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Notes de cours: LES MATHEMATIQUES

Publié le 22/02/2012

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mathematiques

               Le mathématicien construit ses notions, parvient à rattacher à leurs fondements logiques les vérités qu'il découvre, n'admet d'autre évidence que rationnelle.

L'objet des mathématiques semble donc appartenir à l'essence même de l'esprit, et ne le point contraindre. En fait, il est nature, mais nature si abstraite que la pensée peut le connaître en raisonnant selon ses propres lois. Satisfait par cette reconstruction parfaite, l'homme a toujours rêvé d'étendre à toutes sciences la méthode mathématique. Mais le concret ne se laisse point pénétrer de la sorte: l'esprit, pour le saisir, doit renoncer à sa liberté, et se plier à l'expérience.

A. Objet des mathématiques. 

                En prenant le mot "grandeur" en son sens le plus général (on entend par grandeur, tout ce qui est susceptible d'augmentation et de diminution, aussi bien un nombre qu'une portion d'espace), on peut dire que les mathématiques sont la science des grandeurs.

En ce sens, les mathématiques apparaissent comme les plus abstraites et les plus générales des sciences. La logique formelle (qui traite des concepts, des jugements et des raisonnements indépendamment de leur contenu, et qui pourrait ainsi paraître plus générale encore) n'est pas science à proprement parler. Elle n'étudie pas ce qu'il y a de plus général dans les choses, mais la pensée elle-même. Aussi, prend-elle un caractère normatif: son but est de déterminer les conditions de la pensée juste. Elle appartient à la philosophie.

 

a) Les mathématiques pures considèrent les idées de quantité, de nombre et de rapport sans les supposer en aucun objet particulier.

Ainsi, l'arithmétique étudie le nombre indépendamment de son contenu. L'algèbre, plus abstraite encore, désigne un nombre quelconque par une lettre et, laissant toute valeur particulière indéterminée, n'étudie que des rapports entre les valeurs: y = x3 + 6.

b) Avec la géométrie intervient la notion de grandeur concrète, d'espace. La géométrie est "la science des propriétés de l'étendue" ou, si l'on veut, "la science des formes ou des figures qu'il est possible de tracer dans l'espace" (Lalande). On peut donc considérer la géométrie comme une première application des mathématiques.

Les grandeurs concrètes peuvent être comparées les unes aux autres, déterminées les uns par rapport aux autres: autrement dit, elles peuvent être mesurées. Or, la géométrie tend à ne plus considérer dans une grandeur que le fait qu'elle est mesurable. Elle ramène donc la notion de grandeur concrète à la notion de quantité mesurable.

 

c) On peut se demander, dès lors, s'il y a une mathématique ou des mathématiques, et s'il ne convient pas de distinguer les mathématiques concrètes (telle la géométrie, étudiant l'espace) et les mathématiques pures, étudiant les quantités discontinues.

Mais, ces deux parties tendent à s'unir: les mathématiques sont un effort vers la quantité pure, et cet effort a, dans une large mesure, abouti. Descartes a montré que l'objet de la géométrie peut être exprimé dans le langage des équations: il a découvert en effet la géométrie analytique, qui "traduit les figures et les propriétés géométriques au moyen de l'analyse, c'est-à-dire de l'algèbre, en exprimant chaque point d'une figure par ses coordonnées." (Lalande). Le calcul infinitésimal (découvert par Newton et Leibniz) a permis d'exprimer les variations continues dans le langage du nombre.

B) Les définitions mathématiques.

                On appelle "définition", une proposition nous faisant connaître les caractères essentiels d'un objet ou d'une idée. S'il s'agit d'un objet d'expérience sensible, la définition est toujours incertaine et provisoire: on peut avoir mal observé, pris pour des éléments généraux de simples accidents, négligé des caractéristiques qui seront découverts par la suite.

Au contraire, la définition mathématique semble spécifier l'essence même de ses objets: elle n'apparaît pas, en effet, comme le résultat d'expériences multiples opérées sur un réel donné; il semble que ce soit par elle que le mathématicien se donne l'objet qu'il va étudier.

