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Notes de cours: BONHEUR ET POST-MODERNITE

Publié le 22/02/2012

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L'âge du bonheur de masse célèbre l'individualité libre, il privilégie la communication et démultiplie les choix et options. Ce n'est pas dire pour autant que tout modèle directif ait été évacué. De fait, la culture du bonheur ne se conçoit pas sans tout un arsenal de normes, d'informations techniques et scientifiques stimulant un travail permanent d'autocontrôle et de surveillance de soi: après l'impératif catégorique, l'impératif narcissique glorifié sans relâche par la culture hygiénique et sportive, esthétique et diététique. Conserver la forme, lutter contre les rides, veiller à une alimentation saine, bronzer, rester mince, se relaxer, le bonheur individualiste est inséparable d'un extraordinaire forcing dans l'effort de dynamisation, d'entretien, de gestion optimale de soi-même. L'éthique contemporaine du bonheur n'est pas seulement consommative, elle est d'essence activiste, constructiviste: non plus comme autrefois gouverner idéalement ses passions, mais optimiser nos potentiels; non plus l'acceptation résignée du temps, mais l'éternelle jeunesse du corps; non plus la sagesse, mais le travail performatif de soi sur soi; non plus l'unité du moi, mais la diversité high-tech des exigences de protection, d'entretien, de valorisation du capital-corps. D'un côté, l'époque hors-devoir liquide la culture autoritaire et puritaine traditionnelle; de l'autre, elle engendre de nouveaux impératifs (jeunesse, santé, sveltesse, forme, loisirs, sexe) d'autoconstruction de soi-même, sans doute personnalisés mais ceéant un état d'hypermobilisation, de stress et de recyclage permanent. La culture du bonheur déculpabilise l'autoabsorption subjection, mais dans le même temps elle enclenche une dynamique anxiogène du fait même des normes du mieux-être et du mieux-paraître que la constituent.

 

Deux tendances antinomiques travaillent nos sociétés. L'une excite les plaisirs immédiats, qu'ils soient consommatifs, sexuels ou distractifs: surenchère porno, drogue, sexe sauvage, boulimie d'objets et de programmes médiatiques, explosion du crédit et endettement des ménages. L'hédonisme, ici, exprime et intensifie le culte individualiste du présent, il disqualifie la valeur travail, il contribue à désocialiser, destructurer et marginaliser davantage les minorités ethniques des grandes métropoles et les exclus des banlieues. L'autre, en revanche, privilégie la gestion "rationnelle" du temps et du corps, le "professionnalisme" en toute chose, l'obsession de l'excellence et de la qualité, de la santé et de l'hygiène. L'hédonisme ici s'associe à l'information multiservice, à l'autoproduction narcissique hygiènique et sportive, à l'organisation raisonnée et lyophilisée des plaisirs. Nous voyons se mettre en place un hédonisme dual, échevelé et déresponsabilisant pour les nouvelles minorités de masse, prudent et intégrateur pour les majorités silencieuses.

Dire de nos sociètés qu'elles sont hédonistes ne signifie pas qu'elles soient livrées sans partage à la spirale débridée des jouissances ni même que le plaisir capte toutes les énergies et intentions: de fait, le travail; la quête de la qualité de vie et de la santé mobilisent davantage les individus que les consumations voluptueuses. Société hédoniste veut dire que les plaisirs sont désormais légitimes, objets d'informations, de stimulations et de diversifications systématiques. Le plaisirs n'est plus banni, il est massivement valorisé et normalisé, promotionné et endigué, diversifié et "propre", libéré et fréquemment différé par les contraintes du travail, par la diffusion des normes rationnelles de "progrès" et de santé. "Consommez avec modération": notre arithmétique utilitariste a pris le visage d'une gestion des plaisirs-minute homéopathiques et démultipliés. L'hédonisme postmoderne n'est plus ni transgressif ni dilettant, il est "managé", fonctionnalisé, sagement light.

La culture du bonheur "allégé" induit une anxièté chronique

 

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