Pascal et la Religion
Publié le 20/07/2010
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UNE APOLOGIE DE LA RELIGION CHRÉTIENNE. Si Pascal place au coeur de ses Pensées la Grandeur et la Misère de l'homme, c'est dans un but apologétique. Il s'inscrit en effet dans un courant de l'Eglise qui est la Défense de la Religion (cf. Saint-Augustin). Pascal avait en effet prononcé une conférence à Port-Royal au cours de laquelle il avait semble-t-il définit les grandes lignes de sa future apologie de la religion chrétienne. Il s'agit pour lui de s'adresser aux hommes mais plus particulièrement aux libertins, afin de les convaincre de la valeur de la religion catholique. En effet, il exploite un argument personnel, celui des « contrariétés « pour montrer qu'aucune philosophie n'est pas capable d'expliquer ces dernières, qui ne peuvent selon l'auteur se résoudre que dans la Foi et le Christianisme. I. Les Contrariétés. Les contradictions de l'homme constituent un argument essentiel dans la pensée pascalienne, que l'auteur exploite massivement. On a vu que l'homme est à la fois grand et misérable, et cette dualité constitutive de l'homme se manifeste dans l'oeuvre de manières diverses. A. Une étrangeté constitutionnelle de l'homme. L'homme est un être monstrueux par son aptitude à penser qui s'oppose à la bassesse de ses désirs. Pascal évoque chez l'homme deux instincts contraires, ou « deux natures opposées «. En effet, l'homme adhère à la lourdeur de la terre tout en aspirant à la légèreté et à la perfection. Cette dualité va se traduire par un double mouvement ascendant et descendant : l'homme n'est ainsi « ni ange ni bête «, mais il est un petit peu des deux. Cette dichotomie de l'homme va se traduire dans les Pensées par l'emploie fréquent de la conjonction « et « qui va prendre la valeur adversative de « mais « - « Nous avons une idée du Bonheur et nous ne pouvons y arriver « (frg. 122) ; « Il croit chercher le repos et ne cherche que l'agitation « (frg. 126), cf. La jointure du paradoxe d'A. Bégain). C'est ce qu'on appelle la palinodie. Cette figure de style est ainsi extrêmement présente chez Pascal, mettant en exergue les contradictions humaines : « Les hommes sont tous ensemble indigne de Dieu et capable de Dieu". Pascal rejoint ici les moralistes du XVII° siècle pour qui l'homme est déroutant. Le mot « étrange « est récurrent dans le vocabulaire pascalien (frg. 129, 185, 398, etc.) L'homme est donc selon Pascal un « monstre incompréhensible « (frg. 121) + « Que nous crie donc ce chaos ? « (frg. 194). L'homme est une sorte d'oxymore biologique du fait de ces contradictions.
B. L'homme est aussi un milieu « entre rien et tout «. La conception de l'univers comme un univers infini est récente au XVII°, et conduit à une déstabilisation de l'homme, qui n'est plus au sein d'un monde immuable et rassurant. Pascal, en tant que scientifique, analyse cette notion qui montre encore une fois la dualité de l'homme. En effet, l'homme est un « égaré dans ce canton de la Terre «, mais l'auteur montre également qu'il est un colosse par rapport à l'infiniment petit auquel le microscope permet récemment d'accéder. Il est un tout à l'égard du néant de ce point de vue, mais reste un rien par rapport au grand tout de l'univers. La place de l'homme est donc bien un entre-deux, car il est coincé. L'homme prend alors conscience du tragique de sa condition et doit se résoudre à sa finitude. Pascal provoque donc un vertige chez le lecteur (frg. 185 ou 43) qui doit le ramener à se tourner vers Dieu et à rallier la réalité qui est la sienne. En effet, le salut ne peut se trouver que dans la Foi qui est seule capable d'expliquer les contradictions de l'homme et lui restitue son unité perdue. Les différentes philosophies sont en effet impuissantes face à ces contrariétés. II. Des philosophies incomplètes. Pascal s'en prend ici à deux systèmes philosophiques que sont le dogmatisme et le pyrrhonisme, car chacun ne saisit qu'une seule facette de l'homme sans rendre compte de la réalité de sa condition. A. Le dogmatisme Il est mis en cause car il pense que l'homme peut tout maîtriser et ne voit ainsi que sa Grandeur. Pascal vise ici Descartes et Epictète. Selon Descartes, l'homme peut arriver à la vérité par la Raison seule. Sa conception du corps comme animal-machine et sa mise en évidence de l'homme comme être pensant (cogito ergo sum) influence Pascal, mais ce dernier reproche à Descartes de parvenir à des constations théoriques abstraites qui font un absolu de la Raison et flatte la présomption de l'homme. « Qu'en ont-ils connu ces grands dogmatiques qui n'ignorent rien ? « (frg. 56). Pascal n'est pas fondamentalement opposé à la démarche scientifique de Descartes mais le cogito et le cartésianisme dans son ensemble n'explique pas la misère de l'homme. Pour Epictète aussi, l'homme peut régler sa vie sur la Raison qui lui permet de maîtriser ce qui dépend de lui. Le stoïcisme a pour ambition de maîtriser les passions et de se préparer à la mort, de l'accepter comme résignation à l'ordre du monde. Or, pour Pascal, le stoïcisme flatte là encore l'orgueil de l'homme qui croit alors de façon présomptueuse pouvoir dompter sa nature (cf. frg 92).
B. Le pyrrhonisme et le scepticisme. Cette doctrine donne elle aussi une explication insuffisante car elle ne voit que la misère de l'homme. Selon Pyrrhon, il n'y en effet rien de certains, ce qui légitime le doute systématique. Montaigne se fait l'écho de cette philosophie, car pour lui aussi l'homme n'a pas accès à la Vérité. Cette philosophie va séduire les libertins qui vont étendre ce doute à la religion elle-même. Pascal se réfère souvent à Montaigne pour montrer l'insuffisance de l'homme (cf. fragment 41, 31 et 56 : « les braves pyrrhoniens en leur ataraxie, doute et suspension perpétuelle «. Cependant, il montre ensuite que le pyrrhonisme s'arrête en chemin : « La nature confond le pyrrhonisme et la raison confond les dogmatiques. Il renvoie donc dos à dos les deux systèmes de pensées. En effet, le pyrrhonisme est condamné à l'échec, car il ne peut remettre en question l'existence d'un sujet pensant : « doutera-t-il s'il est ? «. Le doute généralisé n'est en effet pas permis et ne constitue qu'une étape transitoire dans la réflexion.
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