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La science est-elle vraisemblable ?

Publié le 22/07/2010

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Descartes écrivait à Beeckman, le 17 octobre 1630 : « De l’eau est toujours de l’eau ; mais elle a toujours aussi un autre goût, quand on la boit à la source même, plutôt que dans une cruche ou à la rivière. « Si la culture consiste comme dit Alain, à remonter à la source pour boire au creux de sa main, c’est aussi parce que plus fraîche, l’eau prise à sa source étanchera mieux la soif de vérité. Mais où est la source à laquelle s’abreuver et d’où coule-t-elle ? Où chercher la vérité ? Descartes, dès le titre de son Discours de la Méthode, répond « dans les sciences «, qui nous font connaître les lois de la nature et doivent nous rendre « comme maîtres et possesseurs de cette nature «. En effet, la science est par définition, la démarche qui vise à explorer, décrire, expliquer et prévoir les éléments du monde dans lequel nous vivons. On peut dire qu’elle est la recherche de la vérité à partir des faits. En ce sens, il s’agit de traiter quelques questions problématiques concernant la relation entre les théories scientifiques et le monde auquel elles sont censées s’appliquer. D’une part nous avons affaire à des théories scientifiques qui sont des constructions humaines sujettes à des modifications et des développements, peut-être sans fin. D’autre part, nous avons affaire au monde auquel ces théories sont censées s’appliquer et qui n’est pas sujet au changement, pour ce qui est du monde physique tout au moins. Quelle relation ces deux domaines entretiennent-ils ? Or cette question induit deux types de réponses : la réponse réaliste, selon laquelle la science cherche à formuler des descriptions vraies de ce qu’est réellement le monde, et la réponse instrumentaliste selon laquelle la composante théorique de la science ne décrit pas la réalité mais où les théories sont considérées comme des instruments conçus pour relier entre elles deux séries d’états observables.  François Jacob dit ainsi « la vérité n’est que relative « ; aussi le problème est-il de comprendre la nature de cette vérité. Peut-on encore parler d’une vérité scientifique absolue ? Bertrand Russel répond ainsi : "La science ne cherche pas à énoncer des vérités éternelles ou des dogmes immuables ; loin de prétendre que chaque étape est définitive et qu'elle a dit son dernier mot, elle cherche à cerner la vérité par approximations successives." En ce sens la science ne se définirait plus telle qu’une démarche visant le vrai, c'est-à-dire l’adéquation idéale entre ce que je dis et ce qui est, mais comme visant l’approximation de la vérité. Par « approximation de la vérité « on comprend ce qui se rapproche et ressemble au vrai, en somme la vraisemblance. C’est en ce sens que se pose la question de la vraisemblabilité de la science.  Dès lors, peut-on dire de la science qu’elle est vraisemblable ? Une telle formulation implique que l’on distingue la question de fait, qui établit l’existence de telle ou telle donnée constatable, de la question de droit, qui en établit la légitimité.  Si le vrai s’affirme comme postulat de la science, qui a pour quête ultime la recherche de la vérité, il s’avère pourtant que la science ne soit que vraisemblable dans le sens où elle ne donne que l’apparence de cette vérité, qu’elle n’en soit qu’un simulacre, car la seule réalité dont elle est capable n’est peut-être finalement que celle qu’elle crée, enfermée dans ses propres formules.    Tout d’abord, selon une conception réaliste, la science se présente comme une démarche qui cherche à formuler des descriptions vraies de ce qu’est réellement le monde. De fait, il apparaît que l’on ne peut concevoir que la science est vraisemblable, ou, en renversant le qualificatif, que la science est semblable au vrai. En effet, en admettant le vrai comme seul postulat de ses théories, la science s’inscrit dans une quête perpétuelle et inaliénable de la vérité qui légitime la crédibilité qu’on lui porte. Conformément au point de vue commun, le savoir scientifique est un savoir qui a fait ses preuves car les théories scientifiques sont tirées de façon rigoureuse des faits livrés par l’observation et l’expérience. Il n’y a donc pas de place dans la science pour l’opinion personnelle, les goûts ou les spéculations de l’imagination et c’est en ce sens que l’on peut dire de la science qu’elle est objective. Cette objectivité qui lui est inhérente, donne du crédit à sa légitimité : on peut se fier au savoir scientifique parce que c’est un savoir objectivement prouvé. Aussi, aiguillonnés par les succès des « grands expérimentateurs « tel que Galilée, déjà les progressistes du XVIIème siècle furent convaincus que la source de la connaissance et donc, la vérité, s’acquérait dans l’expérience et les réussites de la science expérimentale confirmèrent leurs points de vue. On en arrive rapidement à la conclusion que « la science est une construction bâtie sur des faits « comme l’écrit J .J. Davies dans son livre On the Scientific Method. Selon ce point de vue, reconnu sous le nom « d’inductivisme«, la science commence par l’observation qui rend fidèlement compte de ce qu’elle