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Peut-on se mentir à soi-même ?

Publié le 02/09/2009

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 Le mensonge est souvent considéré comme faisant partie de la nature humaine. La psychologie contemporaine affirme d’ailleurs que chaque individu ment plusieurs fois par jour sur des sujets anodins, souvent par exagération. Le mensonge consiste à tronquer ou cacher ce qu’on sait être la vérité à quelque d’autre. Selon La Rochefoucauld, «  il est aussi facile de se tromper soi-même sans s’en apercevoir, qu’il est difficile de tromper les autres sans qu’ils s’en aperçoivent. « (Maximes, n°115) Pourtant cette facilité demande beaucoup d’ingéniosité et d’intelligence. Nietzsche affirmait d’ailleurs que l’on disait souvent la vérité non parce c’était une vertu, une obligation morale mais simplement parce que cela est plus facile, que le mensonge demande l’art de la dissimulation, une attention pour ne pas être dévoilé par des contradictions. D’ailleurs, le verbe latin mentiri provient du mot mens qui signifie « intelligence «, « esprit «. Le mensonge se distingue donc de l’erreur du fait qu’il implique chez le menteur une connaissance de sa dissimulation. Quelqu’un qui nous dit quelque chose qui croît vrai se trompe certes, mais ne ment pas parce qu’il n’a pas l’intention de le faire.

            Si déjà le mensonge à autrui est compliqué et demande un certain art, comment pouvons-nous dire que l’individu peut se mentir sans s’en apercevoir ? Pourtant, la Rochefoucauld pointe dans sa maxime une expérience commune que l’on peut difficilement nier. Il est très fréquent d’entendre dans les conversations « il ne veut pas voir la vérité ; il se ment «. On pense notamment à la mauvaise foi, qui consiste à se masquer à soi-même la vérité en trouvant excuses, ou en refusant d’admettre certains défauts de notre personnalité. Mais comment cela est-ce possible ? Comment le sujet peut-il à la fois être celui qui dissimule et celui qui croît ? Il y aurait en effet une impossibilité logique : le mensonge suppose deux pôles, le trompé et le trompeur. Mais si nous concevons un sujet non plus unique mais multiple, n’est-il pas possible qu’une partie du psychisme trompe l’autre ? La conscience ne peut-elle pas être la victime de processus inconscient ? Mais dès lors la tromperie à soi ne serait-elle pas plutôt une tromperie involontaire, intentionnelle ?  

 

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« reviendraient et l'individu s'engagerait ainsi dans un cercle vicieux.

Il y aurait donc une intention de se mentir dansle premier temps qui déboucherait par une innocence, une croyance dépourvue de la dualité caractéristique dumensonge.

Vico reprenant une formule de Tacite fonde la naissance des premiers Dieux sur une fiction des hommesqu'ils crurent.

« « fingunt simul creduntque » (Ils imaginent et en même temps il croit) Cette formule, à l'inverse de celle de Montesquieu, implique une simultanéité de l'invention d'une fiction et de la croyance.

Mais la différenceréside dans le fait que l'homme en inventant la présence des Dieux ne pense pas réellement que cela soit faux.

Celane résout donc pas le problème. Faut-il alors penser comme Sartre dans L'être et le néant : « nous ne pouvons ni rejeter ni comprendre la mauvaise foi » ? En substantifiant, sur la base du doute et du cogito, le moi pensant, la conscience, Descartes institue l'homme ensujet pour lequel le mensonge à soi est impossible.

L'ego est en effet de part en part pensée consciente.

Il n'est paspossible dès lors d'avoir des pensées, des représentations qui ne seraient pas connu du sujet.

Rappelons à ce titreque l'étymologie de conscience, cum scientia renvoie à un savoir centré sur un sujet puisqu'il peut se traduire par « avec savoir ».

Le sujet est en même temps dans son essence pensée, c'est-à-dire un être qui s'apparaît à soi-même et qui existe d'abord comme conscience de soi avant d'être conscience d'objet.

Il est alors le maître de sonintériorité, coupée du monde et n'ayant besoin de personne d'autre pour fonctionner.

L'être se constitue en effetdans le doute hyperbolique qui implique la suspension de l'existence du monde mais aussi d'autrui.

