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Ressource gratuite : La justice n'est-elle que l'expression de rapports de force?

Publié le 22/07/2010

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justice

Exemple d'introduction:    « La raison du plus fort est toujours la meilleure «. Par cette phrase, La Fontaine nous rappelle, certes ironiquement, que le plus fort est souvent celui face à qui l'on finit par céder. Pourtant, la force peut-elle réellement établir une forme de justice? La justice, en effet, suppose de réguler les rapports entre individus afin, notamment, d'éviter les conflits, d'assurer une forme de paix et d'équité, au moins à l'intérieur d'une communauté. Le force, au contraire, ne se veut pas égalitaire: elle ne crée pas d'équilibre, mais agit comme une contrainte. Quand elle s'applique, elle ne nous laisse aucun choix. Les règles de justice, de l'ordre de l'obligation, nous laissent toujours libres d'agir en conscience, quitte à en subir les conséquences. Pourtant, nous voyons bien que la justice s'accompagne toujours de sanctions, c'est-à-dire d'un usage de la force visant à limiter les écarts par rapport à ce qui a été considéré comme juste. La force semble nécessaire à l'application de la justice. Si l'usage pur et simple de la force ne semble pas donner de droits à quiconque, nous voyons bien, dans les faits, que la justice, pour être efficace, doit le plus souvent pouvoir s'appuyer sur la force. Qu'est-ce qui nous garantit que la justice ne soit pas alors une sorte de rapport de forces déguisé? Pouvons-nous concevoir une justice qui ne s'appuie pas sur la force? Nous aborderons ces questions au travers de trois perspectives. Tout d'abord, nous nous demanderons si, par nature, l'opposition entre justice et force n'est pas inévitable. Puis nous nous interrogerons sur la portée réelle de cette écart entre force et justice. Cela nous conduira finalement à nous interroger sur la nécessité de la force dans l'établissement de la justice.    Proposition de plan:    I) En quoi la justice et la force sont-ils par nature distincts?    1. Si on m'agresse et qu'on me prend par la force mes possessions, mon agresseur aura appliqué une contrainte sur moi. Il ne s'agit dans cet exemple que de céder à une puissance naturelle plus importante. La contingence de ma liberté est niée: je ne peux que constater que la force, quand elle s'applique, s'applique nécessairement. Il ne peut en être autrement; sinon, il ne s'agit que de dire qu'elle ne s'est pas appliquée. Face à la justice, au contraire, j'ai encore le choix. Tandis que la justice règle la conscience de mes actes, et peut être reliée à ma liberté, la force agit comme une cause déterminante sur mes actes.    2. C'est pourquoi Rousseau, dans le Contrat Social, suggère que l'idée même d'un « droit du plus fort « est contradictoire. Force et justice sont de nature différente: la première s'applique telle une contrainte à ce que nous faisons, la seconde suppose notre liberté, et notre capacité à comparer des raisons. Nous cédons face à la force, ou nous lui appliquons une force opposée. Mais nous choisissons de suivre la justice (ou le droit qui en est l'expression), peut-être par crainte de la sanction, certes, mais nous avions toujours le choix. Autrement dit, la force ne peut créer l'obéissance qui caractérise notre rapport à la justice.    3. Ainsi, la force apparaît comme ce qui, par nature, ce distingue de la justice. Quand la force peut s'appliquer sans limitations, il n'y a pas de droit, seulement des puissances qui s'affrontent. Le droit apparaît pour remplacer la force, et c'est alors seulement qu'on peut parler de justice. C'est ce que montre Hobbes dans le Léviathan: ce qui caractérise le passage de l'état de nature, qui est un état de guerre, à l'état civil, dans lequel les rapports humains sont régis par des lois, c'est le fait que, par « contrat «, par convention, les hommes renoncent à l'usage de la force pour mieux préserver leur liberté (garantie par la sécurité).    II) La justice peut-elle se passer de la force?    