voit de l’état du monde ; ainsi ces énoncés sur l’état du monde, ou d’ailleurs sur une ou quelconques de ses parties doivent être justifiées ou établis comme vrais de façon directe par l’utilisation des sens d’un observateur sans préjugés. Les énoncés ainsi produits ou énoncés d’observations forment donc la base sur laquelle prennent naissance les lois et théories qui constituent le savoir scientifique. Alan F. Chalmers dans son ouvrage Qu’est-ce que la science ? distingue deux types d’énoncés, appartenant tous deux à la méthode inductiviste qui recherche la vérité en se fondant sur les faits du réel. Il y a d’abord la catégorie des énoncés singuliers : ils se réfèrent à un événement ou à un état des choses observable en un lieu et à un moment donné. Considérons un exemple emprunté à Alan Chalmers : « le papier de tournesol vire au rouge quand il est plongé dans ce liquide «. Ici, la vérité d’un tel énoncé peut-être établie par une observation attentive. Dès lors, tout observateur peut établir ou vérifier sa vérité par le recours direct à ses sens : on dit que les observateurs peuvent voir par eux-mêmes. En ce sens, la singularité de ces énoncés résulte de la façon dont l’observateur fait usage de ses sens en un lieu et à un instant donné. On peut donc dire qu’effectivement dans ce cas, il y a une adéquation entre ce que j’observe et ce que je dis ; et que l’observation qui précède la théorie scientifique, s’inscrit dans la recherche de la vérité puisqu’elle répond aux critères de « vérification « et de « cohérence «. Selon Ulmo dans La pensée scientifique moderne, la vérité qui est accord, s’est monnayée en vérité-vérification qui est accord avec l’objet et vérité-consistance qui est accord du sujet avec soi-même.  Toutefois, il est bien clair qu’il ne suffise pas à la science de se fonder sur l’observation pour donner du crédit à ses théories. En effet, le premier énoncé fait référence à une apparition particulière, à une observation singulière : aussi l’exemple considéré renvoie-t-il à une situation particulière d’un papier de tournesol particulier. C’est pourquoi il est nécessaire d’envisager la seconde catégorie, qui consiste en la généralisation de l’énoncé singulier, et dont les énoncés, dits énoncés généraux, peuvent seuls prétendre appartenir à la science. Considérons l’exemple emprunté au domaine de la Chimie : « l’acide fait virer le papier de tournesol au rouge « On remarque ici, qu’à la différence des énoncés singuliers, les énoncés généraux contiennent des affirmations concernant les propriétés ou le comportement d’un aspect de l’univers. Ils portent sur la totalité des événements d’un type particulier, en tous lieux et en tous temps. Dans le cas de l’exemple choisi : chaque fois que le papier de tournesol est plongé dans l’acide, il vire au rouge. Ces lois et théories qui constituent le savoir scientifique font toutes des affirmations générales que l’on appelle énoncés universels. Aussi le procédé qui permet de passer des énoncés singuliers résultant de l’observation, aux énoncés universels constitutifs du savoir scientifique est le procédé de la généralisation d’une série finie d’énoncés d’observation singuliers en une loi universelle. De façon légitime on dira : « l’acide fait virer au rouge le papier de tournesol «. La vérité se définie par sa permanence et son universalité ; en cela, elle ne doit nullement se confondre avec la relativité et l’inconstance des opinions humaines. Ce qui est vrai aujourd’hui le sera demain et toujours et l’est pour tous ; ou ce n’est pas, à proprement parler, une vérité. Aussi, l’on voit bien que le discours scientifique, selon qu’il forme des énoncés universels dans la perspective de comprendre le réel, de l’atteindre et de l’anticiper, en un mot, selon qu’il vérifie le réel, trouve sa validité par la puissance de prévoir et d’agir qu’il confère à l’homme ; le vrai est donc le vérifié comme le confirme L. Brunschvicg dans Les Étapes, p. 461. : « La vérité proprement dite, celle qui a un contenu objectif et qui est capable de vérification universelle… «.  Si la science, en tant qu’elle est objective et universelle, prétend à la recherche de la vérité dans une perspective de saisir le monde et de s’approprier le Réel, alors il existe une vérité scientifique. « Riche d’erreurs voire d’errements, l’histoire des sciences conduit à interroger la notion de vérité scientifique. Celle-ci n’en reste pas moins le meilleur outil pour saisir le monde. « A priori, tout est simple : la notion de vérité scientifique repose, depuis que Galilée l’a formalisée, sur la démarche expérimentale. Dans leur très grande majorité, les scientifiques partagent le point de vue exprimé, comme toujours de manière claire et forte, par Richard Feynman dans ses célèbres Feynman’s lectures : « Le principe de la science, sa définition presque, sont les suivants : le test de toute connaissance est l’expérience. L’expérience est le seul juge de la vérité scientifique. « Les scientifiques ne peuvent donc affirmer que quelque chose est « vrai « que s’ils sont capables de le démontrer expérimentalement, et de montrer que chaque fois qu’ils répètent l’expérience ils retrouvent le même résultat. La logique de la démarche est donc souvent la suivante : un processus, lui-même créatif, conduit à formuler une hypothèse sur un phénomène ou un mécanisme. Sur la base de cette hypothèse, un protocole expérimental est bâti, dont le résultat doit permettre de valider l’hypothèse ou de la réfuter. En ce sens, pour croire à une théorie scientifique, Karl Popper soutenait qu’il faut pouvoir la réfuter, c’est-à-dire montrer qu’il existe des observations potentielles qui, si elles étaient réalisées et avérées, prouveraient rationnellement que la théorie était fausse. C’est ainsi que l’héliocentrisme a permis de réfuter le géocentrisme à partir de l’hypothèse de Copernic, des observations de Tycho Brahé, des lois de Kepler et de leur établissement comme résultat de la force de gravitation par Newton.  