil et de l'espritpermet ainsi à notre auteur de montrer que les notions de conscience, de vérité, et de liberté sont liées.

C'est parceque la vérité est en nous, inscrite dès l'origine en notre conscience, que notre pensée peut être libre, indépendanteet autonome.

La réflexion, c'est-à-dire la méditation ou le dialogue intérieur, est alors la seule méthode permettantde connaître la vérité, par une inspection de l'esprit.

L'innéité garantit ainsi la liberté de la pensée : la vérité est parelle-même sans maître et ne dépend que de la conscience, c'est-à-dire d'une autorité interne et non externe.

Il fautpenser par soi-même pour la trouver.

On trouvera du même coup la liberté.

C'est le principe des Lumières que définitici Malebranche. »

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