Les définitions mathématiques énoncent le plus souvent la loi de construction d'un nombre ou d'une figure: elles sont constructives et génératrices (ainsi, le cercle est la figure engendrée par le mouvement d'un point qui se meut dans un plan en restant toujours à la même distance d'un point fixe appelé centre).

A la différence de la définition empirique, celle des mathématiques paraît donc être la cause et non l'effet de son objet. Elle ne dépend pas d'une réalité extérieure à elle, elle pose et engendre une nature. Elle est "a priori" et, par là même, claire et universelle, définitive et immuable.

                En toutes les sciences, on distingue l'objet -qui est ce sur quoi  porte la science-, et la méthode -qui est l'ensemble des procédés mis en oeuvre pour connaître l'objet. Il y a une extériorité de l'objet et de la méthode, celle-ci résultant précisément de l'effort fait pour réduire l'objet.

En mathématique, au contraire, il semble que l'objet soit intérieur, intrinsèque à la méthode, puisqu'il paraît crée par les définitions: on peut donc se demander quelle est la véritable nature de cet "objet mathématique" et si les mathématiques doivent être considérées comme des sciences de la Nature à l'instar de la biologie, de la physique, ou comme des sciences de l'esprit tel que la métaphysique?

                Les rationalistes ont prétendu que les notions mathématiques étaient extraites de notre propre esprit et non de l'expérience (possible). Ainsi, Henri Poincaré, ayant déclaré que la géométrie a pour objet "certaines solides idéaux", ajoute: "La notion de ces corps idéaux est tirée de toutes pièces de notre esprit, et l'expérience n'est que l'occasion qui nous engage à l'en faire sortir". L'expérience, en effet, ne nous présente ni point mathématique, ni droite, ni nombres infinis dans leur absoluité: ces notions sont engendrées par l'esprit; et par là même, parviennent à atteindre des vérités universelles, nécessaires et certaines (alors que les sciences physiques soumises à l'expérience, ne peuvent parvenir à la certitude).

                Selon les empiristes, au contraire, l'esprit livré à lui-même, n'engendrait rien. Les notions mathématiques ont été tirées de l'expérience. Celle-ci nous propose l'image d'un corps: en considérant, par abstraction, son contenu, nous aurons une figure géométrique. L'expérience nous présente une pluralité d'objets; en considérant, par abstraction, leur multiplicité, nous parviendront à l'idée de nombre.

               

                Les conceptions rationalistes et empiristes paraissent contenir chacune une vérité. Il est vrai que la reconstruction du réel selon l'esprit (qui est le propre de toute science) est, en mathématique, poussée si loin que tout y paraît issu de l'esprit. Mais, il n'en a pas toujours été ainsi. Les premiers objets mathématiques, ce furent les figures géométriques (triangles, rectangles,...) que l'on peut toucher et voir, et sur lesquels s'exerçaient l'action humaine. L'arithmétique fut d'abord un ensemble de règles de calcul (le système semble y provenir de ce que l'homme compta d'abord sur ses  dix doigts. Les mathématiques eurent donc avant tout pour objet la mesure des grandeurs données par l'expérience: leur découverte fut inséparable de l'effort fait par l'homme pour connaître le monde en vue de l'action pratique et pragmatique.

Mais, l'homme s'est élevé à des conceptions de plus en plus  abstraites. Considérant à part le contour des corps, puis une surface indépendamment de toute épaisseur, une ligne indépendamment de toute largeur, rectifiant ses notions (il n'existe pas dans la nature de cercles parfaits), les combinant parfois pour en créer de nouvelles (ainsi le polygone à mille côtés), il est parvenu à reconstruire selon ses exigences des figures pures de l'espace. Considérant, par abstraction, le fait qu'un objet est susceptible d'augmentation ou de diminution, il est parvenu à la notion de grandeur; puis en retenant, dans la grandeur que le fait d'être mesurable, il l'a ramené à la notion de quantité.

Il est arrivé ainsi à des notions simples entre lesquelles il a établi des rapports constants et clairs, des lois de variation corrélatives. Il a même amené ces notions à leur limite (idée d'infini), il les a transformées de telle sorte qu'elles ne répondent plus à aucune réalité expérimentale (ainsi, par une série d'abstraction et de constructions, il s'est élevé successivement aux notions de nombre entier, de nombre fractionnaire, de nombre irrationnel, de nombre négatif, de nombre relatif ou algébrique, de nombre imaginaire.