Le psychismecoïncide alors totalement avec le conscient parce que le moi est le seul habitant du psychisme. Le sujet ne peut donc pas se mentir.

Nous pouvons cependant penser à un cas limite qu'évoque Descartesà propos de la liberté absolue qui provient du caractère infini de la pensée.

Dans une lettre au père Mesland, datéedu 9 février 1645, Descartes évoque la possibilité pour un homme de refuser, de nier ce que son esprit lui présentepourtant pour évident.

« Même lorsqu'une raison fort évidente nous pousse vers un parti, quoique moralementparlant, il soit difficile de faire le contraire, parlant néanmoins absolument, nous le pouvons.

Car il nous est toujourspermis de nous empêcher de poursuivre un bien qui nous est clairement connu, ou d'admettre une vérité évidence,pourvu seulement que nous pensions que c'est un bien de témoigner par là notre libre-arbitre.

» L'individu, ici, estcapable de préférer un mensonge et de se détourner de la volonté.

Mais est-ce réellement un mensonge ? Il nesemble pas puisque que l'homme reste toujours conscient qu'il a choisi le faux et ne croit pas à ce qu'il dit.

Cettesituation serait aux antipodes de la mauvaise foi puisque l'homme revendique son choix dans l'optique de prouver sonlibre arbitre.

Ce n'est pas ici pour s'inventer des excuses ou pour ne pas voir la vérité blessante que l'on refuse lavérité mais au contraire pour témoigner notre liberté. On peut chez Descartes trouver une autre manière qui se rapprocherait du mensonge à soi-même.

Lephilosophe ne sait que trop bien que l'homme n'est pas qu'une conscience désincarnée : certes, il est consciencemais il est aussi étroitement uni à un corps qui introduit une certaine obscurité et une passivité.

Le corps peut alorsintroduire une notion d'inconscient mais il ne peut en réalité illusionner complètement l'âme.

Dans Les passions de l'âme , la volonté est considérée comme capable de triompher des passions.

De même que l'homme est responsable de ses erreurs puisque l'erreur suppose toujours au préalable l'acceptation trop désinvolte de la volonté, il l'est aussides passions qu'il peut contrer.

La volonté demeure infinie et le libre-arbitre peut toujours prendre le dessus sur lecorps.

L'homme n'est jamais étranger à ces égarements : sa volonté y a toujours consentie.

Mais cette conceptionde l'homme n'est-elle pas trop héroïque ? La volonté de l'homme peut-elle être considérée à tout moment commecette faculté consciente et détachée de tout déterminisme ? N'y a-t-il pas en l'homme une volonté inconsciente quiruserait la conscience ? Revenons à la formule de Montesquieu.

Nous avons évoqué une des interprétations possibles de sonpropos : une diversion postérieure aux vues désagréables.

On peut à l'inverse soutenir que la diversion estantérieure et que l'esprit est détourné des pensées désagréables.

Il faut alors soutenir que l'amour-propre est unmécanismes indépendant mais surtout hors de la conscience.

Mécanisme automatiques mais conscient, l'hommeaurait connaissance de ce penchant qu'il le détourne.

Inconscient, cela pourrait figurer la division du psychisme telque Freud l'introduit plus d'un siècle plus tard.

Examinons donc la possibilité de fragmentation du psychisme. Si nous considérons que l'inconscient n'est pas l'influence de forces extérieures au psychisme( passions, corps,coutumes,..) que la volonté peut parvenir à maîtriser mais qu'il fait partie intégrante du psychisme, alors l'hommepeut se mentir à soi-même.

Nous pouvons même dire que le mensonge devient inévitable.

Freud produit unevéritable révolution non pas en ce qu'il parle d'inconscient( d'autres auteurs l'ont fait avant lui) mais parce qu'ilradicalise les positions et fait de l'inconscient une instance psychique autonome et presque supérieure à laconscience.

Le sujet n'est plus simplement un moi pensant et conscient mais il se constitue à partir du ça, centrepulsionnel inconscient et le sur-moi, intériorisation des interdits parentaux et culturels.

De fait, entre les processusinconscients et ceux conscients, existe une véritable barrière qui empêche à la conscience d'avoir une maîtrise.L'inconscient tel qu'il est conçu chez Leibniz par exemple crée bien une certaine opacité chez le sujet qui est dirigé. »

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