« Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques. » Expliquez et développez ce vers célèbre d'André Chénier, en vous attachant surtout à montrer quels « sujets » nouveaux la civilisation a pu offrir, depuis cent ans environ, aux écrivains.

Pour traiter ce sujet vous avez évidemment à rassembler des faits; et le mieux sera de passer en revue, à peu près chronologiquement, les écrivains du XIXe et du XXe siècle que vous connaissez le mieux. Quels sujets nouveaux, nés de la civilisation, trouve-t-on traités chez eux? Chez Lamartine, pas grand'chose, du moins dans les oeuvres que vous pouvez connaître. Victor Hugo a traité des sujets sociaux, dans certains de ses poèmes ou dans les Misérables, qui posent le problème de la justice sociale et de la réhabilitation du coupable. Chez Musset, presque rien (bien qu'il ait écrit un poème sur la Loi sur la presse). Vigny traite du progrès scientifique et du sacrifice à la science dans la Bouteille à la mer ; il attaque la laideur de la civilisation industrielle dans la Maison du berger, etc. Chez Théophile Gautier, rien; la civilisation moderne lui paraît plutôt néfaste pour l'art. De même chez Leconte de Lisle, Verlaine, etc. Par contre, Verhaeren écrit des poèmes sur l'effort confus et grandiose de la vie industrielle. Pour les prosateurs : Balzac raconte l'histoire d'un commerçant (Grandeur et décadence de César Birotteau), celle d'un médecin humanitaire (le Médecin de campagne), etc. En continuant ainsi, vous aboutirez seulement à deux groupements d'auteurs : ceux qui sont hostiles,. en tant qu'écrivains, aux formes modernes de la civilisation, et ceux qui y trouvent des sujets d'inspiration. Pour faire connaître ce deuxième groupe, ce qui est votre principal sujet, il vous est difficile de procéder, comme nous venons de le faire, par une énumération chronologique, même en la subdivisant par genres (poètes, romanciers, hommes de théâtre, etc.). Il faut faire la synthèse en rapprochant les sujets d'inspiration analogue. Vous distinguerez ainsi l'étude de la civilisation scientifique et par là industrielle (Vigny, Sully Prudhomme, Verhaeren, etc.) ; celle de la civilisation démocratique et sociale (V. Hugo, romans de George Sand, certaines pièces d'A. Dumas fils, etc.) ; celle de la philosophie de la civilisation, cherchant le sens de cette civilisation dans les derniers progrès réalisés (V. Hugo, parfois Sully Prudhomme ou Verhaeren, derniers romans d'Emile Zola, etc.).