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LES PROVINCIALES DE PASCAL (Analyse)

Publié le 05/03/2011

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Historique. — Au lendemain du 14 janvier 1650, tous les Messieurs de Port-Royal étaient réunis autour d'Antoine Arnauld qui leur lisait un factum. Il y avait là Le Maître, Singlin, Arnauld d'Andilly, Nicole, et les autres chefs du parti. La réunion était grave, car les circonstances étaient critiques. C'était un conseil de guerre à la veille d'une bataille décisive.    Pour bien en comprendre l'importance, il faut reprendre les choses de plus haut. Depuis une cinquantaine d'années environ, une secte nouvelle s'était formée et se dressait menaçante en face de l'ordre des Jésuites. Elle reprochait aux disciples de Loyola d'avoir rendu la religion trop riante et trop facile. Elle les accusait de la compromettre en la pliant trop aux exigences et aux vices du monde. Et elle se proposait de rétablir la discipline austère de l'Église primitive. La véritable question était là. Lorsque, en 1G09, la mère Angélique réforma l'abbaye de Port-Royal, elle indiqua très nettement les projets des nouveaux venus.

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« point à ces choses, « puisqu'il n'y s'agit point de la foi ». La question de droit, qui « semble bien plus considérable », est, quand on a pris soin de s'informer, « aussi peuimportante que la première ».

Le correspondant du provincial, pour s'éclairer sur le fond du débat, rendit forcevisites à un docteur de Navarre « zélé contre les Jansénistes » ; à un ami de Port-Royal, « pourtant fort bon homme»; à un disciple de M.

Le Moine, et à d'excellents pères Jacobins.

Le résultat de tant de conversations est celui-ci :M.

Arnauld croit avec les docteurs de la Sorbonne « que les justes ont le pouvoir d'accomplir toujours lescommandements », mais il nie que ce pouvoir soit prochain» Que signifie au surplus ce mot? Ni le disciple de M.

LeMoine, ni les bons Pères n'ont consenti à le lui expliquer.

Et, en souhaitant que l'Académie française bannisse unterme si propre à engendrer des querelles, Pascal risque cette plaisanterie finale : « Je vous laisse cependant dansla liberté de tenir pour le mot prochain, ou non ; car j'aime trop mon prochain pour le persécuter sous ce prétexte.

» Après avoir traité de la grâce suffisante (Lettre 11) et taxé d'injustice, d'absurdité, de nullité, la censure prononcéecontre M.

Arnauld (Lettre III), Pascal s'attaque enfin, dans la IVe Provinciale, à l'ordre des Jésuites, ces redoutablesadversaires de Port-Royal. « Il n'est rien tel que les Jésuites, dit-il dès la première phrase.

J'ai bien vu des Jacobins, des docteurs et de toutesorte de .gens; mais une pareille visite manquait à mon instruction.

Les autres ne font que les copier.

» Avec son «fidèle Janséniste », le compagnon de ces excursions théologiques, Pascal est allé trouver un Jésuite « des plushabiles ».

Il le supplie de lui enseigner ce que c'est que la grâce actuelle.

Le Père, qui aime «(les gens curieux », luidonne une définition.

« Nous appelons grâce actuelle, dit-il, une inspiration de Dieu par laquelle il nous fait connaîtresa volonté, et par laquelle il nous excite à la vouloir accomplir.

» — « Mais en quoi, demande Pascal, êtes-vous endispute avec les Jansénistes sur ce sujet? » — « C'est, répond le Père, en ce que nous voulons que Dieu donne desgrâces actuelles à tous les hommes, à chaque tentation, parce que nous soutenons que, si l'on n'avait pas àchaque tentation la grâce actuelle pour# n'y point pécher, quelque péché que l'on commît, il ne pourrait jamais êtreimputé.

» La conséquence de tout cela est fort nette et le Jésuite la formule sans hésitation.

« Une action, dit-il, nepeut être imputée à péché, si Dieu ne nous donne, avant que de la commettre, la connaissance du mai qui y est, etune inspiration qui nous excite à l'éviter.