Cette première analyse permet de confirmer le fait que la science ne peut admettre le qualificatif de « vraisemblable «. En effet, si le discours scientifique a la prétention de parler du réel, alors se pose la question de la nature de ce discours : y a-t-il identité ou similarité ? Dans le cas de la science, on peut dire qu’apparemment, il y a véritablement une identité entre le discours scientifique et le Réel, rendue possible par son objectivité, le caractère universalisable de ses énoncés et le fait de « parler non des choses en soi mais des phénomènes « (Kant). La science ne peut donc être contester dans ses dires.    Toutefois, si de fait l’on a posé la science comme non vraisemblable, pouvons-nous dire pour autant qu’elle est vraie ? Peut-on affirmer de droit, que le discours scientifique parvienne à rendre compte de la vérité absolue du réel ? Shakespeare répond de la façon suivante en 1864 : « La science est l'asymptote de la vérité. Elle approche sans cesse, et ne touche jamais. « Précisons que le terme d'asymptote est utilisé en mathématiques pour préciser des propriétés éventuelles d'une branche infinie de courbe à accroissement tendant vers l'infinitésimal. La science ne parviendrait donc jamais à « toucher « la vérité, c'est-à-dire à l’atteindre et à en rendre compte dans son intégralité. Aussi dira-t-on que la science n’est que le simulacre de la vérité, dans le sens où elle n’est toujours que l’approximation du vrai.  Certes la science parle des phénomènes du Réel dans le but de l’explorer, le décrire, l’expliquer et le prévoir. Pour autant, peut-on dire que le discours scientifique décrive exactement la vérité absolue du réel ? Dès lors que l’on choisit d’approcher une réalité par les mots ou la pensée, il semble que l’on ne puisse éviter un certain décalage entre le discours et la réalité décrite. La science ne décrit pas, elle vise à décrire ; et d’ailleurs, l’action même de « décrire « implique une déformation de l’objet par la pensée. De la même façon, on peut dire que le discours scientifique est de l’ordre de l’interprétation ; il énumère des théories qui se rapprochent du réel, qui lui ressemblent, qui ressemblent au vrai. Analysons dès lors le caractère vrai/semblable de la science.  En effet, le langage scientifique est révélateur de ce décalage entre discours et réel. Si les théories scientifiques décrivent, on dira plutôt qu’elles visent à décrire ce à quoi ressemble réellement le monde. Par exemple, d’un point de vue réaliste, la théorie cinétique des gaz décrit ce à quoi ressemblent réellement les gaz ; on parle bien ici de ressemblance. De la même façon, elle s’interprète comme une théorie affirmant que les gaz sont réellement constitués de molécules animées d’un mouvement aléatoire et qui entrent en collision les unes avec les autres et avec les parois du récipient qui le contient ; ici encore, le discours scientifique interprète des phénomènes. D’une façon similaire, et toujours selon un point de vue réaliste, la théorie électromagnétique classique s’interprète en affirmant qu’il existe réellement dans le monde des champs électriques et magnétiques qui obéissent aux équations de Maxwell et des particules chargées qui obéissent à l’équation de la force de Lorentz. On voit bien que le point de vue réaliste contient une notion de vérité en ce que les théories donnent une description correcte d’un aspect du monde réel. Le qualificatif « correcte « implique une adéquation entre l’esprit et le réel mais cette adéquation est de l’ordre de la similarité et non de l’identité. On voit bien que le langage utilisé par les savants montre cette distance entre le discours scientifique et le réel, à tel point que Albert Jacquard le définit comme « un ensemble de probabilité plus que de vérités «.  