                L'homme a donc fait sortir du monde donné un monde  conforme à la nature de son esprit: c'est pour cela que les définitions mathématiques semblent émaner de la seule activité créatrice de l'esprit, et procèdent par reconstruction mentale, selon des lois que l'esprit lui-même a posées.

                Les définitions mathématiques paraissent en ce sens comme des conventions. Mais, les notions qu'elles engendrent n'en portent pas moins la marque de leur origine expérimentale. Les définitions mathématiques supposent, en effet, certains matériaux: l'unité en ce qui concerne le nombre, l'espace en ce qui concerne les figures. Ces matériaux sont des données pures (de notre entendement dira Kant). Ils ne peuvent être conçus que par une intuition passive, une constatation.

C) Axiomes et postulats mathématiques.

                Le raisonnement mathématique est déductif: il est donc pleinement nécessaire, et s'opère selon les lois de notre raison. Autrement dit, le raisonnement mathématique est basé sur des axiomes . Ils sont des propositions générales et s'appliquant à toutes les grandeurs; indémontrables, mais exprimant des rapports logiquement nécessaires: les axiomes sont donc évidents, ils s'imposent à notre raison, ils ne sont que l'expression de sa loi essentielle: le principe d'identité, qu'ils traduisent en langage mathématique, (ainsi, deux quantités égales à une troisième sont égales entre elles). On admet généralement que les axiomes sont posés à la base même des mathématiques. En fait, ils interviennent sans cesse et de façon presque inconsciente, dans la démonstration.

 

                Des définitions et des axiomes, on a longtemps distingué les postulats; on appelle ainsi des propositions qui, comme les axiomes sont indémontrables, mais que l'on ne peut prendre pour fondement de la démonstration en demandant à l'auditeur s'il les admet: les postulats, en effet, ne sont pas évidents à la raison. En outre, ils sont spéciaux, et ne s'appliquent qu'à certaines grandeurs. Ainsi, le postulat d'Euclide déclare que par un point on ne peut mener une parallèle et une seule. Les postulats, n'étant pas logiquement nécessaires, peuvent être rejetés sans contradiction: certaines géométries telles que celle de Lobatschevski et Reimann, ont refusé le postulat d'Euclide et fondé par là même des géométries non-euclidiennes.

               

                Que les postulats, introduisent des affirmations non évidentes et non démontées, semblent enlever à la certitude mathématique, son caractère absolu. La certitude mathématique demeurera formelle et hypothétique (la seule chose que nous pourrons affirmer, c'est que les conclusions de nos déductions seront vraies que si les principes le sont). Les mathématiques ne porteront que sur des connexions logiques, idéales; leur vérité ne consistera point dans leur accord avec le réel, mais dans leur cohérence interne.

 

                On peut estimer, au contraire, que les postulats ont pour but de nous permettre d'établir une science en accord avec le réel. L'espace d'Euclide nous demande d'admettre un espace à trois dimensions, homogène, isotrope et sans courbure; et cet espace semble contenir et définir notre expérience quotidienne.

Aussi, les postulats euclidiens paraissent-ils avec une certaine évidence, non une évidence rationnelle, mais une évidence sensible. Les postulats sont vérifiés comme des hypothèses relatives à la nature de l'espace réel.

 

                Mais, en ce sens, les vérités mathématiques perdront leur caractère de certitude absolue. On comprend ainsi la phrase d'Einstein: " Pour autant que les propositions de la mathématique se rapportent à la réalité, elles ne sont pas certaines, et, pour autant qu'elles sont certaines, elles ne se rapportent pas à la réalité".

On aperçoit par là même les conditions de la certitude. Elle ne peut être complète que si tout est produit, crée par l'esprit, mais elle est pour autant hypothétique et formelle.

Si, au contraire, l'esprit énonce des affirmations relatives à un réel extérieur à lui, il ne peut parvenir à la certitude totale.