1. La justice n'est pas la force, donc, mais la justice ne manque pas de s'appuyer sur la force. Tout Etat a besoin, pour préserver ses droits, de faire usage de la force, ne serait-ce que pour se protéger (« Si vis pacem, para bellum «). Au sein d'un Etat, l'usage de la force encadré par le droit est normalement considéré comme l'expression légitime de la justice. Et, plus encore, historiquement, nous pouvons constater qu'un Etat est plus souvent apparu suite à une série de conflits que par un accord entre les hommes    2. C'est que, comme le rappelle Pascal dans les Pensées, aussi distincts que soient la force et la justice, le respect pour la justice n'est spontané pour personne. Chacun a tendance à chercher à étendre les limites dans lesquelles il peut agir, au niveau individuel ou au niveau politique. Autrement dit, si l'on espère appliquer la justice, il faut bien constater que le recours à la force est inévitable: il est, de ce fait, nécessaire.    3. Cela revient alors à dire que la nécessité de l'opposition entre force et justice s'oppose à la nécessité de recourir à la force pour appliquer le droit. Nous nous trouvons face à un paradoxe, qui ne peut être résolu, toujours selon Pascal, qu'à partir du moment où le plus fort réussit, par artifices politiques divers, à faire passer l'expression de sa force dans des règles de droit. Pour rendre l'obéissance au droit spontanée, il faut commencer par habituer autrui à y obéir, et le contraindre si nécessaire. Dès l'origine du droit, et donc de la justice, la force détermine son application et, au final, ce qu'il peut être.    III) La force détermine-t-elle nécessairement le contenu du droit?    1. Le problème, dans cette perspective, c'est que la justice devient aussi relative que l'application de la force. Il n'y a pas de progrès de la justice qui soit possible, seulement des rapports de force qui varient, en fonction du succès qu'ils rencontrent. Il n'y aurait alors aucune norme de justice à partir de laquelle on pourrait évaluer le droit. La force donnerait à la justice sa finalité.    2. Or, c'est précisément ce point que Kant conteste dans l'Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique. Pour lui, si, à l'origine, le droit n'est pas moral et n'a pas à l'être, s'il doit alors nécessairement s'appuyer sur la force, cela ne veut pas dire qu'il doit toujours en être ainsi. Autrement dit, si le droit doit nécessairement s'appuyer sur la force pour s'appliquer, et même pour être simplement instauré, cela ne veut pas dire que la force fixe ce que le droit doit être, de manière telle que la justice se réduirait au droit ainsi institué.    3. Au contraire, selon Kant, la justice et la force ont une finalité radicalement opposée: l'un doit assurer notre liberté politique, l'autre nous protéger des contraintes extérieures. Or, si la finalité de la justice est de maximiser la liberté, il s'agira avant tout de limiter les seules contraintes. Le progrès de la justice ne se manifeste pas par une plus grande force, mais par un jugement (moral) qui me pousse à mieux appliquer le droit. Si à l'origine, la justice s'accompagne nécessairement de la force, il n'est pas moins nécessaire que la justice finisse par se distinguer de la force  Exemple de conclusion:    Il faut donc distinguer ce qu'est de fait la justice de ce qu'elle doit être. Il va de soi que la justice s'oppose à bien des intérêts individuels, que les règles de justice (telles qu'elles se manifestent dans le droit notamment) ne sont que très rarement parfaites (pour autant qu'elles puissent l'être), et que nous avons besoin de la force pour avoir une justice efficace. Mais cela ne les rend pas superposables. Même s'il n'est pas toujours aisé de les distinguer, la norme de la justice ne saurait venir de la force: ainsi, un progrès dans la justice doit toujours aller vers un écart vis-à-vis du simple usage de la force. Apprendre à respecter ce qui est juste (par ex. le droit), ce n'est nullement respecter la force. L'usage de la force sera sans doute toujours en partie nécessaire, mais il n'est pas moins nécessaire d'en limiter la portée afin que la justice puisse accomplir sa finalité. Autrement dit, l'opposition entre force et justice demeure: il ne s'agit pas d'une opposition de fait, mais une opposition en droit. C'est pourquoi le recours à la force, s'il peut se faire passer pour juste, ne fonde jamais la justice.

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