Par probabilité, on peut penser qu’il aborde les notions d’axiome et de postulat sur lesquels la science se fonde. Avant de voir en quoi la notion d’axiome pose problème par sa non vérification, définissons l’axiome. L’axiome a été conçu au début XIXème siècle, comme une vérité évidente et nécessaire par elle-même, qui n’a pas besoin d’être fondée et qui sera le fondement d’une déduction qui lui empruntera son caractère de nécessité, procurant une vérité absolue. A ce moment, on peut dire que le postulat se distingue de l’axiome en ce que son évidence n’est pas reconnue ; le postulat n’est qu’une hypothèse. Par exemple, on crée les géométries non euclidiennes en niant l’hypothèse du postulat d’Euclide, en la remplaçant par d’autres hypothèses. Mais entraîné par le succès, on s’aperçoit qu’on peut créer d’autres géométries nouvelles en niant certains axiomes d’Euclide considérés jusqu’alors comme évidents (les géométries non archimédiennes par exemple), et ainsi tous les axiomes paraissent révisables, axiomes et postulats se confondent : il ne reste plus qu’un système d’hypothèses dont on n’exige plus qu’elles soient évidentes, mais seulement qu’elles soient compatibles entre elles, c'est-à-dire que leurs conséquences ne conduisent pas à des énoncés contradictoires : Ulmo nomme ce critère, le « critère de la consistance interne « (La pensée scientifique moderne). Finalement, il conclut que « la vérité inconditionnelle déduite de l’évidence, fait place à la vérité conditionnelle d’un système hypothético-déductif «. Dès lors, la science n’a plus besoin de dire la vérité pour être vraie : il lui suffit d’exposer des théories scientifiques qui sont cohérentes entre elles, qui ne se contredisent pas mais qui peuvent être complètement fausses d’un point de vue du réel ! Cet argument précise donc le caractère vraisemblable d’une science comme les mathématiques, qui tâtonne, formule une théorie… mais qui ne peut la vérifie ! On a dès lors affaire à ce que Ulmo nomme une « formalisation axiomatique « où « les axiomes énoncent comme possibles certaines relations entre des éléments préalablement conçus « (F. Gonseth, Qu’est-ce que la logique ?), éléments empruntés à l’intuition géométrique ou arithmétique par exemple. Or dans la formalisation, ces éléments perdent toutes déterminations préalables ; en effet, Gonseth écrit « on substitue aux définitions explicites un certain nombre d’axiomes, dans lesquels figurent les éléments à définir et certaines relations logiques qui doivent s’établir entre eux. Et surtout, on exige qu’éléments et relations ne possèdent, en fait de propriétés, que celles exclusivement que les axiomes ont pour mission de formuler. L’ensemble de ces dernier fournit alors une définition implicite des classes d’élément primitifs et des relations qui les relient «. Dès lors les axiomes ne sont plus des hypothèses faites sur certains objets mathématiques (point, droite, nombre), ils constituent une définition d’objets idéaux qui tirent d’eux toutes leurs propriétés et leur existence même. Cette transformation d’une hypothèse en définition, sans pour autant que cette hypothèse ait été vérifiée, confirme le caractère vraisemblable de la science en ce qu’elle n’est finalement qu’une démarche fondée sur des hypothèses. En effet par cette démonstration, on voit bien que la science exerce une marche incessante vers une construction intellectuelle toujours plus indépendante de toute référence à la réalité concrète, toujours plus éloigné du climat de l’évidence, toujours plus soumise au seul critère de la consistance interne. Dès lors, si l’idéalisme a pu affirmer le pouvoir de l’esprit de tirer de lui-même des normes auxquelles les choses se trouveraient soumises, en arguant des vérités formelles comme celle de la géométrie ou de l’arithmétique, se pose pourtant le problème d’appliquer cet instrument aux choses réelles.  Enfin, la démarche scientifique est liée à l’Histoire tant dans ses moyens (instruments utilisés tel que l’invention du télescope par Galilée) que dans ses problématiques. On peut donc dire qu’elle est relative à un corpus de connaissances données. En ce sens, elle est bornée par ce qu’elle sait déjà. En effet, la science, en tant que corpus de connaissances mais également comme manière d'aborder et de comprendre le monde, s'est constituée de façon progressive depuis quelques millénaires. C'est en effet aux époques protohistoriques qu'ont commencé à se développer les spéculations intellectuelles visant à élucider les mystères de l'univers. L'histoire des sciences en tant que discipline étudie le mouvement progressif de transformation de ces spéculations, et l'accumulation des connaissances qui l'accompagne. Par exemple, on peut établir une chronologie des théorèmes scientifiques qui trouvent leurs fondements respectifs dans la correction du théorème qui leur précède ; en effet, si Galilée et Kepler ont certainement contribué à renforcer la position de la théorie de Copernic, seul Newton fut capable de tirer des œuvres de Galilée et de Kepler les éléments pour construire les bases solides d’une physique globalisante. Il formula donc une conception claire de la force comme cause de l’accélération plutôt que du mouvement, conception qui était présente confusément dans les écrits de Galilée et de Kepler. De même, il remplaça la loi de l’inertie circulaire de Galilée par sa propre loi de l’inertie linéaire, stipulant que les corps continuent leur mouvement en ligne droite à vitesse uniforme tant qu’ils ne subissent pas l’action d’une force. Enfin l’autre contribution majeure de Newton reste la loi de la gravitation. Cette loi lui permit en effet d’expliquer l’exactitude approximative des lois du mouvement planétaire de Kepler et de la loi de la chute libre de Galilée. Dans son système, il formule l’unification des domaines des corps célestes et des corps terrestres, chaque série se déplaçant sous l’influence des forces selon les lois du mouvement de Newton. Les lois de Newton, ne sont que le produit de corrections apportées sur les théorèmes qui l’ont précédé dans le temps. On voit bien que la science est forcément bornée par son propre corpus de connaissances scientifiques, ce qui réduit de beaucoup la connaissance du réel.  