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LES IDÉES MORALES ET RELIGIEUSES (Emile, Livre IV: La Profession de Foi du Vicaire Savoyard) - Rousseau

Publié le 02/04/2011

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7. La Conscience    ... Après avoir ainsi de l'impression des objets sensibles et du sentiment intérieur qui me porte à juger des causes selon mes lumières naturelles, déduit les principales vérités qu'il m'importait de connaître, il me reste à chercher quelles maximes j'en dois tirer pour ma conduite, et quelles règles je dois me prescrire pour remplir ma destination sur la terre, selon l'intention de celui qui m'y a placé. En suivant toujours ma méthode, je ne tire point ces règles des principes d'une haute philosophie, mais je les trouve au fond de mon cœur écrites par la nature en caractères ineffaçables. Je n'ai qu'à me consulter sur ce que je veux faire : tout ce que je sens être bien est bien, tout ce que je sens être mal est mal : le meilleur de tous les casuistes est la conscience; et ce n'est que quand on marchande avec elle qu'on a recours aux subtilités du raisonnement. Le premier de tous les soins est celui de soi-même : cependant combien de fois la voix intérieure nous dit qu'en faisant notre bien aux dépens d'autrui nous faisons mal ! Nous croyons suivre l'impulsion de la nature, et nous lui résistons ; en écoutant ce qu'elle dit à nos sens, nous méprisons ce qu'elle dit à nos cœurs : l'être actif obéit, l'être passif commande. La conscience est la voix de l'âme, les passions sont la voix du corps. Est-il étonnant que souvent ces deux langages se contredisent ? et alors lequel faut-il écouter ? Trop souvent la raison nous trompe, et nous n'avons que trop acquis le droit de la récuser : mais la conscience ne trompe jamais ; elle est le vrai guide de l'homme ; elle est à l'âme ce que l'instinct est au corps; qui la suit obéit à la nature et ne craint point de s'égarer...   

C'est dans la Profession de Foi du Vicaire Savoyard, au Livre IV de l'Emile, que Rousseau a exprimé ses idées morales et religieuses. Emile a alors quinze ans et il est temps de lui donner cet enseignement. Rousseau suppose donc qu'un vicaire de campagne a jadis amené un 5 jeune expatrié (Rousseau lui-même), au soleil levant, sur une colline, d'où l'on domine la vallée du Pô. En face de ce magnifique spectacle, le vicaire lui a expliqué pourquoi il croit en Dieu et comment il conçoit la religion. Le passage à commenter résume les points les plus importants de cette profession.   

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« prouver que tout en nous, même l'instinct, vient de notre expérience.

Après Montaigne qui avait écrit : « Les lois dela conscience que nous disons naître de la nature, naissent de la coutume » (I-22), ils avaient cherché à montrerque les injonctions de la conscience morale varient avec les peuples et les différents siècles.

Helvétius en particulierdans son livre l'Esprit, voulant fonder une morale sur une connaissance de l'homme et de la Société, avait rappeléque les impératifs de la loi morale dépendent en grande partie des mœurs et du degré de civilisation.

QuandRousseau commença à écrire la Profession de Foi du Vicaire Savoyard, il n'avait pas encore lu ce livre et il s'étaitefforcé, comme dans la Nouvelle Héloïse, de tenir la balance égale entre les philosophes et les dévots.

Mais lalecture de l'Esprit le bouleversa; il ajouta à son texte initial une critique très violente de ses adversaires, aveclesquels il venait d'ailleurs de se brouiller, et opposa sa méthode (En suivant toujours ma méthode) à la leur.

Nonseulement il prit la défense de l'instinct, mais encore il insista sur les caractères ineffaçables de la consciencemorale et la simplicité de ses commandements (Je n'ai qu'à me consulter).

Il affirma que même dans les problèmesmoraux les plus litigieux qui semblaient relever de la casuistique, ou science des cas de conscience, le bien nousétait clairement indiqué par la voix de notre lumière intérieure et qu'en fin de compte, elle était, quoi qu'on puissedire, notre guide le plus sûr et le plus précieux. III.

Le problème du mal. Suivant le sens qu'on donne à ce mot, le mal se présente sous deux aspects : le malheur et le vice.

De toute façonle problème du mal est fréquemment invoqué par les incrédules, soit que, dans le premier cas, ils y voient une raisonde douter de la bonté et de la justice divines, soit que, dans le second, ils en déduisent un obscurcissement de laconscience morale, qui est, pour les croyants, la preuve évidente de l'existence de Dieu.

Rousseau avait envisagé lepremier cas dans sa Lettre à Voltaire sur la Providence (18 août 1756); il y avait déclaré que le mal est indépendantde la volonté de Dieu.

Il lui restait à envisager le second cas : c'est ce qu'il fait dans la troisième partie du texte(depuis : nous croyons suivre l'impulsion de la nature).

Nos vices sont innombrables (combien de fois...

souvent...trop souvent), mais il faut en chercher la cause non en dehors de nous, mais en nous.

Selon Rousseau, l'homme aen effet une double nature : une âme, être actif et substance immatérielle qui parle à nos cœurs (la conscience estla voix de l'âme), et un corps, être passif, qui a ses passions (les passions sont la voix du corps).

Nous sommespartagés entre deux tendances qui souvent se contredisent.

Si nous écoutons la voix de l'âme, l'être actifcommande et tout est bien; si nous écoutons la voix du corps, en méprisant les avertissements de l'âme, alors l'êtreactif obéit et nous faisons le mal.

Il n'en reste pas moins que, libres de choisir entre l'âme et le corps, nous portonsl'entière responsabilité de nos actes : Homme, avait-il déjà dit, ne cherche plus l'auteur du mal, cet auteur, c'esttoi-même, et nous sommes d'autant plus inexcusables que Dieu nous a donné un guide infaillible pour nous maintenirdans la voie du Bien.

Le mal est donc bien la conséquence de notre liberté, mais, comme Dieu est juste, il punira unjour les méchants et récompensera les bons et tout à la fin rentrera dans l'ordre. Cette conscience, qu'il définira plus loin un principe inné de justice et de vertu, sur lequel, malgré nos propresmaximes, nous jugeons nos actions et celles d'autrui, comme bonnes ou mauvaises, est la clef de voûte des idéesmorales et religieuses de Rousseau.

Il dira d'elle qu'elle est un instinct divin, une immortelle et céleste voix ; il netarira pas de ferveur lyrique pour le glorifier, et l'on peut s'en étonner quand on sait qu'il a commis lui-même lesfautes les plus graves.. »

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