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La Chartreuse de Parme réflexions, dans les moments passionnés, paraissent de l'esprit fort plat, comme ferait à Paris un calembour en pareille circonstance.

Publié le 12/04/2014

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esprit
La Chartreuse de Parme réflexions, dans les moments passionnés, paraissent de l'esprit fort plat, comme ferait à Paris un calembour en pareille circonstance. La duchesse, au désespoir, hasarda d'aller dans le salon où se tenait le marquis Crescenzi, de service ce jour-là. Au retour de la duchesse à Parme il l'avait remerciée avec effusion de la place dé chevalier d'honneur à laquelle, sans elle, il n'eût jamais pu prétendre. Les protestations de dévouement sans bornes n'avaient pas manqué de sa part. La duchesse l'aborda par ces mots: Rassi va faire empoisonner Fabrice qui est à la citadelle. Prenez dans votre poche du chocolat et une bouteille d'eau que je vais vous donner. Montez à la citadelle, et donnez-moi la vie en disant au général Fabio Conti que vous rompez avec sa fille s'il ne vous permet pas de remettre vous-même à Fabrice cette eau et ce chocolat. Le marquis pâlit, et sa physionomie, loin d'être animée par ces mots, peignit l'embarras le plus plat; il ne pouvait croire à un crime si épouvantable dans une ville aussi morale que Parme, et où régnait un si grand prince, etc.; et encore, ces platitudes, il les disait lentement. En un mot la duchesse trouva un homme honnête, mais faible au possible et ne pouvant se déterminer à agir. Après vingt phrases semblables interrompues par les cris d'impatience de Mme Sanseverina, il tomba sur une idée excellente: le serment qu'il avait prêté comme chevalier d'honneur lui défendait de se mêler de manoeuvres contre le gouvernement. Qui pourrait se figurer l'anxiété et le désespoir de la duchesse, qui sentait que le temps volait? Mais, du moins, voyez le gouverneur, dites-lui que je poursuivrai jusqu'aux enfers les assassins de Fabrice!... Le désespoir augmentait l'éloquence naturelle de la duchesse, mais tout ce feu ne faisait qu'effrayer davantage le marquis et redoubler son irrésolution; au bout d'une heure, il était moins disposé à agir qu'au premier moment. Cette femme malheureuse, parvenue aux dernières limites du désespoir, et sentant bien que le gouverneur ne refuserait rien à un gendre aussi riche, alla jusqu'à se jeter à ses genoux: alors la pusillanimité du marquis Crescenzi sembla augmenter encore; lui-même, à la vue de ce spectacle étrange, craignit d'être compromis sans le savoir; mais il arriva une chose singulière: le marquis, bon homme au fond, fut touché des larmes et de la position, à ses pieds, d'une femme aussi belle et surtout puissante. "Moi-même, si noble et si riche, se dit-il, peut-être un jour je serai aussi aux genoux de quelque républicain!"Le marquis se mit à pleurer, et enfin il fut convenu que la duchesse, en sa qualité de grande maîtresse, le présenterait à la princesse, qui lui donnerait la permission de remettre à Fabrice un petit panier dont il déclarerait ignorer le contenu. La veille au soir, avant que la duchesse sût la folie faite par Fabrice d'aller à la citadelle, on avait joué à la cour une comédie dell'arte; et le prince, qui se réservait toujours les rôles d'amoureux à jouer avec la duchesse, avait été tellement passionné en lui parlant de sa tendresse, qu'il eût été ridicule, si, en Italie, un homme passionné ou un prince pouvait l'être! Le prince, fort timide, mais toujours prenant fort au sérieux les choses d'amour, rencontra dans l'un des corridors du château la duchesse qui entraînait le marquis Crescenzi, tout troublé, chez la princesse. Il fut tellement surpris et ébloui par la beauté pleine d'émotion que le désespoir donnait à la grande maîtresse, que, pour la première fois de sa vie, il eut du caractère. D'un geste plus qu'impérieux il renvoya le marquis et se mit à faire une déclaration d'amour dans toutes les règles à la duchesse. Le prince l'avait sans doute arrangée longtemps à l'avance, car il y avait des choses assez raisonnables. CHAPITRE XXV 239 La Chartreuse de Parme Puisque les convenances de mon rang me défendent