Finalement, en raison de la simplification de son langage, de son décalage entre le discours scientifique et le réel, de la notion de probabilité axiomatique et d’un corpus de connaissances scientifiques absolument fixe qui la borne à un savoir limité, la science s’affirme bel et bien comme une démarche vraisemblable, c'est-à-dire qui tend vers la vérité mais qui ne l’atteint jamais que par approximations infinies. Ainsi Karl Popper reformule l’affirmation qu’une science tend à approcher la vérité, en ces termes : « au fur et à mesure qu’une science progresse, la vérisimilarité de ses théories augmente régulièrement «.    Questionner la vraisemblabilité de la science, nous invite finalement à reconsidérer la nature de la vérité dans son rapport au Réel mouvant, réel qui garde sa part d’indiscernable et de flou, où la vérité n’est plus que le produit d’une démarche constructive de l’esprit et du savant.  Tout d’abord, s’il est certain que le Réel est sans moi, est-ce que la réalité est encore envisageable sans mon discours? En effet, le seul réel possible est celui de mon discours (et pourtant, il ne doit pas être une opinion) ; aussi est-ce bien le discours qui crée du réel. Donc la seule réalité possible est celle créée par l’Homme, celle sur laquelle l’esprit travaille, celle qui est liée à cet esprit. Il n’y a pas de détachement possible, d’où le questionnement de la science sur son travail (est-il vraisemblable ?). Le vraisemblable est ici ce à quoi l’esprit est sensé adhérer et c’est en cela qu’il marque la fin de la Vérité Absolue. En effet, la méthode scientifique ne connait que la relation entre ce qu’elle dit et ce qu’est la vérité comme norme. L’idée de vérité ne sert finalement qu’à évaluer ce qui a été fait : elle est donc une notion relative. Tant que l’esprit et la réalité étaient admis comme étant des entités indépendantes, alors la notion d’une vérité absolue préalablement posée, permettait de garantir qu’ils pussent se rejoindre. Or, il y a une dichotomie consciente entre l’esprit et la réalité ; aussi la vérité servait-elle de référence à leur réunion. Toutefois, lorsque l’esprit et la réalité se constituent tous les deux par un effet de connaissance pour les distinguer, la vérité devient relative à cet ensemble ; elle devient la confirmation qu’esprit et réalité se sont bien distingués. Rappelons que la vérité est un accord qui suppose une vérification, c'est-à-dire un accord avec l’objet mais aussi une consistance, c'est-à-dire, un accord du sujet avec lui-même. Ainsi, lorsque la pensée s’affirme, la réalité aussi. On voit donc que le concept de vérité s’applique au jugement alors que la vérité même ne s’applique qu’aux idées. Bergson définit ainsi la vérité : « nous appelons vrai toute affirmation, qui, en nous dirigeant à travers la réalité mouvante, nous donne prise sur elle et nous place dans les meilleures conditions pour agir «. Ce sont bien ces conséquences qui font la vérité d’une idée mais cette vérification doit être absolument impersonnelle.  En effet, la science a pour tâche de produire une conception du monde qui s’appuie de façon claire et logique sur l’expérience et qui puisse être soumise à des tests objectifs. C’est en ce sens que l’explication scientifique répond à deux exigences : l’exigence de la pertinence et l’exigence de la stabilité. Cette idée de précision confirme la saisie de l’intelligence des mécanismes de la Nature selon de deux principes : le principe de causalité (un effet est systématiquement rapporté à sa cause) et le principe de déterminisme (rien ne se produit au hasard). Or le hasard est inhérent au réel. En effet, le biologiste Jacques Monod dans le Hasard et la Nécessité, a montré qu’il existait un hasard essentiel en biologie ; de ce fait, il remet en cause le principe de causalité et de déterminisme strict, prouvant ainsi que quelque chose échappe inéluctablement à notre discours. Pourquoi ? Parce que le discours n’embrasse pas la totalité du Réel ; il y a un mystère du Réel qui nous échappe et c’est en ce sens que la science ne peut être que vraisemblable. Elle n’est pas une simple apparence de la vérité qui supposerait une démarche insuffisamment rigoureuse mais elle est ce à quoi l’esprit est tenu d’adhérer parce que rien de meilleur ne peut être proposé. Le vrai se définit, avant d’être un jugement ou un rapport, comme un « en-soi «, un être en tant qu’il est intelligible et intelligé. S’il est vrai que la science est en rupture avec l’opinion car son soucis d’objectivité et sa méthode lui assure l’adhésion de l’esprit, alors à ce titre, elle n’est pas vraiment vraisemblable. Pourtant si l’on considère la capacité de la raison de saisir l’être en soi alors la science est effectivement vraisemblable. En effet, l’objectivité scientifique est la rupture avec l’objet immédiat c'est-à-dire avec la première observation. Selon Bachelard, elle est donc « une approche rationnelle, elle