La Chartreuse de Parme Mademoiselle, avez-vous un ordre du gouverneur?
Publié le 12/04/2014
Extrait du document
«
\24 Ah! si j'avais des armes! s'écria Fabrice; on me les a fait rendre pour me permettre d'entrer.
Sans doute ils
viennent pour m'achever! Adieu ma Clélia, je bénis ma mort puisqu'elle a été l'occasion de mon bonheur.
Clélia l'embrassa et lui donna un petit poignard à manche d'ivoire, dont la lame n'était guère plus longue que
celle d'un canif.
\24 Ne te laisse pas tuer, lui dit-elle, et défends-toi jusqu'au dernier moment; si mon oncle l'abbé entend le
bruit, il a du courage et de la vertu, il te sauvera; je vais leur parler.
En disant ces mots elle se précipita vers la porte.
\24 Si tu n'es pas tué, dit-elle avec exaltation, en tenant le verrou de la porte, et tournant la tête de son côté,
laisse-toi mourir de faim plutôt que de toucher à quoi que ce soit.
Porte ce pain toujours sur toi.
Le bruit s'approchait, Fabrice la saisit à bras le corps, prit sa place auprès de la porte, et ouvrant cette porte
avec fureur, il se précipita sur l'escalier de bois de six marches.
Il avait à la main le petit poignard à manche
d'ivoire, et fut sur le point d'en percer le gilet du général Fontana, aide de camp du prince, qui recula bien vite,
en s'écriant tout effrayé:
\24 Mais je viens vous sauver, monsieur del Dongo.
Fabrice remonta les six marches, dit dans la chambre:
\24 Fontana vient me sauver.
Puis, revenant près du général sur les marches de bois, s'expliqua froidement avec lui.
Il le pria fort
longuement de lui pardonner un premier mouvement de colère.
\24 On voulait m'empoisonner; ce dîner qui est là devant moi, est empoisonné; j'ai eu l'esprit de ne pas y
toucher, mais je vous avouerai que ce procédé m'a choqué.
En vous entendant monter j'ai cru qu'on venait
m'achever à coups de dague...
Monsieur le général, je vous requiers d ordonner que personne n'entre dans ma
chambre: on ôterait le poison et notre bon prince doit tout savoir.
Le général, fort pâle et tout interdit, transmit les ordres indiqués par Fabrice aux geôliers d'élite qui le
suivaient: ces gens, tout penauds de voir le poison découvert, se hâtèrent de descendre; ils prenaient les
devants, en apparence pour ne pas arrêter dans l'escalier si étroit l'aide de camp du prince, et en effet pour se
sauver et disparaître.
Au grand étonnement du général Fontana, Fabrice s'arrêta un gros quart d'heure au petit
escalier de fer au tour de la colon ne du rez-de-chaussée; il voulait donner le temps à Clélia de se cacher au
premier étage.
C'était la duchesse qui, après plusieurs démarches folles, était parvenue à faire envoyer le général Fontana à la
citadelle; elle y réussit par hasard.
En quittant le comte Mosca aussi alarmé qu'elle, elle avait couru au palais.
La princesse, qui avait une répugnance marquée pour l'énergie, qui lui semblait vulgaire, la crut folle, et ne
parut pas du tout disposée à tenter en sa faveur quelque démarche insolite.
La duchesse, hors d'elle-même,
pleurait à chaudes larmes, elle ne savait que répéter à chaque instant:
\24 Mais, madame, dans un quart d'heure Fabrice sera mort par le poison!
En voyant le sang-froid parfait de la princesse, la duchesse devint folle de douleur.
Elle ne fit point cette
réflexion morale, qui n'eût pas échappé à une femme élevée dans une de ces religions du Nord qui admettent
l'examen personnel: "J'ai employé le poison la première, et je péris par le poison."En Italie, ces sortes de La Chartreuse de Parme
CHAPITRE XXV 238.
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