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L'individualisme : la passion de soi ?

Publié le 28/03/2015

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Dans Les Caractères, au chapitre V intitulé : «De la société et de la conversation«, La Bruyère fait une satire d'un mythomane entièrement centré sur lui-même, Arrias, personnage qui perd la face à la fin de la scène.

 

Déjà te libertinage de Don Juan au XVIle siècle avait mené à l'éloge de l'inconstance amoureuse.

 

Rousseau, pour sa part, se démarque comme son siècle de la critique morale des passions par les générations précédentes qui y voyaient pathologie et faiblesse et, s'il critique dans ses deux Discours les passions artificielles qui «dénaturent« l'homme --- comme son témoignage personnel des Confessions le montre aussi ---, pour autant il ne manque pas de faire l'apologie du caractère moral de la passion au livre IV de t'Emile.

 

Il distingue l'amour de soi, qui est toujours conforme à la nature, porté à ta bienveillance et à l'affection, de l'amour-propre, d'où viennent les «passions haineuses et irascibles«.

 

Le jeune homme est porté à se conserver lui-même, mais aussi à s'ouvrir à autrui, ce qui est le signe de son humanité et la condition de son devenir moral.

 

La morale doit être fondée sur l'élan intérieur vers le Bien par l'exercice de la conscience (Profession de foi du vicaire savoyard).

 

La sensibilité permet donc d'atteindre le Bien sans référence à une nature déchue ou orgueilleuse.

 

Rousseau illustre ici cette grande conciliation du XVIlle siècle entre moralité et sentiment, bonheur et vertu, plaisir et devoir qu'évoque Robert Mauzi dans L'Idée du bonheur au xviir siècle.

 

La passion ne manque pas de dimension morale au XVIII siècle.

 

Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature, et cet homme, ce sera moi.

 

Rompant avec les conventions, Rousseau refuse toute imitation, récusant ainsi tout héritage littéraire.

 

Il inaugure une posture d'avant-garde littéraire, ouvre un texte qu'il veut narratif mais aussi justificatif, poursuivant un plaidoyer pour soi.

 

Les intérêts établis, l'humanité intéressée, c'est bien aussi ce qu'il conteste dans les deux Discours, en défendant dans Le Contrat social la vraie liberté, la règle que l'on s'applique à soi-même, l'acceptation de la volonté générale à travers la loi.

 

C'est en renonçant à ses intérêts et à ses mauvaises passions que l'homme deviendra vraiment homme, c'est-à-dire citoyen.

 

Chacun se donnant à tous avec la loi ne se donne en fait à personne, ce qui rompt avec le lien coutumier ou féodal de la pratique politique traditionnelle.

 

Ce même début des Confessions ouvre toute une littérature du moi qui va se développer au XIX siècle avec l'autobiographie, la poésie lyrique, le journal intime...

 

Cette littérature du moi a eu quelques précurseurs comme Montaigne ou saint Augustin, mais l'analogie est trompeuse.

 

« Passion et société Passion et désirs sont donc des pouvoirs .actifs dès lors qu'il s'agit de l'affirmation de soi, dans la perspective de la modernité : passion de connaître ou de dominer, le savoir étant lui-même un pouvoir.

Il est difficile de réduire la passion à la sensation ou à l'émotion comme le font les empiristes, comme Hume qui définissait au XVIII" siècle, dans le Traité de la nature humaine, la raison et la passion comme deux ordres incommensurables, la première étant soumise à la seconde.

Certes, la passion dépasse la raison : nous éprouvons plus que nous ne pensons, mais la passion, distincte de la simple émotion qui nous prend habituellement au dépourvu, requiert le concours de l'intelligence et de l'imagination.

La représentation peut même l'emporter sur le réel, ce qui révèle le rôle de l'imagination souvent discréditée comme « aveuglement ».

Et surtout.

la passion cherche des justifications, selon un processus rationnel et intellectualisé : avec la haine, je structure une représentation négative; avec la jalousie, je veux m'emparer du désir d'autrui ; le désespoir me mène à approfondir mon malaise.

Dans l'amour, je construis un être idéal dans un processus que Stendhal a nommé la « cristallisation »,accru souvent par la distance à l'être aimé.

Dans Sodome et Gomorrhe, une phrase de Proust révèle précisément cette intensification de l'amour par l'absence : « Non, ce soir je ne serai pas libre.

» Je peux cultiver volontairement mon ambition, m'attacher à la vanité, entretenir la jalousie en m'inquiétant de la liberté et des pouvoirs d'autrui.

Je peux cultiver telle passion ; ainsi, les romantiques se plai­ saient au « mal du siècle » où la délectation s'alimentait de la peine, de même qu'en certains moments la crainte se mêle à l'espérance, la terreur et la pitié à l'admiration, comme dans la tragédie classique.

Affirmation active Quand il s'agit du « moi », la passion est affirmation active, en parti­ culier dans les perspectives de la gloire, de la vanité ou bien de l'ambi­ tion.

Elle implique l'autonomie du sujet, son indépendance ou son détachement par rapport à un ordre supérieur.

Ainsi, il est difficile d'évoquer la « passion de soi » pour ['Antiquité qui juge la passion comme une « maladie de l'âme».

Mais nous ne devons pas oublier le mythe de Narcisse comme quête de l'identité dans les Métamorphoses d'Ovide.

Au Moyen Age, dans les chansons de geste puis dans les romans courtois de Chrétien de Troyes, l'idéologie chevaleresque et aristocratique valorise le moi avec le courage, l'honneur, le sens de l'engagement ou de la fidélité mais dans le respect d'un ordre supérieur, politique et religieux.

A Roncevaux, Roland pèche par présomption et finit par trouver la mort.

Dans les romans courtois, lorsqu'est évoquée la Table Ronde à la cour du roi Arthur, celle-ci comporte une place vide qui attend le chevalier parfait.

Laissée inoccupée, elle signifie que la - 233 -. »

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