se dirige vers la loi en tentant d’appréhender l’ordre des choses «. Or, le savant s’engage dans une simple régularité statistique ; de ce fait, le déterminisme, principe de vie, n’est donc plus un déterminisme absolu : c’est pourquoi il n’est plus possible de prévoir rigoureusement un phénomène. Toutefois, on peut toujours dire que l’objectivité scientifique est compatible avec l’indéterminé c'est-à-dire qu’il existe une part d’indiscernable. Aussi Bachelard avance que le seul déterminisme qui existe est devenu « partiel, particulier et régional. Il est saisi à un point de vue spécial dans un ordre de grandeur désigné dans des limites explicitement fixées « (Activité rationaliste de la physique contemporaine). L’homme a donc une saisie du Réel efficace mais partielle car l’objectivité scientifique retient l’ordre des phénomènes (les déterminismes régionaux) et le désordre (l’indéterminé). Il y a véritablement une part d’aléatoire, un flou, une distance qui fait que ce que je dis sur le monde a des chances d’arriver. Ces chances sont de l’ordre d’un vrai pas tout à fait vrai car ce que j’ai dit ne va pas se produire forcément.  C’est en ce sens que l’on peut dire que la science tient plus à la démarche du savant qu’à une saisie totale du monde.  En quoi consiste la démarche du savant ? On peut dire que le travail du savant consiste en des travaux psychiques sur les données d’observation dont il dispose, à des calculs, à l’établissement de corrélations, de rapports entre la production d’un certain type de phénomènes et les circonstances dans lesquels ils se produisent. Sa conclusion est la suivante : tel phénomène a tant de chances de se produire. La loi énoncée devient un outil de reconnaissance qui a pour vocation de permettre aux hommes de se repérer dans le flux des événements, d’anticiper sur le développement du réel et d’ajuster leur propre comportement. Cette efficacité du discours scientifique peut nous faire parler d’une science relative puisqu’elle comporte quand même une part de vrai. La science confère à l’homme une place forte mais la prévisibilité n’est possible que dans la mesure où l’esprit humain est capable de forger des outils de contrôle des productions du Réel. L’esprit humain travaille sur des éléments fournis par le monde. On peut dire que c’est cette démarche pragmatique qui lui permet de mieux comprendre le Réel. On est loin alors d’une science absolue où le savant ne ferait qu’enregistrer la vérité hors du réel. L’esprit est résolument important dans la démarche scientifique. Le savant ne fait pas des découvertes au sens où ses découvertes sont des régularités et des lois toutes faites qui jaillissent à ses yeux. Il ne s’agit pas pour lui de les dégager ou de les déceler : l’esprit est à l’origine des constructions théoriques. Le savant est projeté hors de lui dans le monde vers lequel il est tourné. Dès lors, la vérité peut être définie comme la pertinence théorique rencontrant le Réel.    La science est donc un mode de traitement de données à notre conscience. Aussi, l’ordre que notre esprit a la faculté de produire ne peut être considéré comme faisant partie intégrante de la structure ontologique du monde telle qu’elle s’offre à notre regard. Finalement, à la question « la science est-elle vraisemblable ? «, on répondra que la science peut être dite vraie, si on la renvoie à sa capacité à se donner des repères par oppositions à d’autres discours moins fiables ; mais elle est dite vraisemblable lorsqu’elle prétend saisir l’être en soi. Cette ambivalence nous invite ici à la question suivante : finalement, qu’est-ce que cette chose que l’on appelle la science ? La science est un ensemble de connaissances et de recherches ayant un degré suffisant d’unité et de généralités susceptibles d’amener les esprits à des conclusions concordantes qui ne résultent ni de conventions arbitraires, ni des goûts ou des intérêts individuels qui leurs sont communs. Au terme de cette analyse, on peut véritablement confirmer la thèse de Popper selon laquelle la science est la recherche de la vérité par approximations successives et infinies. Or la vérité, pertinence théorique rencontrant le réel, n’est déjà qu’une interprétation de la réalité. Il n’y a donc d’autre réalité que celle que l’Homme est capable de cerner. C’est en ce sens que l’on peut dire que la science construit sa propre réalité ; la seule qu’elle connaisse et qu’elle enferme dans ses formules.  Dès lors, on pourrait s’interroger sur l’écart sensible entre science vraisemblable et fausse science. L’histoire des sciences est venue montrer que le vrai et le faux ne peuvent être pensés dans une opposition rigide et unilatérale. Il reste qu’il existe des fausses sciences, dangereuses et qu'il faut combattre. C’est pourquoi, contre un certain nihilisme de notre époque qui soutient qu’au fond la recherche de la vérité produisant l’effort véritablement scientifique, ne serait qu’une tyrannie parmi d’autres, il semble nécessaire d’affirmer que les idées vraies sont plus fortes que les pouvoirs oppressifs et qu’il faut garder foi en la puissance de la vérité. Les fausses sciences mènent toujours à l’oppression, les vraies sciences seront toujours celles qui conduisent vers la liberté.