de me donner le suprême bonheur de vous épouser, je vous jurerai sur la sainte hostie consacrée, de ne jamais me marier sans votre permission par écrit. Je sens bien, ajoutait-il, que je vous fais perdre la main d'un premier ministre, homme d'esprit et fort aimable; mais enfin il a cinquante-six ans, et moi je n'en ai pas encore vingt-deux. Je croirais vous faire injure et mériter vos refus si je vous parlais des avantages étrangers à l'amour; mais tout ce qui tient à l'argent dans ma cour parle avec admiration de la preuve d'amour que le comte vous donne, en vous laissant la dépositaire de tout ce qui lui appartient. Je serai trop heureux de l'imiter en ce point. Vous ferez un meilleur usage de ma fortune que moi-même, et vous aurez l'entière disposition de la somme annuelle que mes ministres remettent à l'intendant général de ma couronne; de façon que ce sera vous, madame la duchesse, qui déciderez des sommes que je pourrai dépenser chaque mois. La duchesse trouvait tous ces détails bien longs; les dangers de Fabrice lui perçaient le coeur. Mais vous ne savez donc pas, mon prince, s'écria-t-elle, qu'en ce moment, on empoisonne Fabrice dans votre citadelle! Sauvez-le! je crois tout. L'arrangement de cette phrase était d'une maladresse complète. Au seul mot de poison, tout l'abandon, toute la bonne foi que ce pauvre prince moral apportait dans cette conversation disparurent en un clin d'oeil; la duchesse ne s'aperçut de cette maladresse que lorsqu'il n'était plus temps d'y remédier, et son désespoir fut augmenté, chose qu'elle croyait impossible."Si je n'eusse pas parlé de poison, se dit-elle, il m'accordait la liberté de Fabrice. _ cher Fabrice! ajouta-t-elle, il est donc écrit que c'est moi qui dois te percer le coeur par mes sottises!" La duchesse eut besoin de beaucoup de temps et de coquetteries pour faire revenir le prince à ses propos d'amour passionné; mais il resta profondément effarouché. C'était son esprit seul qui parlait; son âme avait été glacée par l'idée du poison d'abord, et ensuite par cette autre idée, aussi désobligeante que la première était terrible: on administre du poison dans mes Etats, et cela sans me le dire! Rassi veut donc me déshonorer aux yeux de l'Europe! Et Dieu sait ce que je lirai le mois prochain dans les journaux de Paris! Tout à coup l'âme de ce jeune homme si timide se taisant, son esprit arriva à une idée. Chère duchesse! vous savez si je vous suis attaché. Vos idées atroces sur le poison ne sont pas fondées, j'aime à le croire; mais enfin elles me donnent aussi à penser, elles me font presque oublier pour un instant la passion que j'ai pour vous, et qui est la seule que de ma vie j'ai éprouvée. Je sens que je ne suis pas aimable; je ne suis qu'un enfant bien amoureux; mais enfin mettez-moi à l'épreuve. Le prince s'animait assez en tenant ce langage. Sauvez Fabrice, et je crois tout! Sans doute je suis entraînée par les craintes folles d'une âme de mère, mais envoyez à l'instant chercher Fabrice à la citadelle, que je le voie. S'il vit encore envoyez-le du palais à la prison de la ville, où ii restera des mois entiers, si Votre Altesse l'exige, et jusqu'à son jugement. La duchesse vit avec désespoir que le prince, au lieu d'accorder d'un mot une chose aussi simple, était devenu sombre; il était fort rouge, il regardait la duchesse, puis baissait les yeux et ses joues pâlissaient. L'idée de poison, mal à propos mise en avant, lui avait suggéré une idée digne de son père ou de Philippe II: mais il n'osait l'exprimer. Tenez, madame, lui dit-il enfin comme se faisant violence, et d'un ton fort peu gracieux, vous me méprisez comme un enfant, et de plus, comme un être sans grâces: eh bien! je vais vous dire une chose horrible, mais qui m'est suggérée à l'instant par la passion profonde et vraie que j'ai pour vous. Si je croyais le moins du monde au poison, j'aurais déjà agi, mon devoir m'en faisait une loi; mais je ne vois dans votre demande qu'une CHAPITRE XXV 240
esprit

« \24 Puisque les convenances de mon rang me défendent de me donner le suprême bonheur de vous épouser, je vous jurerai sur la sainte hostie consacrée, de ne jamais me marier sans votre permission par écrit.