Il semble donc que, même en mathématique, l'assimilation du réel par l'esprit soit problématique et ne puisse être complète. Ce réel semble contenir un principe de résistance, d'hétérogénéité à la raison: de ce fait, il ne peut y avoir de science purement rationnelle et logique.

D) La démonstration mathématique.

                Les vérités mathématiques sont démontrées, c'est-à-dire rattachés par une déduction rigoureuse à des propositions admises pour vraies, et, en dernière analyse aux définitions, axiomes et postulats.

                La démonstration mathématique présente deux caractères essentiels qui font sa valeur:

 

a) Elle s'opère selon les lois de la raison; elle est donc absolument nécessaire. Si l'on admet ses prémisses, sa conclusion apparaîtra comme certaine. Tout raisonnement scientifique a une fonction de vérification de preuves. Mais, pour prouver le physicien se contente de vérifier l'accord de la loi qu'il énonce avec les faits. Le mathématicien veut démontrer son théorème, c'est-à-dire établir sa vérité par une déduction rationnelle.

 

b) La démonstration  mathématique est non seulement nécessaire mais féconde. Elle accroît notre connaissance et comporte un véritable progrès.

 

               

                Et, c'est précisément pour rendre compte de cette fécondité qu'Henri Poincaré a rapproché le raisonnement mathématique de l'induction, voulant y voir une sorte d'induction totalisante. Pour lui, le raisonnement-type en mathématique est celui par récurrence (étant démontré qu'une propriété vraie pour un nombre entier quelconque X est vraie pour le suivant X+1).  Mais, comme le remarque Goblot, le  raisonnement par récurrence, outre qu'il n'est pas général en mathématique, contient une démonstration: il ne peut donc rendre compte de la démonstration. Dès lors, on peut se demander comment le raisonnement mathématique peut être à la fois nécessaire et fécond.

Le type de raisonnement nécessaire est fourni par le syllogisme. Nécessité parce que la vérité qu'affirme la conclusion est déjà contenue dans les prémisses. Mais, la pensée n'y avance pas.

Le type du raisonnement fécond, c'est l'induction; mais l'induction n'est féconde que parce que l'esprit y affirme plus qu'il ne sait: il généralise et, logiquement sa démarche contient de l'arbitraire.

                Comme donc nécessité et fécondité, peuvent-elles être réunies en un même raisonnement?

A vrai dire, la démonstration mathématique comporte deux facteurs: l'un de déduction pure et l'autre de création. Le raisonnement mathématique est nécessaire parce qu'il est déductif; mais s'il est fécond, c'est qu'il ne se contente pas de tirer analytiquement des vérités nouvelles de vérités anciennes; ces vérités nouvelles, il les construit. Le raisonnement mathématique comporte une invention, une activité constructive, il met en jeu la spontanéité créatrice de l'esprit. Comment se manifeste cet acte créateur?

Il s'agira de mettre en lumière des équivalences entre des grandeurs non immédiatement comparables, et ce, par superposition, par série de substitution intermédiaire. La démonstration mathématique suppose l'activité de l'esprit, découvrent des liaisons, effectuant des opérations, construisant des dispositifs. Par exemple, en géométrie, par le prolongement de lignes, transformation de figures; ou en algèbre, par le fait de faire passer une quantité d'une équation dans une autre. A titre indicatif, considérons l'équation suivante: x2 + 16= 0. Par substitution, on pose: 16= 42 , puis x2 - 42 par (x+4) (x-4) = 0. Sachant que, pour que le produit de deux facteurs soit égal à zéro, il suffit que l'un des deux soit nul; j'annulerai successivement chacun des deux facteurs et verrai alors que x=  +4 ou -4.

                Le procédé consiste donc toujours à découvrir en certain nombre de substitutions possibles parvenant à mettre en lumière l'égalité cherchée.

Mais, la raison n'en est pas moins déductive donc nécessaire. La conclusion y apparaît comme la conséquence nécessaire des principes posés. Une fois, les dispositifs effectués, l'esprit se livre comme dans le syllogisme, à une véritable constatation logique: il reconnaît, par une sorte d'intuition rationnelle, que la proposition à démontrer, si elle n'est pas contenue dans les prémisses, est du moins telle qu'elle doit nécessairement être admise si les prémisses le sont.

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