» Fort « étonné d'un tel discours », Pascal exige « de bonnes preuves ».

Pour lui donner satisfaction, le Pères'absente quelques minutes et revient u tout chargé délivrés ».

Il y a là les œuvres du Père Annat, celles de M.

LeMoine, et surtout la Somme des péchés du Père Bauny, « de la cinquième édition, encore! » Avec une admirationbéate et naïve, le Jésuite signale à ses interlocuteurs des passages où est soutenue son opinion, et il triomphe enles montrant.

Ce triomphe est de courte durée.

S'emparant des citations qu'on vient de leur lire, Pascal et soncompère démontrent qu'alors le mieux est de ne jamais penser à Dieu.

En effet, si l'on arrive à fermer complètementl'oreille aux avertissements d'en haut, on ne saura point avant de commettre une action qu'elle est mauvaise et, parsuite, on ne péchera point en l'accomplissant.

La bonne affaire pour les pécheurs « endurcis », c pleins et achevés» ! « La bonne voie pour être bien heureux en ce monde et en l'autre ! » Un peu surpris des conséquences de son « principe indubitable», le brave théologien essaie de résister et faitquelques adroites concessions.

Mais on le presse ; on l'accable de citations de l'Évangile; on retourne contre lui unephrase d'Aristote dont il se servait sans bien la comprendre, et il évite la déroute complète par une fuite précipitéequi est le dénouement plaisant du dialogue.

« Comme il pensait à ce qu'il devait dire, conclut l'auteur, on vintl'avertir que Mme la maréchale de...

et Mme la marquise de...

le demandaient.

Et ainsi, en nous quittant à la hâte :« J'en parlerai, dit-il, à nos Pères ; ils y trouveront bien quelque réponse.

Nous en avons ici de bien subtils ! » N'est-ce point là, en vérité, se tirer joliment d'un mauvais pas ? A la fin de la IVe lettre, Pascal promettait de montrer que les « excès » des Jésuites « sont beaucoup plus grandsdans la morale que dans la doctrine ».

C'est à quoi il s'emploie désormais. Il expose d'abord, toujours sous forme de conversations avec le Père, quel fut le dessein des Jésuites en établissantune nouvelle morale ; il prétend que la plupart d'entre eux sont des casuistes, et il explique la doctrine de la'probabilité qui leur est chère (Lettres V et VI).

La casuistique lui fournissant l'occasion de s'indigner et de rendreodieux ses adversaires, il en profite.

Avec ironie ou avec violence, il parle de la direction d'intention, des cas où ilspermettent l'homicide, et de leurs maxi mes concernant la justice, l'usure, les restitutions, les banqueroutes (LettresVII et VIII).

Puis, abordant la véritable question, il leur reproche avec citations à l'appui d'avoir énervé la religion parleurs complaisances pour les gens du monde et par les adoucissements apportés dans la pratique de certainssacrements (Lettres IX et X). Faussant alors compagnie à l'excellent Père, il abandonne la forme du dialogue et s'adresse directement aux Jésuitesqui avaient commencé de lui répondre.

Il revendique le droit de réfuter par la raillerie ce qui lui semble « erreursridicules » et il relève « les chicanes » de ses adversaires sur l'aumône et sur la simonie (Lettres XI et XII). Nous arrivons alors à la XIIIe Provinciale, c'est-à-dire au libelle le plus violent et aussi le plus éloquent de Pascal.Parmi les « impostures » relevées par les Jésuites, il en est une qui l'a vivement touché.

On l'accuse d'avoir attribuéfaussement à Lessius une maxime concernant le meurtre et d'avoir dénaturé sa pensée.

Le casuiste ayant écrit : «Celui qui a reçu un soufflet peut poursuivre à l'heure même son ennemi, et même à coups d'épée, non pas pour sevenger, mais pour réparer son honneur », on reproche.! Pascal d'avoir supprimé ce correctif : « J'en condamne lapratique.

» Notre auteur réplique que le correctif s'applique non à cette phrase, mais à l'article suivant : « Savoir si. »

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