« nécessaire d'envisager la seconde catégorie, qui consiste en la généralisation de l'énoncé singulier, et dont lesénoncés, dits énoncés généraux, peuvent seuls prétendre appartenir à la science.

Considérons l'exemple empruntéau domaine de la Chimie : « l'acide fait virer le papier de tournesol au rouge » On remarque ici, qu'à la différence desénoncés singuliers, les énoncés généraux contiennent des affirmations concernant les propriétés ou lecomportement d'un aspect de l'univers.

Ils portent sur la totalité des événements d'un type particulier, en tous lieuxet en tous temps.

Dans le cas de l'exemple choisi : chaque fois que le papier de tournesol est plongé dans l'acide, ilvire au rouge.

Ces lois et théories qui constituent le savoir scientifique font toutes des affirmations générales quel'on appelle énoncés universels.

Aussi le procédé qui permet de passer des énoncés singuliers résultant del'observation, aux énoncés universels constitutifs du savoir scientifique est le procédé de la généralisation d'unesérie finie d'énoncés d'observation singuliers en une loi universelle.

De façon légitime on dira : « l'acide fait virer aurouge le papier de tournesol ».

La vérité se définie par sa permanence et son universalité ; en cela, elle ne doitnullement se confondre avec la relativité et l'inconstance des opinions humaines.

Ce qui est vrai aujourd'hui le serademain et toujours et l'est pour tous ; ou ce n'est pas, à proprement parler, une vérité.

Aussi, l'on voit bien que lediscours scientifique, selon qu'il forme des énoncés universels dans la perspective de comprendre le réel, del'atteindre et de l'anticiper, en un mot, selon qu'il vérifie le réel, trouve sa validité par la puissance de prévoir etd'agir qu'il confère à l'homme ; le vrai est donc le vérifié comme le confirme L.

Brunschvicg dans Les Étapes, p.

461.: « La vérité proprement dite, celle qui a un contenu objectif et qui est capable de vérification universelle… ».Si la science, en tant qu'elle est objective et universelle, prétend à la recherche de la vérité dans une perspectivede saisir le monde et de s'approprier le Réel, alors il existe une vérité scientifique.

« Riche d'erreurs voired'errements, l'histoire des sciences conduit à interroger la notion de vérité scientifique.

Celle-ci n'en reste pas moinsle meilleur outil pour saisir le monde.

» A priori, tout est simple : la notion de vérité scientifique repose, depuis queGalilée l'a formalisée, sur la démarche expérimentale.

Dans leur très grande majorité, les scientifiques partagent lepoint de vue exprimé, comme toujours de manière claire et forte, par Richard Feynman dans ses célèbres Feynman'slectures : « Le principe de la science, sa définition presque, sont les suivants : le test de toute connaissance estl'expérience.

