La Chartreuse de Parme entièrement remplie, mais de gens appartenant à la dernière classe et attirés apparemment par le spectacle de l'illumination.
Publié le 12/04/2014
Extrait du document
«
cette affectation à venir troubler sa rue solitaire, après l'avoir déjà chassée de son jardin.
En parcourant les figures de femmes qui l'écoutaient, Fabrice remarquait depuis assez longtemps une petite
figure brune fort jolie, et dont les veux jetaient des flammes.
Ces yeux magnifiques étaient ordinairement
baignés de larmes dès la huitième ou dixième phrase du sermon.
Quand Fabrice était obligé de dire des choses
longues et ennuyeuses pour lui-même, il reposait assez volontiers ses regards sur cette tête dont la jeunesse
lui plaisait.
Il apprit que cette jeune personne s'appelait Anetta Marini, fille unique et héritière du plus riche
marchand drapier de Parme, mort quelques mois auparavant.
Bientôt le nom de cette Anetta Marini' fille du drapier, fut dans toutes les bouches; elle était devenue
éperdument amoureuse de Fabrice.
Lorsque les fameux sermons commencèrent, son mariage était arrêté avec
Giacomo Rassi, fils aîné du ministre de la justice, lequel ne lui déplaisait point; mais à peine eut-elle entendu
deux fois monsignore Fabrice, qu'elle déclara qu'elle ne voulait plus se marier; et, comme on lui demandait la
cause d'un si singulier changement, elle répondit qu'il n'était pas digne d'une honnête fille d'épouser un
homme en se sentant éperdument éprise d'un autre.
Sa famille chercha d'abord sans succès quel pouvait être
cet autre.
Mais les larmes brûlantes qu'Anetta versait au sermon mirent sur la voie de la vérité; sa mère et ses oncles lui
ayant demandé si elle aimait monsignore Fabrice, elle répondit avec hardiesse que, puisqu'on avait découvert
la vérité, elle ne s'avilirait point par un mensonge; elle ajouta que, n'ayant aucun espoir d'épouser l'homme
qu'elle adorait, elle voulait du moins n'avoir plus les yeux offensés par la figure ridicule du contino Rassi.
Ce
ridicule donné au fils d'un homme que poursuivait l'envie de toute la bourgeoisie devint, en deux jours,
l'entretien de toute la ville.
La réponse d'Anetta Marini parut charmante, et tout le monde la répéta.
On en
parla au palais Crescenzi comme on en parlait partout.
Clélia se garda bien d'ouvrir la bouche sur un tel sujet dans son salon; mais elle fit des questions à sa femme
de chambre, et, le dimanche suivant, après avoir entendu la messe à la chapelle de son palais, elle fit monter sa
femme de chambre dans sa voiture, et alla chercher une seconde messe à la paroisse de Mlle Marini.
Elle y
trouva réunis tous les beaux de la ville attirés par le même motif; ces messieurs se tenaient debout près de la
porte.
Bientôt, au grand mouvement qui se fit parmi eux, la marquise comprit que cette Mlle Marini entrait
dans l'église; elle se trouva fort bien placée pour la voir, et, malgré sa piété, ne donna guère d'attention à la
messe.
Clélia trouva à cette beauté bourgeoise un petit air décidé qui, suivant elle, eût pu convenir tout au plus
à une femme mariée depuis plusieurs années.
Du reste elle était admirablement bien prise dans sa petite taille,
et ses yeux, comme l'on dit en Lombardie, semblaient faire la conversation avec les choses qu'ils regardaient.
La marquise s'enfuit avant la fin de la messe.
Dès le lendemain, les amis de la maison Crescenzi, lesquels venaient tous les soirs passer la soirée,
racontèrent un nouveau trait ridicule de l'Anetta Marini.
Comme sa mère, craignant quelque folie de sa part,
ne laissait que peu d'argent à sa disposition, Anetta était allée offrir une magnifique bague en diamants,
cadeau de son père, au célèbre Hayez, alors à Parme pour les salons du palais Crescenzi, et lui demander le
portrait de M.
del Dongo; mais, elle voulut que ce portrait fût vêtu simplement de noir, et non point en habit
de prêtre.
Or, la veille, la mère de la petite Anetta avait été bien surprise, et encore plus scandalisée de trouver
dans la chambre de sa fille un magnifique portrait de Fabrice del Dongo, entouré du plus beau cadre que l'on
eût doré à Parme depuis vingt ans.
CHAPITRE XXVIIILa Chartreuse de Parme
CHAPITRE XXVIII 260.
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