Je sens bien, ajoutait-il, que je vous fais perdre la main d'un premier ministre, homme d'esprit et fort aimable; mais enfin il a cinquante-six ans, et moi je n'en ai pas encore vingt-deux.

Je croirais vous faire injure et mériter vos refus si je vous parlais des avantages étrangers à l'amour; mais tout ce qui tient à l'argent dans ma cour parle avec admiration de la preuve d'amour que le comte vous donne, en vous laissant la dépositaire de tout ce qui lui appartient.

Je serai trop heureux de l'imiter en ce point.

Vous ferez un meilleur usage de ma fortune que moi-même, et vous aurez l'entière disposition de la somme annuelle que mes ministres remettent à l'intendant général de ma couronne; de façon que ce sera vous, madame la duchesse, qui déciderez des sommes que je pourrai dépenser chaque mois. La duchesse trouvait tous ces détails bien longs; les dangers de Fabrice lui perçaient le coeur. \24 Mais vous ne savez donc pas, mon prince, s'écria-t-elle, qu'en ce moment, on empoisonne Fabrice dans votre citadelle! Sauvez-le! je crois tout. L'arrangement de cette phrase était d'une maladresse complète.

Au seul mot de poison, tout l'abandon, toute la bonne foi que ce pauvre prince moral apportait dans cette conversation disparurent en un clin d'oeil; la duchesse ne s'aperçut de cette maladresse que lorsqu'il n'était plus temps d'y remédier, et son désespoir fut augmenté, chose qu'elle croyait impossible."Si je n'eusse pas parlé de poison, se dit-elle, il m'accordait la liberté de Fabrice.

_ cher Fabrice! ajouta-t-elle, il est donc écrit que c'est moi qui dois te percer le coeur par mes sottises!" La duchesse eut besoin de beaucoup de temps et de coquetteries pour faire revenir le prince à ses propos d'amour passionné; mais il resta profondément effarouché.

C'était son esprit seul qui parlait; son âme avait été glacée par l'idée du poison d'abord, et ensuite par cette autre idée, aussi désobligeante que la première était terrible: on administre du poison dans mes Etats, et cela sans me le dire! Rassi veut donc me déshonorer aux yeux de l'Europe! Et Dieu sait ce que je lirai le mois prochain dans les journaux de Paris! Tout à coup l'âme de ce jeune homme si timide se taisant, son esprit arriva à une idée. \24 Chère duchesse! vous savez si je vous suis attaché.

Vos idées atroces sur le poison ne sont pas fondées, j'aime à le croire; mais enfin elles me donnent aussi à penser, elles me font presque oublier pour un instant la passion que j'ai pour vous, et qui est la seule que de ma vie j'ai éprouvée.

Je sens que je ne suis pas aimable; je ne suis qu'un enfant bien amoureux; mais enfin mettez-moi à l'épreuve. Le prince s'animait assez en tenant ce langage. \24 Sauvez Fabrice, et je crois tout! Sans doute je suis entraînée par les craintes folles d'une âme de mère, mais envoyez à l'instant chercher Fabrice à la citadelle, que je le voie.

S'il vit encore envoyez-le du palais à la prison de la ville, où ii restera des mois entiers, si Votre Altesse l'exige, et jusqu'à son jugement. La duchesse vit avec désespoir que le prince, au lieu d'accorder d'un mot une chose aussi simple, était devenu sombre; il était fort rouge, il regardait la duchesse, puis baissait les yeux et ses joues pâlissaient.

L'idée de poison, mal à propos mise en avant, lui avait suggéré une idée digne de son père ou de Philippe II: mais il n'osait l'exprimer. \24 Tenez, madame, lui dit-il enfin comme se faisant violence, et d'un ton fort peu gracieux, vous me méprisez comme un enfant, et de plus, comme un être sans grâces: eh bien! je vais vous dire une chose horrible, mais qui m'est suggérée à l'instant par la passion profonde et vraie que j'ai pour vous.

Si je croyais le moins du monde au poison, j'aurais déjà agi, mon devoir m'en faisait une loi; mais je ne vois dans votre demande qu'une La Chartreuse de Parme CHAPITRE XXV 240. »

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