L'expérience est le seul juge de la vérité scientifique.

» Les scientifiques ne peuvent donc affirmer quequelque chose est « vrai » que s'ils sont capables de le démontrer expérimentalement, et de montrer que chaquefois qu'ils répètent l'expérience ils retrouvent le même résultat.

La logique de la démarche est donc souvent lasuivante : un processus, lui-même créatif, conduit à formuler une hypothèse sur un phénomène ou un mécanisme.Sur la base de cette hypothèse, un protocole expérimental est bâti, dont le résultat doit permettre de validerl'hypothèse ou de la réfuter.

En ce sens, pour croire à une théorie scientifique, Karl Popper soutenait qu'il fautpouvoir la réfuter, c'est-à-dire montrer qu'il existe des observations potentielles qui, si elles étaient réalisées etavérées, prouveraient rationnellement que la théorie était fausse.

C'est ainsi que l'héliocentrisme a permis de réfuterle géocentrisme à partir de l'hypothèse de Copernic, des observations de Tycho Brahé, des lois de Kepler et de leurétablissement comme résultat de la force de gravitation par Newton.Cette première analyse permet de confirmer le fait que la science ne peut admettre le qualificatif de « vraisemblable».

En effet, si le discours scientifique a la prétention de parler du réel, alors se pose la question de la nature de cediscours : y a-t-il identité ou similarité ? Dans le cas de la science, on peut dire qu'apparemment, il y avéritablement une identité entre le discours scientifique et le Réel, rendue possible par son objectivité, le caractèreuniversalisable de ses énoncés et le fait de « parler non des choses en soi mais des phénomènes » (Kant).

Lascience ne peut donc être contester dans ses dires. Toutefois, si de fait l'on a posé la science comme non vraisemblable, pouvons-nous dire pour autant qu'elle est vraie? Peut-on affirmer de droit, que le discours scientifique parvienne à rendre compte de la vérité absolue du réel ?Shakespeare répond de la façon suivante en 1864 : « La science est l'asymptote de la vérité.

Elle approche sanscesse, et ne touche jamais.

» Précisons que le terme d'asymptote est utilisé en mathématiques pour préciser despropriétés éventuelles d'une branche infinie de courbe à accroissement tendant vers l'infinitésimal.

La science neparviendrait donc jamais à « toucher » la vérité, c'est-à-dire à l'atteindre et à en rendre compte dans sonintégralité.

Aussi dira-t-on que la science n'est que le simulacre de la vérité, dans le sens où elle n'est toujours quel'approximation du vrai.Certes la science parle des phénomènes du Réel dans le but de l'explorer, le décrire, l'expliquer et le prévoir.

Pourautant, peut-on dire que le discours scientifique décrive exactement la vérité absolue du réel ? Dès lors que l'onchoisit d'approcher une réalité par les mots ou la pensée, il semble que l'on ne puisse éviter un certain décalageentre le discours et la réalité décrite.

La science ne décrit pas, elle vise à décrire ; et d'ailleurs, l'action même de «décrire » implique une déformation de l'objet par la pensée.

De la même façon, on peut dire que le discoursscientifique est de l'ordre de l'interprétation ; il énumère des théories qui se rapprochent du réel, qui lui ressemblent,qui ressemblent au vrai.

Analysons dès lors le caractère vrai/semblable de la science.En effet, le langage scientifique est révélateur de ce décalage entre discours et réel.

Si les théories scientifiquesdécrivent, on dira plutôt qu'elles visent à décrire ce à quoi ressemble réellement le monde.

Par exemple, d'un pointde vue réaliste, la théorie cinétique des gaz décrit ce à quoi ressemblent réellement les gaz ; on parle bien ici deressemblance.

De la même façon, elle s'interprète comme une théorie affirmant que les gaz sont réellementconstitués de molécules animées d'un mouvement aléatoire et qui entrent en collision les unes avec les autres etavec les parois du récipient qui le contient ; ici encore, le discours scientifique interprète des phénomènes.

D'unefaçon similaire, et toujours selon un point de vue réaliste, la théorie électromagnétique classique s'interprète enaffirmant qu'il existe réellement dans le monde des champs électriques et magnétiques qui obéissent aux équationsde Maxwell et des particules chargées qui obéissent à l'équation de la force de Lorentz.

On voit bien que le point devue réaliste contient une notion de vérité en ce que les théories donnent une description correcte d'un aspect dumonde réel.

Le qualificatif « correcte » implique une adéquation entre l'esprit et le réel mais cette adéquation est del'ordre de la similarité et non de l'identité.

On voit bien que le langage utilisé par les savants montre cette distanceentre le discours scientifique et le réel, à tel point que Albert Jacquard le définit comme « un ensemble de probabilité. »

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